- France
- Etoile Fréjus Saint-Raphaël
Julien Faubert : « J’aime me torturer l’esprit »
Julien Faubert, ancien joueur professionnel et international français, a été nommé entraîneur principal de l'Étoile Fréjus Saint-Raphaël (N2) le 7 mars dernier. Rencontre avec celui qui aura pour mission de maintenir l’Étoile à flot.
Après votre carrière de joueur, pourquoi avoir opté pour celle d’entraîneur ?
C’est venu très naturellement. J’avais déjà une sensibilité vers la fin de ma carrière, aux alentours de 28-30 ans, sur tout l’aspect tactique/mise en place/organisation des entraînements et de l’équipe. C’était vraiment quelque chose qui me plaisait. J’ai eu la chance d’avoir des entraîneurs comme Francis Gillot et d’autres qui m’ont permis d’échanger avec eux, d’aller dans les bureaux, de discuter sur leur façon de fonctionner et leur organisation. C’est venu naturellement, je me suis dit : « Je reste dans ce que je sais faire, le football. » Et puis c’est la passion. J’aime le football, je l’aime vraiment, ça a été toute ma vie et ça l’est encore. J’aime ce que je fais, j’aime me remettre en question, j’aime chercher et me torturer l’esprit.
Pourquoi le faire avec l’Étoile Fréjus Saint-Raphaël, en National 2 ?
Tout simplement parce que je suis arrivé en fin de carrière à l’Étoile. Le club m’a donné l’opportunité de me développer dans le métier d’entraîneur, de m’accompagner dans les diplômes et surtout d’avoir une équipe à charge (il s’occupait des équipes jeunes, avant d’être adjoint de son prédécesseur, Charles Paquillé, NDLR), le club m’a littéralement ouvert ses portes. Puis je suis persuadé que le niveau amateur, c’est ce qu’il y a de plus difficile dans toutes ses composantes. On a un public totalement différent de celui en milieu professionnel, il y avait donc l’idée de construire quelque chose de différent. Mais ça suppose qu’il faut également apprendre auprès des gens dont c’est le métier depuis longtemps et qui ont des problématiques à résoudre depuis des années. C’est un club ambitieux dans lequel il y a de la passion avec un président (Pierre Montoro, NDLR) qui est passionné, et il m’a transmis cette passion pour le club.
Vous avez commencé à vous préparer au métier d’entraîneur en parallèle de votre fin de carrière de joueur professionnel. Quelle formation et quel processus avez-vous suivis ?
Une fois que j’ai vraiment arrêté ma carrière de joueur (en 2019), on m’a intégré directement au poste d’adjoint en N2, et en parallèle, j’ai commencé les démarches pour obtenir le Brevet d’entraîneur de football (BEF) qui est le premier diplôme. Il est accessible pour les anciens joueurs directement, sans passer par les « diplômes inférieurs », car on a cette culture du jeu et cette connaissance du haut niveau qui nous donne les clés pour directement avoir ce diplôme-là. J’ai pu le passer en étant en charge d’une équipe U15 au départ. Cette année je me suis présenté au diplôme d’entraîneur supérieur (DES) pour avoir la possibilité d’entraîner une équipe sénior à un échelon supérieur. J’avais en charge l’équipe réserve et les U18. C’est le cursus naturel lorsqu’on sort du football professionnel. Le dernier diplôme après le DES, c’est le brevet d’entraîneur professionnel du football (BEPF) qui permet d’entraîner au niveau professionnel, comme son nom l’indique.
Est-ce que le fait d’avoir dirigé des joueurs issus de la formation peut vous permettre d’apporter un regard nouveau sur les besoins de l’équipe première ?
Mon expérience me donne une meilleure connaissance des joueurs évoluant dans les catégories inférieures et de leur potentiel. Mon but, c’était vraiment d’améliorer ce potentiel-là pour alimenter l’équipe première, parce qu’il y a plein de bienfaits à puiser chez les jeunes du club : le sentiment d’appartenance au club et l’aspect économique aussi, puisque si on forme nos propres joueurs, ça nous évite d’aller les chercher ailleurs. J’étais à un poste à la croisée des chemins entre la formation, l’équipe senior, la réserve et l’équipe première, ce qui me permet d’avoir un regard global sur ces aspects-là.
Y a-t-il une grande différence entre être un formateur et un entraîneur ?
Le fait d’être éducateur et entraîneur, c’est totalement différent. Lorsqu’on est éducateur, on a affaire à un public qui n’est pas professionnel, donc pour certains, le football n’est pas leur métier. En réserve, j’avais des joueurs qui travaillaient à côté, l’aspect pédagogique diffère totalement. Je suis exigeant quoi qu’il arrive, mais je suis obligé d’allier cette exigence à une plus grande compréhension liée au quotidien de mes joueurs qui sont parfois maçons, plombiers ou autres et qui ont des journées physiquement très compliquées. J’ai dû m’adapter à ça. Cette expérience m’a appris énormément. Humainement d’abord, parce que parfois on peut passer une mauvaise journée au travail et ça peut se ressentir sur le terrain. J’avais une relation assez ouverte avec mes joueurs où je leur disais : « Vous avez le droit de passer une mauvaise journée, prévenez-moi, je serai moins sur votre dos. » C’est une pédagogie totalement différente, contrairement à mon poste actuel où les joueurs n’ont qu’une seule préoccupation : le football.
Est-ce que ce changement de statut a un impact sur votre manière de voir le jeu ?
Cette nomination n’a rien changé. Je n’ai pas changé mon fusil d’épaule. J’ai en tête un projet de jeu assez précis que j’ai déjà pu mettre en place avec les deux équipes que j’ai coachées auparavant à un niveau en dessous. Là, on est plus dans « l’urgence » (l’EFSR est 9e de son groupe, à 3 points du premier relégable, NDLR). Il faut redonner confiance au groupe, donc j’essaie tout doucement d’amener les joueurs à mon projet sans vouloir tout chambouler ce qui était déjà en place avant moi.
Comment définiriez-vous votre philosophie de jeu ?
Ma philosophie de jeu passe par le mental. C’est les leçons que j’ai tirées de mon parcours professionnel : il faut détester la défaite. Il faut vouloir gagner absolument tout, que ce soit les jeux à l’entraînement ou les matchs le week-end. Sur le plan tactique, globalement, c’est faire vivre le ballon en faisant beaucoup d’efforts aussi bien offensifs que défensifs et essayer de manœuvrer l’équipe adverse en exploitant toutes les parties du terrain. Si je devais résumer ma vision du football, ce serait celle-là, et si on peut avoir la possession du ballon en même temps, ça serait parfait. J’espère que l’exigence que nous nous imposons, mon staff et moi, transpirera sur les joueurs et entraînera des résultats parce qu’on ne peut pas espérer quelque chose dans le football si on ne met pas du travail, du travail et encore du travail.
Quelles sont vos ambitions au club d’ici la fin de la saison ?
Sortir de la situation délicate dans laquelle on se trouve (une série de sept matchs sans victoire, NDLR). L’institution est en danger, et pour moi, rien ne passe avant l’institution. Que ce soit moi ou les joueurs, on se doit de mettre un coup de collier. Ce serait dramatique si la situation venait à empirer sportivement. Donc je ne vois qu’à court terme, parce que c’est comme ça qu’il faut prendre les évènements. Il faut bien appréhender le match de samedi face à Lyon-La Duchère, commencer à engranger des points pour se sortir de cette situation et se maintenir le plus rapidement possible.
Malgré l’urgence de la situation pour le club, vous avez pour objectif de vous inscrire dans le projet pour un laps de temps plus long que la seule fin de saison.
Honnêtement ma projection pour le moment elle est là, à l’instant T. Je n’ai pas de projections pour l’année prochaine. Je me projette vraiment à court terme parce qu’on ne peut pas imaginer l’avenir si le présent n’est pas acté. Mon ambition, elle réside dans les dix matchs de championnat restants, dont celui de samedi, et être prêt à relever le défi de sortir de la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement. Tant qu’on n’est pas mieux au classement, la projection à moyen et long terme, elle n’existe pas dans ma tête et elle n’a pas lieu d’être.
La concurrence dans le Sud-Est est très forte, mais peu de clubs, en particulier dans le Var, ont atteint l’élite du football français. Fréjus Saint-Raphaël peut-il devenir, à terme, le club phare du football varois ?
Je pense et je suis persuadé que oui, car c’est ce qu’on se dit au club depuis plusieurs années. Je pense que c’est ce que montre le club. Toutes les conditions sont réunies pour être le plus grand club varois. On a un président qui aime son club et qui est prêt à tout pour lui et ses joueurs, donc oui, et j’en suis persuadé, qu’on peut faire partie de l’élite du football varois et pourquoi pas national. Il faut que tout le monde en soit conscient, mais il y a encore tout à faire pour y parvenir.
Comment vous expliquez qu’il y ait si peu de clubs dans le Sud-Est qui soient parvenus à s’imposer dans l’élite du football hexagonal ?
J’ai été formé à l’AS Cannes, je connais très bien la région PACA et sa mentalité. Je suis persuadé qu’il y a une part importante qui tient au recrutement des individualités. On a une qualité de vie ici qui est extraordinaire, il y a la mer, le soleil et toutes les distractions possibles et imaginables pour un joueur. C’est donc un facteur important, le facteur humain, sur lequel il ne faut pas se tromper lors du recrutement. Surtout sur leur mentalité et leur volonté d’adhérer au projet et de le réussir. Il est facile de se perdre ici, en sortant de la rigueur et du professionnalisme que tout le monde veut emmener. Donc je pense que le recrutement est très important et peut amener une première piste de réflexion sur ce thème. Ensuite, il faut que les clubs mettent de la rigueur et de l’exigence au maximum, mais on voit bien que ce n’est pas toujours suffisant. Lorsque j’étais à Cannes, j’ai vu pas mal de mes collègues dériver parce que c’était le Sud, la Croisette, et dans le Var, c’est à peu près la même qualité de vie, donc il faut faire attention aux hommes et à leurs intentions.
Propos recueillis par Léna Bernard