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Jordan de toi

Par Alexandre Aflalo
Jordan de toi

Pour un club de football, le Paris Saint-Germain joue un rôle anormalement central dans toute l'émulation autour du NBA Paris Game, qui se dispute ce vendredi soir à Bercy entre les Charlotte Hornets et les Milwaukee Bucks. Normal : depuis 2018, le club de la capitale est le seul à avoir noué une collaboration avec la marque Jordan, pilier de la culture basket. Un mariage étonnant qui fait plus que jamais sens.

Mercredi 22 janvier, 19e arrondissement de Paris. Pendant qu’à quelques kilomètres à l’ouest, les superstars des Milwaukee Bucks font les foufous dans les vestiaires du Parc des Princes, une petite messe d’amoureux du basket s’est réunie gymnase Jean Jaurès pour un tournoi organisé par Nike mettant à l’honneur les meilleures équipes de la ville. Sur le terrain et dans les gradins, le logo si reconnaissable de Michael Jordan, jambes écartées et bras vers le ciel, est partout. Celui du Paris Saint-Germain, beaucoup moins.

À Paris, les deux semblent pourtant désormais aller de pair. Mais dans l’océan de pièces de streetwear et de liquettes frappées de la griffe de « his airness » , rares sont ceux qui ont opté pour ce mélange des genres. « C’était surprenant, mais ça montre que Jordan a évolué, lancent Dada, Divine, Gladys et Kinemba, la quinzaine, qui participent au tournoi et suivent pour la plupart le foot d’assez loin. Il faut qu’ils grattent, mais pas trop non plus. Le basket, ça reste notre truc. » Pour Mustapha, 28 ans, bonnet Jordan x PSG vissé sur le crâne, cette collaboration était au contraire « dans la logique des choses. L’image du club s’étend, argumente-t-il. Paris, c’est une marque. Et puis ce sont deux sports proches, notamment par la culture urbaine. »

Impose ton lifestyle

En collaborant avec Jordan, le PSG a dû relever le pari de jongler entre d’un côté le rapprochement risqué de ces deux communautés sportives, et de l’autre le développement de sa marque. Alors qu’un quatrième maillot vient d’être dévoilé en même temps qu’une nouvelle collection de vêtements commune, force est de constater que l’équilibre a été trouvé.

« Ce ne sont pas le foot et le basket qui s’allient,

Le PSG et Jordan, ce sont deux grands acteurs du sport qui dépassent leur sport pour devenir des marques.

ce sont deux visions communes du sport, expose Michel Mimran, ancien directeur marketing du PSG et actuel directeur général de la Ligue nationale de basket. Ce n’est pas un problème de savoir si le gars touche le ballon avec la main sur le logo. Cette transgression-là permet aux marques de se parler. C’est juste un storytelling commun. Quand Vuitton s’allie avec la NBA, ce n’est pas pour le basket-ball, c’est pour l’univers que projette la NBA. Le PSG et Jordan, ce sont deux grands acteurs du sport qui dépassent leur sport pour devenir des marques. »

La transformation du PSG en une marque qui dépasse les frontières du football, a fortiori français, a été amorcée depuis l’arrivée du Qatar à la tête du club et a trouvé dans ce partenariat avec Jordan son expression la plus aboutie. « Du point de vue de la montée en gamme du PSG, de la construction une marque avec un positionnement « premium » et des aspirations dans le monde du luxe, cette collaboration est cohérente, estime Jean-Philippe Danglade, professeur de marketing à la KEDGE Business School spécialisé en sport. Notamment parce qu’elle est inédite dans le monde du football, donc distinctive. » Depuis 2011, le « lifestyle » fait partie intégrante de l’image que construit le Paris Saint-Germain. Et Jordan n’est pas qu’intimement lié au basket-ball, c’est une marque de mode qui a permis au PSG de considérablement développer cet aspect de son identité. « Les gens peuvent arborer un produit PSG avec fierté comme une marque connue de fringues » , ponctue Mimran.

La conquête de l’Amérique

Jordan a ouvert en grand au PSG les portes du marché américain. Un territoire dont Paris a entamé la conquête dès ses premières années sous giron qatari, avec l’organisation de plusieurs tournées estivales, puis l’ouverture d’un bureau à New-York début 2018. Mais la popularité du club, dans un pays où le soccer reste un sport mineur (qui gagne en popularité, mais toujours à des années-lumière du basket, du football américain, du baseball ou du hockey), a explosé depuis son association avec Jordan. En 2018, les ventes de maillots de Paris sur le continent américain ont fait un bond de 470%, permettant au club de dépasser pour la première fois le million d’unités vendues. « Nous étions confiants, mais nous avons été agréablement surpris, confesse Marc Armstrong, directeur des partenariats au PSG, arrivé début 2018 au PSG après sept ans passés à la NFL (la ligue de foot US) puis la NBA. Jordan n’a pas été le seul facteur de notre progression, mais un facteur décisif. Et ça a eu un impact très positif sur ce que l’on essaye d’accomplir avec la marque PSG aux États-Unis. » L’un des arguments majeurs de cette popularité nouvelle aux States, outre la collaboration avec Jordan en soi, reste encore ceux qui en portent les produits. Et là-dessus, le PSG tâte le terrain depuis un moment. En 2013 déjà, le PSG draguait les amateurs de panier-balle en faisant enfiler son maillot « bavoir » à Kevin Durant ou Carlos Boozer.

Avant même que le deal avec Jordan soit acté, des joueurs comme Draymond Green, Karl-Anthony Towns, Stephen Curry ou Jimmy Butler s’étaient déjà affichés avec le maillot rouge et bleu ou avaient foulé la pelouse du Parc des Princes, installant petit à petit le PSG dans le paysage américain et éveillant la curiosité d’un public à conquérir.

Ces dernières semaines, les avant-matchs de NBA, toujours très observés, ont vu des joueurs comme Carmelo Anthony et Zion Williamson se pointer avec des survêtements de la nouvelle collection Jordan x PSG, alors que toute l’équipe des Hornets, propriété de Michael Jordan, a pris l’avion pour Paris dans des sweatshirts PSG.

« Les Américains raffolent des célébrités, ils fonctionnent beaucoup par les stars, explique Jean-Philippe Danglade. Cet endossement par les célébrités permet au PSG de développer son « capital marque ». » De la même façon, le fait que le PSG puisse compter dans ses rangs des personnages comme Neymar, fan affiché de basket et qui avait déjà collaboré avec Jordan pour deux paires de crampons signature en 2016, ou Kylian Mbappé, qui tisse des liens de plus en plus étroits avec les sports américains de son côté, est un atout majeur.

Paris is magic

Pour mettre un premier pied dans le football, secteur que la marque songeait à investir depuis plusieurs années, Jordan aurait très bien pu opter pour une autre institution footballistique puissante, avec un palmarès plus conséquent et plus légitime que celui du PSG. Pourtant, son association avec Paris paraît tout sauf contre-nature. « Le choix du PSG était évident » , ose même Marc Armstrong. La force de 30 ans de vie commune avec Nike, à l’initiative de ce deal qui est une extension de son contrat avec Paris, a joué. Mais pas seulement. « Au PSG, on ne parle pas de football. On y joue, mais l’histoire qu’on raconte, ce n’est pas l’histoire du foot. C’est l’histoire de Paris. Une histoire internationale, d’éthique, d’esthétique.

Plus que des joueurs et des titres, le PSG capitalise sur son statut d’unique club de Paris, ville ô combien fantasmée par les Américains.

Jordan aurait pu signer avec le Real Madrid, le FC Barcelone ou un club londonien, mais il y a peu de clubs qui incarnent une ville et un pays comme le Paris Saint-Germain. » Plus que des joueurs et des titres, le PSG capitalise sur son statut d’unique club de Paris, ville ô combien fantasmée par les Américains. Une identité centrée sur l’image de la capitale française que montre aussi bien le choix de changer de logo en 2013, mettant Paris en avant par rapport à Saint-Germain, que le design du dernier maillot Jordan justement, traversé de haut en bas par un drapeau français. Un maillot qui « rappelle les codes du coq sportif, qui a un côté très français, analyse Jean-Philippe Danglade. Ça illustre l’image de Paris à l’international. Même le logo Jordan fait penser à la tour Eiffel. » Décidément, rien n’est laissé au hasard.

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Par Alexandre Aflalo

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