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La manita de la lose

Par Mathieu Faure
La manita de la lose

5. Comme le nombre de fois où la Juventus s'est inclinée en finale de C1. Personne n'a fait mieux. À chaque fois, les Turinois auront nourri des regrets et il aura fallu attendre 1985, et une finale dans l'enfer du Heysel, pour voir la Vieille Dame soulever son premier trophée. 5 défaites en finale, ça se fête.

1973 : la Juve paye pour apprendre

Belgrade, José Altafini dispute sa deuxième finale de C1 avec deux clubs différents (déjà de la partie en 1963 avec l’AC Milan). Il affiche 35 ans au CV et c’est la dernière occasion de sa carrière de briller. Face au double tenant du titre ajacide, les Turinois n’ont rien à perdre. Surtout que la veille du match, les Bataves ont fait les comptes pour préparer leur avenir. Dans le hall de leur hôtel, tous les mecs de l’Ajax se sont rassemblés pour discuter transfert. Stefan Kovács, alors coach de l’Ajax, racontera la scène le lendemain du match. « Les joueurs ont fait le calcul qu’en trois ans de football espagnol, ils gagneraient autant d’argent qu’en dix ans en Hollande. J’ai eu toutes les peines du monde, le jour du match, à les barricader au huitième étage de l’hôtel et à les concentrer sur la finale. » L’histoire raconte qu’à la fin de sa causerie, le coach aurait lancé : « Après la victoire, si vous voulez, on ira tous en Espagne… » Bon, la finale n’est pas un chef-d’œuvre. La Juve, visiblement tétanisée par l’enjeu, affiche une prudence démesurée. On joue sur un faux rythme. Sur une erreur du gardien Dino Zoff, Johnny Rep ouvre le score très tôt. Le seul but d’une finale sans intérêt. Au coup de sifflet final, le coach de la Vieille Dame, le Tchèque Čestmír Vycpálek, ne se privera pas de charger son gardien : « C’est un but stupide, comme je n’en avais jamais vu depuis que j’entraîne la Juve. » Ambiance. Au vrai, la Juve n’a jamais pris la mesure du match. « La Juve était si frileuse, balance à la fin du match l’unique buteur Rep. On était surpris. C’était une bonne équipe, mais elle ne faisait rien. Elle semblait satisfaite de perdre 1-0. On les attendait ; ils ne sont jamais venus. Pour leur public, j’ai peur que cela n’ait pas été un grand match. » Tellement vrai.

1983 : Platini mangé par Rolff

C’était l’année parfaite pour briller. Dès le mois de mars, les Anglais ont disparu. Que ce soit le tenant du titre Aston Villa ou Liverpool. La Juventus de Michel Platini est sur la voie royale. Après tout, les Italiens sont outillés : six champions du monde (Zoff, Scirea, Gentile, Cabrini, Rossi et Tardelli), Michel Platini et Zbigniew Boniek. L’équipe a une gueule incroyable. Et sur le banc, Giovanni Trapattoni a la gueule du futur vainqueur. Ce n’est donc pas le Hambourg coaché par Ernst Happel qui va effrayer les Italiens en finale à Athènes. D’ailleurs, la veille du match, Platoche est incroyablement confiant. « Nous avons une meilleure équipe que Hambourg, sur le papier et en potentialités. Tactiquement, la Juve est très au point. Et notre seul véritable problème, en fait, sera d’annihiler Horst Hrubesch. Mais ça, le Mister (Trappatoni) s’en occupe… » Bon, bah, pas besoin d’avoir fait des hautes études pour comprendre comment la finale va tourner pour les Turinois. 8e minute, Magath trouve les ficelles et les Italiens courent après le score. Platini, maître à jouer, n’arrive pas à respirer. Happel a demandé à son milieu Wolfgang Rolff de ne pas lâcher Michel Platini d’un mètre. Moralité, la Juve rate encore sa finale et s’incline 1-0 sur un but pris très tôt. Le Trap, beau joueur, reconnaît son raté. « C’est toute mon équipe qui a mis à côté de la plaque. » Même son de cloche chez Platini : « Les Allemands nous ont mangés. » Comme en 1973, la Juve a raté sa finale.

1997 : la première de Zizou

Tenante du titre depuis son succès contre l’Ajax en 1996, la Juve est en lice pour un doublé. Les Italiens sont les grands favoris de la finale, puisque les Allemands du Borussia Dortmund sont des novices à ce niveau. Cela fait 14 piges qu’une équipe allemande n’a plus gagné la C1. C’était Hambourg… contre la Juventus. Tiens, tiens. La Juventus n’a plus Platini, mais s’est attaché les services de son héritier, Zinedine Zidane. Marcello Lippi, qui a pris le rôle de Trapattoni, se méfie quand même du 5-3-2 du Borussia où l’axe est dense et solide (Sammer, Kohler, Paulo Sousa, Möller) et l’attaque remplie de renards (Riedle et Chapuisat). À Munich, Turin n’a pourtant peur de rien. 5 jours avant la finale, la Vieille Dame a gagné son championnat national. Pourtant, tout le monde se méfie. À commencer par Didier Deschamps qui dispute sa troisième finale de C1 en 5 ans. « Il faudra une grande Juve pour battre Dortmund, lequel a le potentiel pour nous contrer physiquement et résister à notre pressing. Or, notre équipe paraît moins fraîche que l’an dernier à pareille époque… » La finale commence très mal pour les Italiens. Une sale habitude. Zidane est à la rue physiquement, lui qui vient d’enchaîner deux saisons très longues. En cinq minutes, sur deux corners de Möller, la défense italienne craque (Riedle 29e et 34e). Et comme la bande à Zizou est aussi poisseuse (deux poteaux et un but refusé à Vieri), ça commence à sentir le sapin. Et puis Del Piero entre en jeu. La Juve passe en 4-3-3 et l’Italien donne une lueur d’espoir en réduisant la marque d’une superbe Madjer (64e). Et si c’était une finale complètement folle ? Lars Ricken, qui est entré en jeu depuis 17 secondes, n’est pas de cet avis à la 71e. Lancé par Möller en profondeur, le jeune Allemand lobe Peruzzi sur son premier ballon. 3-1, on ferme. La Juve est au sol. Tuée par l’efficacité du Borussia. Trois tirs cadrés, trois buts.

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1998 : Mijatović, le tueur au sang-froid

Nouvelle formule avec l’apparition des deuxièmes et troisièmes des « grands » championnats. En théorie, le plateau est plus relevé. La finale l’atteste, puisque la Juventus s’invite pour une troisième finale de suite. Face à elle, le Real Madrid qui retrouve la finale pour la première fois depuis 1981. À Amsterdam, le Real de Jupp Heynckes fait figure d’outsider. Turin est une machine qui tourne bien depuis deux ans. Deschamps, Davids, Zidane, Inzaghi, Del Piero. Le quintet a de la gueule. En face, même si le Real n’a plus gagné la C1 depuis 1966, le onze de départ laisse rêveur : Illgner, Roberto Carlos, Hierro, Panucci, Raúl, Karembeu, Seedorf, Suker, Mijatović… Dans un match très fermé, il faudra attendre le début de la seconde période pour voir le seul but du match signé Mijatović à la suite d’une frappe contrée de Roberto Carlos. L’ancien attaquant de Valence récupère la balle, dribble Peruzzi et marque dans le but vide. L’homme au surnom capillaire, « el pelo engominado » (l’homme aux cheveux gominés, en VF), confirme l’énorme potentiel qui est le sien. Dans un match d’un très haut niveau technique, la Juve perd sur un détail.

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2003 : le théâtre des rêves perdus

Old Trafford, mai 2003, le Nord de l’Angleterre parle italien dans cette finale 100% transalpine entre la Juve et l’AC Milan. D’ailleurs, en demi-finale, l’AC Milan s’est défait de son encombrant voisin de l’Inter. L’Italie est au sommet du football européen. Dommage pour nous, la finale sera d’un ennui mortel. Rien d’anormal. Même Lippi l’avait prévu avant le match. « Sur la qualité du jeu, je ne peux rien promettre. » Promesse tenue. Pas de but dans une finale qui s’étire sur 120 minutes et où ses hommes ne cadrent qu’une seule frappe… Durant la séance des tirs au but, le gardien brésilien du Milan, Dida, sort trois tentatives alors qu’il souffrait du pouce gauche. La Juve perd sa troisième finale en six ans.

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