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La LFP, Vincent Labrune et le football français : la victoire du pathétique

Par Nicolas Kssis-Martov

Vincent Labrune devrait être réélu à la tête de la LFP. Les manœuvres de couloir et les rapports de force au sein des diverses familles du ballon rond lui ont déjà, par l’artifice des parrainages, assuré de retrouver son poste. La LFP offre jusqu’au bout un spectacle pathétique, alors que le football français traverse une crise qui demanderait davantage que des magouilles entre amis.

La LFP, Vincent Labrune et le football français : la victoire du pathétique

Finalement, l’élection du futur président de la LFP aura bel et bien été décidée de manière collégiale, non pas au sein du conseil d’administration, mais dans les échanges feutrés de l’Union des acteurs du football (UAF) (conglomérat des syndicats des joueurs, entraîneurs, arbitres, personnels administratifs et des médecins) lors de la distribution de ses parrainages ce vendredi matin. Les heureux bénéficiaires s’appellent Karl Olive, député macroniste sur l’aile droite, Vincent Labrune donc, et pour couronner d’une touche dadaïste cette mauvaise comédie, Alain Guerrini, patron de Panini (inutile de rappeler que des footballeurs sont en procès avec la société autour de leur droit à l’image).

Concrètement, au regard d’un règlement qui rappelle davantage Franz Kafka que Montesquieu, Gervais Martel, ex-président du RC Lens, et Cyril Linette, ancien patron de L’Équipe et du PMU, ne seront pas membres du CA, et de la sorte dans l’incapacité de porter le débat ou un projet alternatif au moment du choix du président, comme annoncé par RMC et L’Équipe. Dans cette perspective, si rien ne bouge, Vincent Labrune serait certain d’enchaîner un nouveau mandat.

Rien à voir, circulez !

Cyril Linette a déjà réagi sur X/Twitter et promis de mener la bataille jusqu’au bout : « Par leur décision, les “familles” privent le football français, en pleine crise, du nécessaire débat sur son avenir. Elles ouvrent la voie à une élection à la LFP sans opposition, en contradiction avec le vote des présidents de clubs hier. Nous ne laisserons pas faire cette entreprise de sabordage entre amis qui met les intérêts d’un petit nombre au-dessus de l’intérêt général du football français. » Peu de chance cependant que son indignation suffise à troubler les consciences de ses anciens amis.

De fait, la situation après l’échec des négociations des droits télé, les tensions autour de la diffusion de la Ligue 2 le vendredi soir, le deal mortifère avec CVC, sans parler du besoin de repenser globalement le modèle économique ou le rôle social du foot pro, aurait effectivement exigé un minimum de contradiction et de réflexion. L’urgence comptable et le bilan catastrophique de la direction sortante imposeraient au moins un temps de dialogue, y compris désagréable. Depuis le Covid et le cataclysme Mediapro, aucun aggiornamento, ni même un semblant d’introspection ne paraissent effleurer les esprits. Seul le Sénat, avec une commission d’enquête ad hoc, avait quelque peu déblayé le terrain et permis de constater l’ampleur du chantier. En vain, il a été installé ce vendredi un panneau « rien à voir, circulez » devant les ruines de la LFP.

Un symptôme et un déni de démocratie

Tout du moins ce vendredi noir aurait-il permis de révéler le véritable danger : Vincent Labrune est un symptôme davantage que le problème de fond. Naturellement, son interview lunaire en début de semaine dans le premier quotidien français en mode « c’est moi ou le chaos » révèle une absence totale d’autocritique et de vision à long terme. Mais les propos de Laurent Nicollin, un de ses principaux soutiens, auront toutefois démontré la déconnexion des présidents de clubs, qui lui ont toujours maintenu leur confiance. En tout cas en public : si le patron de la LFP faisait de moins en moins l’unanimité en privé ces derniers temps, les dirigeants n’ont pas le courage ou les soutiens pour sortir du bois. La semaine dernière, l’un d’eux nous confiait son fatalisme quant à la réélection inéluctable de Labrune. La décision de l’UAF prouve que l’ancien boss de l’OM reste le plus petit dénominateur commun parmi les dirigeants du foot français.

Pour que la démocratie fonctionne, encore faut-il en réunir les conditions, et qu’elles fassent consensus. Une loi ne suffit pas, notamment si elle ne met pas en place les contre-pouvoirs indispensables, ni ne fournit la garantie de leur exercice. La Ligue n’offre ainsi pas le spectacle d’une mainmise soviétique ni d’un coup d’État, l’anachronisme historique aveugle plus qu’il n’éclaire. Vincent Labrune n’est ni Maduro ni De Gaulle (qui aurait démissionné depuis longtemps). Nous sommes bien face à des notables et des patrons, qui, en bons conservateurs, préfèrent régler leurs affaires entre personnes de bonne ou mauvaise compagnie, quitte à conduire le foot au bord du gouffre, dans un mélange d’incompétence et de sentiment d’impunité.

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