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L’affaire Arturo Vidal

Par Arthur Jeanne, à Santiago (Chili)
L’affaire Arturo Vidal

Alors qu'il porte le Chili depuis le début de la Copa América, Arturo Vidal a eu la mauvaise idée de déclencher un scandale national en plantant sa Ferrari, ivre au volant. Malgré les critiques de l'opinion publique, Sampaoli a choisi de ne pas sévir et de maintenir sa confiance en son joueur. Mais avait-il vraiment le choix ?

Depuis le début de la compétition, il était le seul à recueillir les faveurs de la presse chilienne. Les choix de Sampaoli sont constamment critiqués, Sánchez agace par sa propension à trop jouer seul, Medel n’est pas rassurant, mais Arturo le roi de Santiago est au rendez-vous. Auteur de trois buts et d’une passe décisive en deux matchs, Vidal avait idéalement lancé sa Copa. Sauf que voilà, depuis mardi, vers 23 heures, tout a changé. La raison ? Un accident de voiture dont le principal protagoniste est le joueur de la Juventus. Alors que Jorge Sampaoli avait donné quartier libre à ses hommes jusqu’à 23 heures, le milieu de terrain en a profité pour aller faire un tour au casino Monticello, situé à une cinquantaine de kilomètres de Santiago avec sa femme. Jusque-là, rien de blâmable, sauf qu’en rentrant, la route de sa Ferrari 458 a croisé celle d’un 4×4 Chevrolet. Vidal conduisait surtout sous l’emprise de l’alcool (le taux d’alcoolémie n’a pas été précisé). À l’arrivée de la police sur les lieux, Vidal a été conduit à l’hôpital de Buin, pour constater qu’il ne souffrait que de très légers traumatismes, à l’inverse de son bolide acheté la veille. Bon pour le service, l’homme a donc été emmené au poste de police où il a passé la nuit en garde à vue.

« Negro, je te soutiens comme toujours »

Évidemment, mercredi matin, l’ensemble de la presse chilienne en a fait sa une, et les chaînes de télé friandes de scandale diffusaient l’information en boucle. Une interrogation revenait dans la bouche de tous les taxis de Santiago : Vidal va-t-il être exclu ou pas ? Jorge Sampaoli leur a vite coupé l’herbe sous le pied en conférence de presse : « On a su qu’Arturo n’avait pas pu arriver à temps au rassemblement à cause d’un accident. Il a toujours eu un comportement exemplaire, il a joué un Mondial en mettant en danger son genou et son futur. Il y a plein de choses à mettre sur la balance. Il n’a pas bien géré sa période de repos et il devra y remédier, mais ça n’est pas suffisant pour l’exclure. » L’Argentin a d’ailleurs donné le la à toute la communication officielle de la sélection. Ainsi, tous ses coéquipiers lui ont apporté leur soutien via Twitter. D’Alexis – « Negro, je te soutiens comme toujours, le plus important, c’est que ni ta famille ni les autres personnes n’aient rien » – à Medel : « Mon cher Celia, je t’aime beaucoup et je suis avec toi aujourd’hui plus que jamais. On est une équipe et on va s’en sortir ensemble. » Le joueur lui-même a offert des excuses publiques à tout le pays. Son conseiller en com’ a fait son job, Vidal déclarant : « Hier (mardi) je suis sorti, j’ai bu deux verres et j’ai mis en jeu la vie de ma femme et celle d’autres personnes. Je veux m’excuser auprès de mes coéquipiers, de mon entraîneur et de tout un pays. Je vous ai tous trahis, mais je vais démontrer qu’on ne me donne pas la chance de rester pour rien. Je vais faire le maximum pour que nous soyons champions. » Une conférence de presse au cours de laquelle l’intéressé est apparu très marqué. Il a même versé sa larmichette. Cheesy, mais diablement plus efficace qu’un Ribéry en claquettes, débarquant à l’improviste dans Téléfoot.

Retrait de permis

Pourtant malgré ses excuses publiques, le maintien de Vidal en sélection ne fait pas l’unanimité. Loin de là. D’abord parce qu’une nouvelle vidéo est apparue mercredi et est devenue virale au Chili. Une video captée par smartphone, sur laquelle on voit Vidal prendre de haut un policier juste après l’accident. Le joueur de la Juve, passablement ivre, s’emporte alors : « Comment j’ai déconné ? Arrête de dire des conneries. Tu veux m’emmerder ? Ok, mais tout le Chili va te faire chier après. » Une vidéo qui, ajouté au fait que Vidal n’a pas reçu de véritable sanction – hormis le retrait de son permis de conduire et l’obligation de pointer au consulat chilien de Milan tous les mois – a renforcé l’agacement des Chiliens face au sentiment d’impunité dont croit profiter le joueur. Les plus pragmatiques passent malgré tout à Vidal son nouveau dérapage (l’homme a déjà été mêlé à pas mal de scandales) au nom de l’union sacrée derrière la Roja. Il faut dire qu’à deux jours d’un match déterminant face à la Bolivie, et alors que le jeu chilien est encore en friche, Sampaoli ne pouvait pas décemment se passer de son meilleur homme. Dans d’autres circonstances, Vidal aurait d’ailleurs été exclu. Mais au bénéfice de sa forme actuelle, El Rey a une chance unique de s’offrir la rédemption. Si le Chili va loin, tout le monde oubliera cette histoire de Ferrari bousillée, sinon malheur à Arturo. Tout Santiago pourra s’acharner sur lui.

Par Arthur Jeanne, à Santiago (Chili)

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