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Julien François : « Ce match contre l'OM, il faut le jouer sans tout révolutionner »

Propos recueillis par Mathieu Rollinger, à Thionville

Dimanche à 14h30, l'US Thionville Lusitanos aura la possibilité d'écrire une des plus belles pages de sa courte histoire en défiant Marseille, en Coupe de France et à Saint-Symphorien. Une belle récompense pour un club qui progresse à vitesse grand V dans la pyramide fédérale et pour un entraîneur, Julien François, ancien pro et tête pensante du projet mosellan.

Julien François : double prénom, presque double mètre
Julien François : double prénom, presque double mètre

La victoire face au FC Annecy au 8e tour (2-1) permet à Thionville de se refaire une petite place sur la carte du foot. Comment tu présenterais, toi, l’US Thionville Lusitanos ?

C’est un club tout neuf, puisque c’est le produit de la fusion en 2021 des deux clubs de la ville : le Thionville FC et l’AS Portugais Saint-François Thionville. On entre dans notre troisième année, mais historiquement, c’est une ville qui a connu la D2 (entre 1979 et 1981), avant qu’ils fassent une petite banqueroute. On écrit notre histoire dans une forme d’anonymat, sachant qu’on est reparti de très bas, en Régional 2. Cette fusion, c’est l’élément déclencheur. Elle a été voulue par le maire Pierre Cuny, qui a voulu retrouver un bon club de foot à Thionville.

Il y a donc une vraie volonté politique derrière ce projet sportif ?

Oui, oui. La municipalité a mis en place une politique sportive assez globale, qui profite aussi au club de handball (aujourd’hui en troisième division après avoir chuté en sixième division, NDLR). Pour parler du foot, il y a eu un alignement de planètes, puisque le maire a fait venir le président François Ventrici, qui était à la tête d’Amnéville (en N3 à l’époque). Plusieurs joueurs l’ont suivi, moi également puisque je l’accompagnais déjà depuis deux ans, ce qui fait qu’on était un peu surdimensionnés : on est monté de R2 en R1 avec 18 points d’avance, l’an dernier on est monté en N3 avec 15 points d’avance. Aujourd’hui, on montre qu’on est au niveau, parce qu’à la trêve, on est premiers invaincus avec trois matchs en retard. On a fait un travail de fond et les résultats permettent de mettre en lumière un projet qui est bien né. À mi-saison, rien n’est encore gagné, mais on a l’objectif de monter en National 2.

Ça peut paraître prétentieux, mais à la fin du match contre Annecy, on n’avait pas l’impression d’avoir fait un exploit.

Julien François

Sortir Annecy, quand on a ces éléments-là, ne serait qu’une demi-surprise ?

C’est très paradoxal comme sentiments. Ça peut paraître prétentieux, mais à la fin du match, on n’avait pas l’impression d’avoir fait un exploit. Les mecs avaient fait un bon match, dans le rapport de force on n’a pas été ridicules, et même en seconde période, sur un terrain pas facile, on était largement au niveau. Après, j’ai été pro, et je sais que le contexte de coupe est toujours particulier : les amateurs sont transcendés, et en face, les mecs sont peut-être moins motivés, le coach a fait pas mal de turnover… Ce sont autant d’arguments dont on s’est servis dans la préparation. Surtout, on n’a pas eu trop de temps de savourer, puisque 48 heures après, on prend Marseille, et c’est encore une autre émotion.

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Ce qui doit faire plaisir dans ces affiches, c’est aussi de voir un stade plein…

C’est clair. Déjà en championnat, on ressent une petite différence, puisqu’on doit faire une affluence moyenne de 1 200 personnes. En arrivant au club, j’étais un peu déçu de voir qu’il n’y avait pas plus de monde au stade, mais on a réussi à créer un bon engouement. Sur ce match de coupe, il y avait 3 500 personnes dont la moitié en pourtour sous la pluie pendant deux heures. Je pense que les joueurs ont ressenti cet élan.

Au tour précédent, c’est votre excursion en Nouvelle-Calédonie qui avait retenu l’attention. Qu’est-ce que ce voyage a apporté à votre groupe ?

C’était une initiative des joueurs, qui ont demandé au club de se porter volontaire pour le tirage DOM-TOM. L’avoir fait c’était génial, même si c’était un sacré truc à gérer, entre le boulot des gars, le championnat qui est affecté, le trajet… Finalement, on a passé une semaine de fou, hors de la réalité, avec la victoire à la clé. Pour la cohésion, ça a été un accélérateur. Il n’y a qu’à voir la scène de joie à la fin du match. Quand on est rentré à l’hôtel, on aurait dit qu’on venait de gagner la Coupe de l’Océanie… C’est comme la réaction après avoir tiré l’OM : certains nous ont reproché cette célébration, parce qu’on aurait dû selon eux préférer une petite équipe pour espérer aller plus loin dans la compétition, mais il faut avoir fait du sport pour le comprendre. Là, c’est de l’émotion pure. Et c’est ce que ce parcours en Coupe de France nous apporte.

Toi qui as connu le « confort » du monde professionnel, on te voit aujourd’hui t’occuper de tout : de la direction sportive à la préparation des chasubles. Comment t’es-tu réadapté au monde amateur ?

Quand j’ai arrêté ma carrière de joueur au Gazélec, je me suis d’abord occupé des jeunes là-bas, puis j’ai enchaîné deux années en tant qu’adjoint en Ligue 2. Trois ans après, je me retrouve sur un banc de Régional 2… Pour l’ego, ce n’était pas facile. Mais ce qui est intéressant aussi, c’est de se rendre compte que lorsqu’on entraîne des mecs dont c’est le métier et d’autres qui ont un taf à côté, on ne peut pas avoir les mêmes demandes, mais par contre l’exigence reste la même. En R2, on rigolait de nous quand on débarquait avec notre caméra. En N3, j’ai demandé au club d’investir dans des GPS… Mon but, c’est de performer autant avec des amateurs que je pouvais espérer le faire avec des joueurs en Ligue 2. Il ne fallait pas rater les deux premières étapes, car pour moi, ça aurait été un échec de ne pas remonter en N3, mais maintenant, on est dans cette dynamique et il faut la pousser le plus loin possible, même s’il ne faut pas vouloir grandir trop vite. Il faut aussi rester vigilant parce que cette aventure en Coupe, elle va laisser des traces, notamment sur le plan émotionnel, et il faut savoir gérer ça.

Pas trop frustrant de devoir travailler avec les moyens du bord ?

Non, justement parce que le président nous laisse mettre en place des outils, les investissements sont faits, on s’est installé une salle de muscu. Bon, la téloche qu’on utilise pour faire les analyses que tu vois là, elle est à moi, on a un staff réduit, mais on a quand même des résultats. Ce n’est pas forcément l’attitude idéale d’arriver dans le monde amateur avec des gros sabots, mais il faut tendre vers cette optimisation des choses.

Ce n’est pas forcément l’attitude idéale d’arriver dans le monde amateur avec des gros sabots, mais il faut tendre vers cette optimisation des choses.

Julien François

La double vie que mènent tes joueurs, tu dois le prendre en compte dans ta gestion ?

On a 50% de l’effectif qui ne fait que du foot, soit parce qu’ils ont des contrats fédéraux, soit dans un organisme de formation lié au club. L’autre moitié a un travail à côté : Adrien Ferino est kiné au Luxembourg, Valentin Poinsignon est prof de sport, Lucas Pignatone est chauffagiste, Mickaël Borger est dans une start-up, Maxime De Taddeo (fils de Francis, NDLR) est comptable… Il faut le prendre en compte dans la charge de travail, mais moi, je vois plutôt le problème à l’envers. J’essaye de leur faire comprendre que lorsqu’ils sont à l’entraînement, ils ont la capacité de devenir des meilleurs joueurs, de progresser techniquement, physiquement et mentalement, un point qui souvent a empêché certains de jouer à plus haut niveau.

Est-ce que tu adaptes ton projet de jeu selon que tu disputes un match de championnat ou un tour de Coupe de France ?

Depuis Amnéville, donc avec pas mal de joueurs de l’équipe que j’ai aujourd’hui, on a toujours évolué autour d’un 4-3-3 avec une logique de jouer en contre. Et en octobre 2022, on est passé en 4-2-3-1, avec d’autres principes et la volonté d’aller presser plus haut. On a gardé ça en N3 et c’est ce qu’on a fait contre Annecy. Je ne voulais pas qu’on joue petits bras à 5 derrière et attendre les pénos. Même contre l’OM, je pense qu’on ne va pas changer. Ce match, il faut le jouer sans tout révolutionner. Il faut être bon le jour J, même si les joueurs vont faire le match cent fois dans leur tête.

Est-ce que tes joueurs ont conscience de la carrière de joueur que tu as eue ? Avec un peu de Ligue 1 et beaucoup de Ligue 2.

Cette expérience, Stéphane et moi, en tant que coach, on l’utilise. Après, dans le rapport qu’on a avec les joueurs, je pense que ça fait suffisamment de temps que je travaille avec eux pour qu’ils aient gommé ce truc-là. Ce que je garde de ma carrière de joueur, c’est la force de travail et le caractère. Quand on est coach, on a envie que son équipe ressemble à ce qu’on est intérieurement et ce qu’on dégage comme valeurs et énergie. En cela, je me reconnais dans ce que je vois sur le terrain.

Quand le FC Metz parlait l’ancien François.
Quand le FC Metz parlait l’ancien François.

Tu es né à Metz et après avoir raccroché les crampons à Ajaccio, comment as-tu vécu le retour dans la région ?

J’ai passé sept ans en Corse, j’y ai rencontré ma femme, j’ai eu mon petit garçon, et aujourd’hui, revenir ici colle avec la volonté de se rapprocher du reste de la famille, de profiter de parents qu’on n’a pas trop croisés pendant quinze ans. Dans ce métier, il faut être prêt à refaire sa valise du jour au lendemain, mais là, il y a eu la rencontre avec le président Ventrici. C’était une opportunité et il y avait la sensation d’être au bon endroit, au bon moment. Pour Thionville, avoir des coachs comme Borbi et moi – surtout lui parce qu’il a joué au club dans sa jeunesse –, il y a la possibilité de s’identifier et d’apporter une identité locale au projet. C’est toujours bon à prendre. Je ne sais pas si on veut être un Guingamp, un Auxerre, un Chambly ou un feu de paille, en tout cas, on met tout en œuvre pour construire, se structurer et amener cette ville le plus haut possible. Quand on est dans la lumière, on veut que ça dure le plus longtemps possible, mais il faudra aussi gérer la retombée quand on se fera éliminer en Coupe ou quand on perdra en championnat. Et ça, ça fait partie de notre job.

Je ne sais pas si on veut être un Guingamp, un Auxerre, un Chambly ou un feu de paille, en tout cas, on met tout en œuvre pour construire, se structurer et amener cette ville le plus haut possible.

Julien François

Quel rapport as-tu avec cette région ?

Franchement, quand tu es originaire de Metz, tu as toujours tendance à dire que c’est une super ville. Bon, je ne vais pas vendre le climat, mais ma femme qui vient de Corse, après quatre ans ici, a tendance à dire que s’il fallait en partir, ça lui manquerait. C’est peut-être la meilleure pub que je puisse faire.

Et ce duo avec Stéphane Borbiconi, comment s’est-il formé et reformé ?

Nous, on est de la même génération, 1979. On était en sport études ensemble à Schuman. Mais dans notre parcours pro, on n’a fait que se croiser : quand il est revenu à Metz, je suis reparti à Ajaccio, quand il est parti à Martigues, je suis resté à Metz, j’ai même repris sa maison et détruit son jardin. Avec ce chassé-croisé, on n’a jamais pu jouer de match officiel ensemble. Après, c’est le parrain de mon fils, on est potes depuis toujours, et c’était une belle opportunité de vivre cette expérience-là ensemble.

Julien François et son acolyte Stéphane Borbiconi, dans leur coloc thionvilloise.
Julien François et son acolyte Stéphane Borbiconi, dans leur coloc thionvilloise.

Vous allez jouer le match contre l’OM à Saint-Symphorien, un stade que vous connaissez très bien. Est-ce un avantage ou au contraire un désavantage, vu le nombre de fans de l’OM dans la région qui seront présents en tribune ?

Moi, je trouve ça génial, surtout qu’il me paraissait impossible d’organiser ça à Thionville, vu la configuration du stade. On a déjà eu un envahissement de terrain à la fin du match d’Annecy, donc imagine contre l’OM. Je n’ai pas non plus douté du président Serin à nous accorder cette chance. La seule chose difficile à gérer, c’était que le FC Metz doit aussi jouer son tour à domicile le même week-end (contre Clermont, match finalement fixé au vendredi soir, NDLR). Les supporters de l’OM, on n’y aurait de toute façon pas échappé. Carquefou, ils ont battu Marseille en 2008 devant 35 000 personnes à La Beaujoire… Le soutien populaire, on l’aura quand même parce qu’on est en train d’écrire une belle histoire.

Propos recueillis par Mathieu Rollinger, à Thionville

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