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La Copa América est vide

Par Florian Lefèvre
La Copa América est vide

Depuis le début de la Copa América, un constat saute aux yeux : des tribunes, voire des stades entiers désertés par le public. Un comble au pays du football, mais les tarifs onéreux des billets excluent les classes populaires brésiliennes.

Après tout, le Mondial 2014 l’a illustré, quoi de mieux que le Brésil, pays du football par excellence, pour accueillir une grande compétition internationale ? Mais après la première journée de cette 46e édition de la Copa América, force est de constater que les stades sont clairsemés, voire même très largement désertés lorsque ce n’est pas le Brésil qui joue ou une grande affiche comme Argentine-Colombie. Un virage aux couleurs du Venezuela, une colonie de Péruviens coincée très haut dans le troisième anneau et entre les deux : des tribunes vides. Voilà le tableau de ce Venezuela-Pérou disputé samedi soir à l’Arena do Grêmio, à Porto Alegre.

Si la crise économique et sociale au Venezuela écrase le pouvoir d’achat des supporters de la Vinotinto, on aurait au moins pu s’attendre à un raz-de-marée rouge et blanc. L’été dernier, les Péruviens avaient envahi la Russie par dizaines de milliers en étant parmi les plus représentés en tribune, à commencer par le match face aux Bleus à Ekaterinbourg… Pourtant, ce vendredi soir, les organisateurs décomptaient seulement 13 370 spectateurs dans une arène qui fait le plein à 56 000. Quid de Paraguay-Qatar et Uruguay-Équateur le lendemain ? Respectivement 19 196 et 13 611 spectateurs. Des affluences dignes du Roudourou ou de La Mosson en Ligue 1.

Un stade vide à 80% pour Uruguay-Équateur

D’ailleurs, même le choc Argentine-Colombie annoncé à guichets fermés à Salvador de Bahia (48 000) ne faisait pas totalement le plein samedi soir. De quoi se demander si la Copa América perdrait de sa splendeur à force d’enchaîner les éditions (2015 au Chili, 2016 aux États-Unis pour le Centenaire, 2019 au Brésil et 2020 en Argentine et en Colombie dans le but de calquer les éditions sur « les années Euro » ) ? Les Péruviens sont-ils tous fauchés après avoir vendu la baraque pour aller en Russie l’an passé ? À moins que ce ne soit la présence des invités qataris et japonais qui n’intéresse personne ? Autant d’hypothèses qui peuvent expliquer qu’une partie des tribunes soit clairsemée, mais qui n’indiquent pas la cause profonde de stades vides à 80% (ce fut le cas pour Uruguay-Équateur) sur la compétition reine du continent.

Lorsque, vendredi dernier, l’arbitre argentin Néstor Pitana a sifflé la mi-temps de Brésil-Bolivie sur le score de 0-0, le stade Morumbi de São Paulo – quasiment plein, pour le coup – a copieusement raccompagné les Auriverdes au vestiaire. Le public brésilien est exigeant, peut-être capricieux, mais comment lui reprocher d’en vouloir pour son argent ? Les prix des billets du match d’ouverture variaient de 195 à 590 reais, soit une fourchette d’environ 43 à 135 euros (avec des tarifs à moitié prix pour les moins de 22 ans, plus de 59 ans, les étudiants brésiliens, les personnes handicapées et les jeunes de 15 à 29 ans dont la famille est inscrite dans des programmes sociaux fédéraux). Pour le reste de la phase de poules, les tarifs vont de 120 à 350 reais – environ 27 à 80 euros – et augmenteront ensuite à chaque palier de la compétition jusqu’à coûter de 260 à 890 reais pour la finale – environ de 59 à 204 euros (toujours avec des tarifs réduits). Sachant qu’au Brésil, pays en crise économique depuis cinq ans, le salaire minimum est de 998 reais (environ seulement 231 euros) et que le salaire médian se situe au-dessus de 2 000 reais, une telle grille tarifaire exclut forcément une grande partie de la population brésilienne. Même l’international brésilien Thiago Silva a reconnu que les prix étaient exagérément chers.

« Les plus passionnés n’ont pas les moyens d’aller au stade »

Marcelo Carvalho, un Brésilien qui dirige l’Observatoire de la discrimination raciale dans le football ( « Notre mission est de rendre publics les cas de racisme dans le football afin que l’on n’ait pas la fausse impression que ce soient des cas isolés. Exiger également des autorités qu’elles punissent les personnes impliquées et des clubs qu’ils comprennent la nécessité de lutter contre le racisme. » ) dénonce cette politique tarifaire qu’il considère comme discriminatoire. « Les Brésiliens les plus pauvres, pour majorité la population noire, n’ont pas les moyens d’aller au stade, et ce, alors qu’au Brésil, ce sont eux les plus passionnés qui allaient le plus souvent voir des matchs » , regrette Marcelo Carvalho en rappelant que « l’absence de Noirs dans les tribunes du Mondial 2014 n’est pas passée inaperçue » .

Rajoutez aux tarifs trop onéreux pour les pauvres le fait que le Brésil a organisé successivement la Coupe du monde et les JO d’été ces dernières années, on peut émettre l’hypothèse que l’intérêt des classes moyennes brésiliennes pour une grande compétition s’est estompé. Le pire, c’est que les organisateurs s’attendent à des affluences encore plus abyssales lors des prochains matchs à Belo Horizonte, Bolivie-Venezuela (22 juin) et Équateur-Japon (24 juin). Marcelo Carvalho, lui, aurait aimé que certaines villes hôtes offrent des billets de la Copa América aux élèves des écoles publiques. Ce n’est ni le temps ni la place qui manquent.

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Par Florian Lefèvre

Propos de Marcelo Carvalho recueillis par FL

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