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John le Carré

Par Maxime Brigand
John le Carré

Et s’il était le vrai visage de l'évolution ? Moqué l’an passé à cause de la somme record dépensée par Manchester City pour l’arracher à Everton, pointé du doigt pour son manque d’expérience, John Stones est enfin devenu le visage de l’élégance efficace voulue par Pep Guardiola. Voyage dans une bulle qui a désormais éclaté.

Le Yorkshire, le Oakwell et de la terre grasse. Un monde, une bulle, une éducation aussi. Lorsqu’on lui demande ce qu’il fait des 100 000 livres qui glissent chaque semaine sur son compte, John Stones lâche un premier crochet : « Je viens du Yorkshire, de Barnsley. » Retour à Manchester, au cœur du mois de mars 2017, pour la mise en perspective. Un tableau que ne connaît que trop bien Guardiola : une conférence d’après-match – ici un City-Liverpool (1-1) – et les questions d’observateurs qui ne cessent de se casser la tête sur ses desseins. Excédé, le Catalan greffe le geste aux mots : « Écoutez messieurs, John a plus de personnalité que n’importe quelle personne présente dans cette pièce. Il a plus de couilles que n’importe qui. Pourtant, sous la pression, les gens le critiquent. Je suis ravi d’avoir John dans mon effectif, même avec toutes les erreurs qu’il a pu faire. J’aime ce genre de mecs avec ce genre de personnalités. Et ce n’est pas simple de jouer défenseur central avec cet entraîneur. » Mieux, c’est un changement de dimension théorique, ce qu’expliquait Dante il y a quelques mois au moment de jouer au jeu des différences entre Guardiola et son prédécesseur à Munich, Jupp Heynckes.

« Avec Jupp, dès qu’on en avait la possibilité, on fonçait. Mais avec Pep, il y avait davantage de construction. L’idée était pourtant la même : partir en contre, aller vers l’avant, mais tout en contrôlant déjà le contre adverse qui allait suivre » , détaille le défenseur de l’OGC Nice. Que ce soit dans des conférences, dans des discussions privées avec ses joueurs ou lors de ses causeries, Pep Guardiola n’a jamais caché la place angulaire qu’occupe l’organisation défensive dans son jeu, ce qu’il place « à la base de tout » ce qu’il souhaite faire dans le foot. L’idée est dans le verbe et a mis du temps – comme à Barcelone ou à Munich – à être intégrée par son Manchester City et un pays biberonné à la relance pratique plutôt qu’utile. Avec le technicien catalan, on ne relance pas, on « sort en jouant » , ce qui implique un développement tactique supérieur et est aujourd’hui à la base des problèmes rencontrés par Marcelo Bielsa à Lille.

Boue et liberté

Chemise sur le dos et ancien sac de défenseur le plus cher du monde balancé contre le sol, John Stones est progressivement devenu un ouvrier de la machine Guardiola. Un homme qui parle le même langage, dont les tiroirs cérébraux s’ouvrent de la même manière que ceux d’un entraîneur qui lui a implanté dans le cerveau que la construction passerait par la recherche « d’hommes libres » permettant de franchir une à une les lignes adverses en faisant « bouger l’adversaire, pas le ballon » , comme Pep Guardiola le déchiffrait à son ami Marti Perarnau à travers les pages de Pep Guardiola : The Evolution. Stones : « C’est pour ça que j’ai voulu venir travailler avec lui et progresser. Il n’y a pas de meilleur entraîneur dans le monde que celui avec lequel on travaille aujourd’hui. Tout le monde aime le football pour voir du beau jeu. Jouer de la manière de Manchester City et ne plus être une équipe typiquement anglaise est une marche dans la bonne direction. »

Pour l’international anglais, c’est aussi une quête, une recherche perpétuelle depuis les heures grillées devant un écran de télévision dans la maison familiale à Barnsley. Un point zéro de son éducation et une rencontre quelques années plus tard, sur les terrains du Oakwell, le centre sportif des Tykes. « Dans le nord, j’ai vraiment joué dans la boue. Mais c’est aussi là que j’ai commencé à m’exprimer en tant que défenseur, dans les équipes de jeunes de Barnsley, avec mes entraîneurs, Ronnie Branson et Mark Burton, replace John Stones. J’avais treize-quatorze ans, et Ronnie et Mark étaient très attirés par le Barça, au point d’essayer de nous faire jouer comme ça. Je ne suis certainement pas partial, mais je dois dire que ce qu’on faisait était brillant. »

Vie debout

Une courbe d’ascension comme des étapes décidées par des hommes : Roberto Martínez à Everton, Gareth Southgate chez les espoirs avant de le retrouver chez les grands. Au bout, un réflexe de grands : le refus du tacle, ce que Paolo Maldini décrivait comme la conséquence d’une erreur préalable et là où Guardiola aime balancer qu’il « n’entraîne pas [ses] joueurs à tacler » . Plus d’un an s’est versé dans la carrière de Stones depuis son arrivée à City, plusieurs – premiers – mois de critiques aussi. Lâché en place publique après une défaite à Leicester (2-4), il s’était alors avancé, n’hésitant pas à assumer ses erreurs – « je le fais ouvertement parce que c’est la seule façon d’aller de l’avant » – là où Martínez avait prévenu que son ancien joueur n’était pas encore prêt à affronter tant, si tôt. Surtout dans une défense aussi déséquilibrée et retapée à plus de 50% durant l’été, sans que Guardiola ne parvienne à trouver une vraie ceinture de sécurité à son apprenti, Otamendi restant un buffle vieillissant.

Simple, depuis le début de saison, John Stones pilote avec maîtrise et prudence, se permettant de claquer un doublé à Rotterdam en C1, un soir où son entraîneur le reprendra par le short : « Il n’y a aucun doute sur les qualités de John. Mais il sait ce qu’il lui reste à faire pour progresser, il doit gagner ses duels. Lorsqu’il en sera capable, il sera un défenseur exceptionnel. » Moderne, armé d’accessoires offensifs tranchants – 21 buts en six matchs de Premier League pour les Citizens cette saison –, voilà l’ouvrier face à son horizon et à la barre d’une défense qui n’a encaissé que deux buts cette saison. « Aujourd’hui, j’estime que les buts sont aussi importants que les clean-sheets » , racontait Stones après la victoire contre le Shakhtar Donetsk cette semaine (2-0), une nouvelle fois portée par une moyenne de passes réussies qui le pose en tête du secteur (96,4% cette saison), ce qui faisait déjà sa force au temps où il réveillait les âmes de Goodison Park. La bulle a désormais éclaté, Stones est devenu cadre supérieur.

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Par Maxime Brigand

Propos de John Stones tirés du Daily Mail et du Guardian, ceux de Pep Guardiola issus de Pep Guardiola : The Evolution et de conférences de presse.

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