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Josh Cavallo (Adelaide United), après son coming out : « Je leur ai dit que j’étais gay et que je souffrais depuis six ans »

Propos recueillis par Loïc Puyo, avec Jérémie Baron
Josh Cavallo (Adelaide United), après son coming out : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Je leur ai dit que j’étais gay et que je souffrais depuis six ans<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Le 27 octobre dernier, Josh Cavallo (21 ans) devenait le premier footballeur professionnel australien en activité, mais aussi le plus jeune dans le monde à faire son coming out*. Deux semaines après avoir ouvert un nouveau chapitre de sa vie, le latéral gauche d'Adelaide United s'est confié pendant une demi-heure à son confrère Loïc Puyo, qui vient justement de quitter le championnat d'Australie. Entretien avec un grand bonhomme qui découvre la sensation de se lever chaque matin avec la banane.

Comment te sens-tu depuis ton annonce ? Je me sens vraiment bien, vraiment libéré. Quand j’ai parlé à mes coachs il y a six semaines, j’étais vraiment nerveux, ils m’ont mis en confiance, à l’aise, ils m’ont dit qu’il voulaient me voir heureux sur le terrain et en dehors. Il n’y avait que deux personnes en dehors de ma famille qui étaient au courant, et je me sentais déjà léger, fort, libéré mentalement. Maintenant que tout le monde le sait, c’est décuplé. J’ai joué un match le week-end suivant et je me sentais incroyablement bien. Les coachs m’ont dit que j’étais en train de franchir un nouveau cap. J’ai hâte de démarrer cette nouvelle saison, pour montrer ce que je vaux et continuer de grandir.

Dans le foot, personne ne savait hormis tes coachs ?Ma famille savait depuis quatre ou cinq mois, mais les deux seules autres personnes à le savoir étaient mes deux coachs. J’étais nerveux au moment de leur dire, mais ils ont été de grands professionnels en me respectant, et je les admire pour ça. Ma famille n’est pas à Adélaïde avec moi (il est originaire de Melbourne, NDLR), mes coachs sont comme des pères pour moi. Ils m’apprennent beaucoup, me font grandir, c’est fantastique, donc c’était les personnes idéales pour se confier. Je me sentais à l’aise.

Sur le terrain, je pensais à ce que j’allais pouvoir dire à mes coéquipiers, assembler les mensonges pour que ça ait un sens.

Si tu te sens libéré d’un poids, tu joues forcément mieux. C’était lourd à porter, avant cela ?J’avais ce poids dans ma tête. Même quand j’étais sur le terrain, je pensais à ce que j’allais pouvoir répondre à mes coéquipiers en rentrant aux vestiaires s’ils me posaient des questions, assembler les mensonges pour que ça ait un sens. C’était à ça que je pensais sur le terrain. Quand tu es professionnel, tu dois être à 100%, et je ne voulais plus que ça continue comme ça. Je voulais mettre ça de côté, rentrer chez moi le soir et me coucher l’esprit tranquille. Maintenant, c’est ce que je ressens. Depuis que j’ai fait cette annonce, je me réveille le matin avec le plus grand sourire du monde. Ça ne m’était pas arrivé depuis six ans, je n’étais pas habitué à vivre heureux et à sourire. Ça me fait me demander pourquoi j’ai mis autant de temps à faire mon coming out. Aujourd’hui, j’ai 21 ans, je suis jeune et au début de ma carrière, je suis très excité pour le futur. Je suis content de l’avoir fait.

Pourquoi as-tu choisi ce moment ?À la fin de la saison dernière, nous avons eu une soirée des Awards. J’ai été élu Rising star (meilleur espoir, NDLR) du club, tout le monde était content autour de moi, je souriais à l’extérieur, mais c’était un jeu d’acteur, ça n’était pas vrai. Pour n’importe qui gagner un prix individuel, c’est quelque chose d’énorme, c’est ce que tout footballeur veut. Je voulais fêter cela avec mes pairs et ma famille, mais pourtant j’étais triste, insensible. J’en pleurais dans ma chambre : ça n’avait pas de sens. Je ne voulais plus continuer comme ça, je voulais exprimer qui je suis, être moi-même. Ça m’a obligé à me lancer dans le vide. Pour moi c’est plus que du football, c’est ma vie. Le plus important pour moi, c’était mon bonheur.

T’attendais-tu à recevoir autant de soutien après l’annonce ?Je ne m’attendais pas à ça, j’étais choqué. C’est fou ! Au début, j’ai juste fait ça pour moi. Mais si je peux être un exemple pour le futur, c’est encore plus excitant. Je suis fier de pouvoir être un modèle pour les enfants.

Ici en France, nous en avons beaucoup parlé, parce que c’est un sujet encore tabou.C’est comme ça partout, même en Australie. Il est temps que ça change. Quand on croise un gay dans la rue, on ne le traite pas différemment, donc pourquoi ce serait différent dans le foot ?

Dans les vestiaires en France, on ressent de l’homophobie, alors qu’en Australie on voit plus d’ouverture d’esprit sur cette question.Peut-être que, justement, je peux aider les gens à changer cela.

Tu n’auras pas peur de te heurter à certaines mentalités vis-à-vis de l’homosexualité ?Non, je n’ai pas peur de ça. Il y a plein de manières de se faire détester : si tu manques un penalty, rate un but, etc. Je suis un footballeur professionnel, j’ai la bonne mentalité, je suis prêt pour ces choses-là. Et puis, nous sommes en 2021, quelque chose doit changer. Le foot avait juste besoin que quelqu’un le dise en premier, montre la voie.

Je ne parlais pas trop à mes coéquipiers, je les évitais, car je ne voulais pas leur mentir, les mettre mal à l’aise, qu’ils se posent des questions. Je voulais me sortir de cette situation.

Comment le vestiaire a-t-il réagi ?Après l’entraînement le jour de l’annonce, nous étions tous dans le vestiaire avec le staff et les joueurs, je leur ai expliqué que j’avais quelque chose à leur dire. Je leur ai dit que j’étais gay et que c’était quelque chose qui me faisait souffrir depuis six ans. Je sortais de l’entraînement, je me douchais et je rentrais chez moi : je voulais arrêter de vivre comme ça, de faire semblant. Je ne parlais pas trop à mes coéquipiers, je les évitais, car je ne voulais pas leur mentir, les mettre mal à l’aise, qu’ils se posent des questions. Je voulais me sortir de cette situation. Quand je leur ai dit, ils m’ont pris dans leurs bras en me disant : « Ne t’inquiète pas, nous t’aimons pour ce que tu es. On veut que tu sois à l’aise et bien dans ta peau. » Ça m’a touché, mon équipe a été très bienveillante. Ils étaient contents de me voir sourire, car ils ne me voyaient pas le faire avant ça. Je m’en souviendrai pour le reste de ma vie. C’était une étape importante. Ce club est comme une famille pour moi.

En Australie, on ressent cette mentalité.Je ne sais pas, car je ne suis jamais allé à l’étranger.

C’est différent.J’ai reçu des soutiens de Piqué, Henderson, Jürgen Klopp, Zlatan Ibrahimović, Jesse Lingard, Marcus Rashford, Antoine Griezmann… Il a gagné une Coupe du monde, c’est incroyable ! Le public verra ça et se dira qu’être footballeur et gay n’est pas souci. Le football est une vieille culture, passionnée, surtout en Europe : soutenir un footballeur gay doit devenir une normalité. Je ne suis pas le seul gay dans le football, je suis juste l’un des seuls à l’avoir dit, il y en a beaucoup, mais ils ont peur de le dire. Je veux incarner une réponse positive à cela. Tu ne peux pas vivre une double vie et mentir aux gens, vivre une vie misérable. Malheureusement, ça m’a pris du temps, mais maintenant j’ai encore dix ou quinze ans de carrière, je peux passer à la prochaine étape. J’ai envie de partager, guider et aider les gens avec ma vidéo, mon message, qu’ils se sentent bien dans leur peau comme moi. J’ai reçu des milliers de messages sur Instagram, j’en reçois toujours, que des réactions positives, pas de mauvais messages. Ça me montre que le football est prêt pour ça. Certains me disent : « Merci, tu m’as sauvé la vie. » C’est très touchant et ça me rend heureux d’avoir partagé mon histoire. J’aide des gens dans le monde entier, j’aide à sauver des vies, j’ai envie de montrer au monde que ce n’est pas un problème d’être soi-même.

Tu as fait attention aux réactions sur les réseaux sociaux ?Après avoir parlé à mon équipe, je suis monté dans ma voiture et j’ai appuyé sur « poster » . Je comptais les mois, les semaines et les jours avant cette annonce, j’étais impatient. Peu importent les réactions, bonnes ou mauvaises, j’étais juste satisfait.

© Adelaide United Football Club

Tu as déjà vu ou vécu de l’homophobie dans un vestiaire, sans pouvoir réagir ?Quand les gens ne connaissent pas ta situation, ils peuvent blaguer là-dessus et dire des choses qu’ils ne pensent pas. Je peux comprendre, ils ne connaissaient pas ma situation, ne savaient pas que je souffrais et luttais. J’ai gardé ça pour moi, j’étais dans une sombre situation et je ne souhaite à personne de connaître cela. Je veux que les gens soient eux-mêmes, qu’ils continuent à blaguer, pas qu’ils soient coincés. Ce sont juste des blagues, ce n’est pas contre moi. C’est la vie d’un vestiaire, tu ne prends pas ça méchamment.

Je n’avais personne à admirer, à qui m’identifier, une personne gay qui joue au football et a du succès : j’ai souffert de ça.

Tu as déjà pensé à abandonner le football à cause de cela ?Quand j’étais jeune, j’ai toujours rêvé d’être pro, jouer dans des grands stades en A-League, aller à l’étranger, comme tout le monde. Je dormais avec mon ballon ! Pourtant, je n’avais personne à admirer, à qui m’identifier, une personne gay qui joue au football et a du succès : j’ai souffert de ça. J’ai voulu être le premier dans ce rôle, pour aider les jeunes. Que les gens se disent : « C’est Josh Cavallo, il est gay, il joue au football, regardez ce qu’il fait. » J’ai envie d’être un modèle et je n’ai pas envie que des joueurs en devenir abandonnent le foot car ils ont peur. Peu importent les origines, d’où ils viennent. J’ai juste envie d’être un exemple pour ces personnes qui souffrent.

Comment veux-tu que les gens te considèrent : comme un footballeur gay ou juste un footballeur ?Juste comme Josh Cavallo le footballeur. Être gay, c’est juste une partie de moi, ça n’est pas ma vie entière. Sur le terrain, j’ai juste envie d’être considéré comme un footballeur comme les autres. Je veux être jugé sur mon talent et ce que je fais sur le terrain. Ça ne change rien pour moi, la seule différence est que désormais en dehors du terrain, je souris.

Pourquoi beaucoup de footballeurs gays attendent la fin de leur carrière pour faire leur coming out ?Il y en a énormément dans le monde, c’est juste qu’ils se cachent. Chacun suit son chemin, suivant sa propre expérience. Certains ont peur, certains ne se sentent pas prêts, chacun est différent. Je ne peux pas parler à leur place. Peut-être qu’ils ne veulent pas être jugé, avoir la responsabilité d’être les premiers, ou qu’ils souffrent d’autres choses : il peut y avoir plein de facteurs. Espérons que dans dix ans on ait 50 ou 100 coming out de footballeurs !

Tu penses que c’est différent dans d’autres sports ?Dans d’autres sports, je ne sais pas, mais dans le foot féminin, énormément de joueuses sont lesbiennes, le revendiquent, et il n’y a aucun problème. Emma Checker, par exemple, on ne se pose pas de question sur sa sexualité : elle est talentueuse, on la considère juste comme une joueuse. Ce qui compte, c’est cette première étape pour montrer que c’est normal d’être gay dans le football masculin. Je suis impatient de voir ce qui va se passer dans les prochaines années, car je pense que je ne serai pas le seul. Le foot est un sport inclusif dans lequel tout le monde peut être intégré.

Tu as parlé avec d’autres footballeurs ou ex-footballeurs gays ?Oui, il y a Thomas Beattie qui a fait son coming out l’an dernier, mais après sa carrière. Je lui ai posé des questions, il m’a aidé, guidé, et je le considère comme un grand frère. Il m’a dit que je pouvais jouer au foot et être gay, il m’a permis de croire en moi. Il m’a inspiré pour faire cela. Parler avec lui a été une étape importante, et aujourd’hui, c’est un ami très proche.

La personne que j’admirais était Justin Fashanu, il a fait son coming out dans les années 1990 avant de se suicider huit ans après.

T’es-tu dit à un moment que ton orientation sexuelle pourrait t’empêcher de faire carrière ?Ça m’a traversé l’esprit quand j’étais jeune. J’ai un respect infini pour Justin Fashanu. Il a fait son coming out dans les années 1990 avant de se suicider huit ans plus tard. Cela n’a pas été très bien reçu, et les gens ne lui ont pas vraiment apporté de soutien à l’époque. Les temps ont changé, on revient de loin. Aujourd’hui, quand je vois des stars du foot qui me soutiennent, ça me montre que ça n’affectera pas ma carrière. Ça crée un environnement bienveillant.

Comment abordes-tu cette nouvelle saison ?Nous avons signé beaucoup de bons joueurs, nous avons une bonne équipe. Je pense que nous pouvons nous battre pour le titre. La saison commence dans deux semaines, nous sommes très excités. Je pense que quelque chose de spécial va se passer cette saison. Je n’ai pas loupé une minute lors de la présaison, le coach a dit que c’était une année importante pour moi, je vais faire ce que j’ai à faire. Je veux leur montrer que je suis le meilleur latéral gauche d’Australie et du monde ! Le 20, nous commençons contre Perth, ils ont signé Daniel Sturridge. Nous sommes prêts, je vais me le mettre dans la poche !

Dans cet article :
Dans cet article :

Propos recueillis par Loïc Puyo, avec Jérémie Baron

* Avant Josh Cavallo, huit joueurs pros avaient fait leur coming out (Justin Fashanu, Olivier Rouyer, Thomas Hitzlsperger, Robbie Rogers, Anton Hysén, David Testo, Collin Martin et Andy Brennan).

Retrouvez les chroniques de Loïc Puyo :

La vie d'un joueur libre lors d'un mercato
La mise à l'écart dans un « loft »
Superstition maladive et blessures
Le rapport entre joueurs et médias
Le grand saut vers un autre continent
La découverte de l'Australie et de son championnat
L'entourage et la vie de couple d'un footballeur
Le bilan d'une saison en Australie

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