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Kosovo : attention, talents !

Par Florian Lefèvre
Kosovo : attention, talents !

Jeune équipe à la fois par son histoire et l’âge de ses joueurs, le Kosovo a progressé à vitesse grand V depuis son admission à l’UEFA en mai 2016. Elle est peut-être là, la future sensation de l’Euro 2020.

Le 17 février 2008, à Pristina, le parlement du Kosovo a proclamé son indépendance. La Serbie et la Russie, entre autres, ont refusé de la reconnaître. Aujourd’hui, la République du Kosovo est reconnue par plus de la moitié de la communauté internationale, mais son statut est contesté : le territoire à majorité albanaise et minorité serbe est toujours revendiqué par la Serbie, qui s’est longtemps opposée à la reconnaissance de l’équipe nationale du Kosovo par la FIFA. Mais le premier match amical officiel de la sélection a fini par avoir lieu le 5 mars 2014 : un Kosovo-Haïti (0-0), à Mitrovica, au nord du Kosovo. Deux ans plus tard, la Fédération du Kosovo intègre l’UEFA et devient le 210e membre de la FIFA. Ce qui signifie que les Dardanët participent à leur première campagne de qualification internationale dans la foulée.

Bien sûr, le Kosovo ne s’est pas qualifié pour la Coupe du monde en Russie, mais il laisse déjà entrevoir de belles promesses durant ces éliminatoires. « On est une des plus jeunes équipes du monde. On a un joueur de 16 ans ! On a juste besoin de temps » , nous annonçait le sélectionneur à l’automne 2016 – dans un reportage à retrouver dans le SO FOOT #141. Trois ans plus tard, les mots d’Albert Bunjaki résonnent. Il n’est plus le sélectionneur, mais le Kosovo est à deux matchs de se qualifier pour l’Euro 2020. Pour composter son billet, il y a deux voies possibles. Par la voie des éliminatoires, il faut gagner en Tchéquie ce jeudi et battre l’Angleterre à domicile dimanche. Sinon, il y aura toujours la voie de la Ligue des nations avec les deux barrages en mars prochain.

« On est un peu inconscients »

Le premier scénario n’est pas une utopie. En septembre dernier, le Kosovo a battu la Tchéquie à Pristina (2-1), trois jours avant de perdre avec panache en Angleterre (5-3). Le tout avec une infirmerie bien remplie, où l’on retrouvait les ailiers Milot Rashica (Werder Brême) et Arber Zeneli (Stade de Reims), les deux milieux défensifs Herolind Shala (Vålerenga, Norvège) et Hekuran Kryeziu (FC Zurich), ainsi que le latéral gauche Benjamin Kololli (FC Zurich). « J’avais cinq joueurs titulaires qui étaient absents. Des vrais titulaires ! » assurait Bernard Challandes après la victoire contre la Tchéquie. Depuis sa prise de fonction en mars 2018 jusqu’à la défaite en Angleterre, le sélectionneur suisse du Kosovo est resté invaincu pendant un an et demi.

Milot Rashica

La force du Kosovo ? Joint au téléphone ce mardi soir, Bernard Challandes réfléchit longuement, puis s’emballe : « C’est notre mentalité, l’équipe ose. On est un peu inconscients dans notre façon de jouer ! » À savoir un football de possession avec un vrai numéro dix (Bersant Celina, prêté par Manchester City à Swansea), des ailiers faux pied (avec Milot Rashica, à gauche) et un pivot devant (Vedat Muriqi, du Fenerbahçe). « On recherche le jeu sur un côté avec le souci de changer le jeu à l’aveugle en ayant un autre ailier très écarté » , détaille le sélectionneur, qui a vu son équipe de 23 ans de moyenne d’âge titiller l’Angleterre à Southampton, alors qu’elle était menée 5-1 à la mi-temps. « On a eu une occasion de revenir à 5-4. Dans les dernières minutes, les Anglais ont eu des corners, ils ne les ont pas joués alors qu’ils gagnaient de deux buts. Ça montre qu’ils nous craignaient un peu. »

Sommets et insomnies

Cette saison, deux internationaux kosovars cassent la baraque dans leur club respectif. Milot Rashica est décisif avec le Werder Brême : il vient de claquer cinq buts et cinq passes décisives sur ses dix derniers matchs de BuLi (en comptant ses sept apparitions en 2019-2020 et les trois dernières en 2018-2019). Et puis, il y a Vedat Muriqi : son style de déménageur, son catogan et ses sept buts en championnat de Turquie avec le Fener. Le buteur a marqué le deuxième pion du Kosovo lors de la victoire convaincante face au Monténégro (2-0) le mois dernier. Coup dur pour les Dardanët : Muriqi a déclaré forfait en vue des deux matchs décisifs qui concluent les éliminatoires. « Ça, c’est un immense problème, avoue Bernard Challandes. Je ne dors plus. La nuit dernière, j’ai fait des feuilles et des feuilles d’équipes différentes et je ne sais toujours pas comment je vais le remplacer. »

Car Muriqi aurait été doublement important contre les Tchèques pour apporter sa présence physique. Sans lui, le Kosovo n’a que des petits gabarits et risque de se retrouver démuni sur coups de pied arrêté face à plusieurs adversaires qui culminent au-dessus du mètre 90, comme le capitaine du Slavia, Tomáš Souček. À moins que le sélectionneur suisse aligne Atdhe Nuhiu de Sheffield Wednesday, mais ce dernier est très loin d’avoir les mêmes qualités balle au pied. La bonne nouvelle pour le Kosovo, c’est que le meilleur attaquant tchèque, Patrik Schick, est lui aussi indisponible. L’Angleterre, elle, a déjà posé neuf orteils à l’Euro et devrait être officiellement qualifiée avant de disputer son dernier match à Pristina.

« Je m’en fous du résultat. Jouez jouez jouez ! »

Et, si la marche est trop haute, il restera deux barrages à gagner en mars prochain. Contre qui ? Vraisemblablement la Macédoine du Nord, puis le vainqueur de Géorgie-Biélorussie. Des adversaires avec un niveau en dessous (Géorgie, Macédoine du Nord) voire très en dessous (Biélorussie) de celui affiché par le Kosovo lors des éliminatoires. Mais, ça, Bernard Challandes ne veut pas en entendre parler aujourd’hui. « Je n’ai pas envie de ne pas jouer le coup à fond parce qu’il y a une porte de secours. » Alors, le sélectionneur a demandé à ses joueurs de faire ce qu’ils savent faire de mieux… « Je leur ai dit : « Je m’en fous du résultat. Jouez jouez jouez ! » Mais il faudra courir comme des fous… »

En 2019, le Kosovo n’est pas un état membre des Nations unies. En 2020, des centaines de millions de spectateurs vont regarder le championnat d’Europe de football. Autant de personnes qui pourraient placer le Kosovo sur la carte du monde si les Dardanët se qualifiaient. Finalement, dès lors qu’une équipe est représentée à l’Euro, son pays existe à travers le foot.

Amir Rrahmani

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Par Florian Lefèvre

Propos de Bernard Challandes recueillis par FL 

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