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Palmieri : « On sait qu’on est attendu mais là, c’est de la pure connerie »
Dimanche 4 février, le FC Lupinu de Julian Palmieri (38 ans) se déplaçait à Cargèse, coleader de Régional 3. Ce match n'est pas allé à son terme, interrompu après trois minutes en raison d'une bagarre. La violence devient presque courante dans le football amateur. L'ancien latéral du Sporting Club de Bastia nous a raconté cet épisode.
Qu’est-ce qu’il s’est passé pendant ce match ?
On part le matin tranquille pour jouer le coleader, une belle équipe de R3 qui joue bien au ballon et qui nous avait mis en difficulté à l’aller. On avait gagné 2-1, le match s’était bien déroulé, sans histoire, ni bagarre. Dans nos têtes, on se dit qu’on joue le premier, la veille du derby (Bastia-Ajaccio, victoire 1-0 NDLR), c’était une belle journée. On arrive et on voit la première banderole sur moi, très chambreur, mais j’aime ça, ça me fait rire. Il y a énormément de public (presque 1 000 personnes) dans le stade, mais pas un mot au-dessus de l’autre, même quand c’est parti, il n’y a rien à dire sur eux. Au bout de deux minutes dans le match, leur gardien dégage sur le numéro 6 qui dévie sur leur numéro 8 qui protège la balle dos au jeu. Notre stoppeur le gêne, et le joueur adverse tombe, l’arbitre siffle faute. Notre défenseur se replace, et le joueur de Cargèse lui met un gros coup d’épaule. Mon coéquipier lui répond d’un petit coup de pied et lui demande : « Pourquoi tu fais ça ? » Là, c’est parti, il se fait choper par le cou, par-derrière, il s’est fait jeter par terre. Tous leurs joueurs sont arrivés, ils mettent des coups. Moi, j’arrive au milieu pour séparer.
Merci les GARS! 😉 pic.twitter.com/lI9DLo5QcE
— 𝐉𝐮𝐥𝐢𝐚𝐧 𝐏𝐚𝐥𝐦𝐢𝐞𝐫𝐢 (@jpalmieri_15) February 4, 2024
Tout ça part donc d’un petit tacle…
C’est même pas un tacle, les deux sont debout, mon défenseur met sa jambe sur le ballon entre celles de l’adversaire et il tombe. C’est un fait de jeu, il n’y a même pas faute normalement, mais l’arbitre siffle, ce n’est pas grave. Il n’y a pas de tacle, de coup, rien. Je me dis que c’est juste un début de match un peu tendu. Mais je vois leur numéro 8 qui vient vers moi pour essayer de me frapper, puis un autre joueur après. Mon coach Loïc (Capretti) arrive, il pousse le 8 pour me sortir de là. Il prend une droite, tombe par terre, puis se fait frapper et piétiner au sol. Quand on voit l’entraîneur par terre, tout le monde se calme et on rentre aux vestiaires, c’est la fin du match.
Loïc Capretti, ton entraîneur, il va mieux aujourd’hui ?
Pour lui, il se souvient avoir pris une droite, s’être mis par terre, puis être rentré aux vestiaires. Mais en fait, il a perdu connaissance, pendant une quinzaine de secondes. Là, on comprend que c’est important, donc on appelle les pompiers, et toute l’équipe l’a suivi jusqu’à l’hôpital. Finalement, il a eu 11 jours d’ITT, donc c’est très sérieux. Il était dégoûté de pas pouvoir aller au derby à Bastia.
Tu penses que c’était prémédité ?
Je ne sais pas, je me dis qu’au bout de deux minutes, c’est bizarre quand même. On a vu le coach adverse qui nous a dit « on est vraiment idiots », le président qui s’est excusé. Soit ce sont des bons acteurs, soit les joueurs avaient prévu ça entre eux.
Vous aviez quand même reçu des menaces au préalable.
Quand je reprends en R4 l’année dernière, je sais que le foot corse est content que je reprenne à Bastia. (Lupinu est un quartier de la ville.) Je sais aussi que sur certains matchs tendus, je vais être attendu. Oui, cette fois, on a reçu des menaces, mais on a pris ça comme du chambrage. Si on s’était attendu à quelque chose, on ne serait pas venu qu’avec les joueurs et l’entraîneur. On sait qu’on est attendu, mais là, c’est de la pure connerie.
Depuis ton arrivée au FC Lupinu l’année dernière, tu arrives à réapprécier le football ?
Je me régale, je ne rate pas un entraînement, pas un match. Après, je vais doucement sur les 38 ans, donc quelquefois, ça tire un peu. J’ai un rôle que je prends très au sérieux, par rapport à mon vécu, je suis vice-capitaine.
À presque 38 ans justement, ces événements ne te donnent pas envie d’arrêter le foot ?
Non, tous les clubs corses ne sont pas comme ça, il faut faire la part des choses. J’ai retrouvé ma passion, en aucun cas ce qui s’est passé dimanche ne va remettre en question mes envies footballistiques. Je n’arrêterai pas ma carrière sur ça. À la limite, si c’est moi qui avais pété un câble, je me serais dit : « C’est bon tu as plus envie, stop. » Mais ça ne m’a même pas traversé l’esprit.
En attendant de rejouer (ou pas) ce match, vous êtes 2es du championnat, à égalité avec Cargèse et derrière Capicorsu. Quels sont les objectifs du club ?
On ne peut plus se cacher maintenant. Si on peut jouer les trouble-fêtes, on ne va pas se gêner, mais ce qu’on veut avant tout, c’est pérenniser le club et le structurer. On s’entraîne depuis deux ans sur un demi-terrain parce qu’on n’a pas les créneaux. Mais on veut se permettre de rêver. La fin de saison, on la voit sereinement. Et par rapport à ce match, il y a la commission de discipline jeudi, ils ont les vidéos, ils ont tout.
Cette commission justement, qu’est-ce que vous attendez d’elle ?
On attend que les joueurs soient sanctionnés très sévèrement pour montrer l’exemple. Ça nous embête, mais il faut que le club soit sanctionné également, de n’importe quelle façon. On fait confiance à la Ligue sur ce point.
Propos recueillis par Quentin Fredon