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  • Leicester champion d'Angleterre

Kanté, le renard planqué

Par Romain Duchâteau
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Kanté, le renard planqué

Surprenant champion de Premier League, Leicester a créé la sensation grâce aux exploits répétés de Mahrez et Vardy. Mais pas que. Derrière eux, N’Golo Kanté rayonne dans l’entrejeu des Foxes. Débarqué l’été dernier en provenance de Caen, le joueur franco-malien est sans doute le meilleur transfert en matière de rapport qualité-prix de la saison.

Sur un air enchanteur, tout le Royaume a peu à peu succombé. L’épopée de Leicester, nouveau champion d’Angleterre, passionne parce qu’elle ne répond pas à l’ordinaire. Modeste formation de Premier League, encore habituée à fréquenter le Championship il y a deux ans, elle a décroché un titre inattendu le lundi 2 mai 2016. Devant Tottenham, Arsenal, Liverpool, Chelsea, Manchester City, United et d’autres clubs qui apparaissent plus gros. Une performance plus qu’une réelle surprise qui doit avant tout au savoir-faire d’un homme. Affublé du sobriquet « The Tinkerman » outre-Manche, Claudio Ranieri a su ériger un édifice solide basé sur un groupe solidaire et décomplexé. Un collectif rodé certes, mais sublimé par des individualités. Il y a d’abord les arabesques de Riyad Mahrez. Toutes plus imprévisibles les unes que les autres. Un homme qui traînait encore son spleen au sein de la réserve du Havre quatre ans auparavant. Puis vient Jamie Vardy, une gueule de hooligan dont l’histoire inspire les scénaristes de Hollywood, qui claque but sur but. Lui, il y a quatre ans, arpentait les pelouses poisseuses de la Northern Premier League.

« Vardy et Mahrez sont fantastiques, mais ils ne sont que le sommet de l’iceberg » , a tenu à tempérer pendant la saison le manager des Foxes. « Derrière eux, tout le monde fait preuve d’un grand état d’esprit. Chacun travaille dur l’un pour l’autre dans cette équipe. » Au moment de prononcer ces quelques mots, Ranieri a sans doute pensé au travail de l’ombre de l’un de ses soldats : N’Golo Kanté. Loin des lumières qui éclairent Mahrez et Vardy, le milieu rayonne pourtant dans l’entrejeu de Leicester. Au point d’être devenu à son poste l’une des révélations les plus prometteuses du championnat anglais. « Pour être honnête, nous ne le connaissions pas du tout avant son arrivée, mais ses statistiques sont impressionnantes » , souffle Gary Silke, rédacteur en chef depuis vingt-trois ans du fanzine The FOX consacré à Leicester. « Avec le départ de Cambiasso, nous avions besoin de quelqu’un pour récupérer les ballons et Kanté excelle dans ce domaine. Il ne cesse de nous surprendre. » À vrai dire, le milieu étonne tout le monde. À commencer, sans doute, par lui-même qui ne s’imaginait pas scintiller outre-Manche quand il arborait la tunique de l’U.S. Boulogne en National, il y a quatre ans.

Un « phénomène » trop fort pour Caen

Les contours de cette fulgurante ascension ont été tracés dans l’Hexagone. En Normandie, au Stade Malherbe de Caen, le milieu de terrain a étalé des qualités hors normes qui l’ont rapidement propulsé sur le devant de la scène. En deux années passées là-bas (2013-2015), son talent manifeste a fait l’unanimité. « Encore aujourd’hui, je me demande encore comment certains clubs n’ont pas pu piocher cette merveille bien plus tôt. Pour moi, c’est un phénomène, témoigne José Saez, son coéquipier pendant un an et demi à Caen. Il a commencé en Ligue 2 avec nous et il a parfaitement montré qu’il était adapté pour la Ligue 1. » Et l’ancienne icône de Valenciennes de détailler les caractéristiques qui sont propres au natif du Xe arrondissement de Paris : « Ce qui m’a frappé chez lui, c’est sa tonicité. Sur deux, trois mètres, il démarre en un rien de temps. Et que ce soient des petits ou des grandes joueurs en face de lui. Il avait vraiment cette explosivité, cette facilité. Défensivement et offensivement, il faisait toujours les efforts nécessaires. »

Des prestations de haute volée et immaculées la saison dernière ont permis à N’Golo Kanté de jouir d’un crédit légitime auprès des observateurs de la Ligue 1. Et notamment aux yeux de l’Olympique de Marseille. Durant une bonne partie de l’été dernier, le club phocéen a fait une cour assidue au joueur franco-malien. Mais alors que les premiers contacts s’étaient avérés positifs en vue d’un hypothétique transfert, les rapports sont devenus peu à peu tendus entre les deux clubs. La faute, selon les dirigeants caennais, à l’offre de l’OM jugée nettement insuffisante (6 millions d’euros). Les discussions s’enlisant, Leicester, alerté par les prestations abouties du bonhomme, est entré dans la danse. Et a posé sur la table 9 millions d’euros. Un montant honnête devant lequel Caen a fini par courber l’échine. D’abord réticent à l’idée de rallier la perfide Albion, Kanté donne lui aussi son accord pour le deal. Une décision plus que judicieuse d’après José Saez. « Il devait partir de Caen. Il allait s’ennuyer s’il restait là-bas et n’allait pas progresser, assure le milieu de terrain. C’est un joueur box-to-box, et l’Angleterre aime ça. Il se ne plaint jamais. S’il devait jouer cent quarante minutes, il le ferait. »

« Quand je lui parle, il baisse la tête, j’aime sa façon de faire »

Mais N’Golo Kanté doit seulement se contenter de 90 minutes par rencontre. Le temps suffisant pour lui de rendre des partitions sans fausse note. Et cela, dès qu’il atterrit en Angleterre. Après avoir joué les utilités lors des trois premières journées de championnat, il a su se rendre incontournable dans le 4-4-2 ou 4-4-1-1 de Leicester. Une évidence palpable. « Kanté nous a impressionné dès le premier jour. Il s’est très vite adapté au rythme de la Premier League, se réjouit Gary Silke. Il est comme un pitbull au milieu de terrain, œuvre toujours pour la récupération de balle. C’est comme s’il pouvait savoir à l’avance ce que va faire l’adversaire. En tout point, il pourrait sans doute être la meilleure affaire de la saison en Premier League. » Yann Kermorgant, attaquant de Bournemouth et qui a eu l’occasion de le voir en action fin août (1-1), corrobore les bonnes impressions diffusées par l’ancien Caennais : « J’ai pu constater qu’il est un élément essentiel dans la réussite de Leicester. Il a une grosse énergie, un gros volume de jeu. C’est ce qui m’a frappé chez lui pour le peu que je l’ai vu, il est tonique, il a du jus et court beaucoup. »

Les chiffres traduisent d’ailleurs l’énergie et l’activité considérables dont il fait preuve cette saison: il est l’un des joueurs qui intercepte le plus de ballons en Premier League. Le petit milieu (1m69) excelle également dans l’art de tacler, puisqu’il figure parmi les meilleurs dans ce domaine avec Lucas Leiva et Erik Pieters (46 réussis). Autant de qualités et d’aptitudes qui ont fait de lui un joueur singulier aux yeux de Ranieri. Ce même technicien italien qui n’a pas caché publiquement s’être enamouré de son bambin. « Je suis surpris par la rapidité à laquelle il s’est adapté. Ce n’était pas simple, mais il s’éclate parce que son jeu est proche du football anglais, confiait-il récemment, non sans se départir d’un large sourire aux lèvres. Il est attentif. Il comprend vite où va la balle. C’est un garçon discret sur le terrain, on ne l’entend jamais. Quand je lui parle, il baisse la tête, j’aime sa façon de faire. C’est un gentil garçon, tout le monde rigole avec lui parce que tout le monde l’aime. »

Une vraie carte à jouer avec les Bleus ?

Si N’Golo Kanté enchaîne les performances solides, il ne bénéficie pourtant pas de l’exposition acquise par ses coéquipiers Riyad Mahrez et Jamie Vardy. Une incompréhension, presque une méprise, sans doute longtemps liée au statut d’outsider des Foxes. « Ça fait depuis plusieurs semaines qu’il réalise de très bonnes performances. Mais on n’en parle pas, parce que c’est N’Golo Kanté, regrette Habib Beye, ancien défenseur de Newcastle et international sénégalais, qui officie désormais comme consultant à Canal +. Si c’était, par exemple, Ramires de Chelsea qui faisait la même chose, tout le monde serait en train de sauter en l’air. On ne se rend pas compte. » Heureusement, les nouvelles sont vites arrivées aux oreilles de Didier Deschamps qui a su faire appel au bon moment, à l’occasion derniers matchs amicaux avant sa liste pour l’Euro, au franco-malien.

D’ailleurs, le joueur avait évidemment été sollicité par le Mali. Son choix, est une bonne nouvelle pour les Bleus, selon Habib Beye : « Kanté est différent dans son abattage physique. Je trouve que son profil ressemble à celui de Lassana Diarra. Mais si je devais aujourd’hui le comparer à un joueur, ce serait Claude Makelele. Comme lui, il a un gros volume de jeu, un petit gabarit, un centre de gravité assez bas et cette capacité de savoir ressortir le ballon sans être un technicien hors pair. C’est le joueur vraimentbox-to-box, alors que Cabaye et Schneiderlin ne le sont pas. » Et voilà comment un homme peu habitué à la lumière s’est retrouvé en plein sous les projecteurs…

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Par Romain Duchâteau

Propos de Gary Silke, José Saez, Yann Kermorgant et Habib Beye recueillis par RD

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