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Johan Bakayoko, le contre-Doku
Depuis le coup d'envoi de la saison, on ne parle que de Jérémy Doku en Belgique. À juste titre, même si cette nouvelle génération belge compte aussi beaucoup sur Johan Bakayoko, dont l’histoire a toujours été étroitement liée au Citizen.
Le 21 mars dernier, Johan Bakayoko a vécu un réveil un peu particulier. Il était dans sa chambre du Proximus Basecamp à Tubize – le centre d’entraînement des sélections belges –, lorsque le sélectionneur Gill Swerts toque à sa porte et change sa vie à jamais. « J’étais avec les U21, et tout d’un coup, le coach ouvre et me dit : “Tu dois prendre tes affaires, tu dois partir”, sans rien dire de plus au début. » Sur le coup, le feu follet du PSV Eindhoven ne comprend pas, mais s’exécute : il plie ses T-shirts, range ses pantalons et sort dans le couloir quelques minutes plus tard. « Je vois le coach et je le regarde un peu bizarrement. Et finalement, il me dit : “Jérémy (Doku, NDLR) est blessé, tu vas chez les Diables” », confiait l’heureux élu à RTL six mois plus tard. U15, U16, U17, U19, U20, U21 et maintenant l’élite, Bakayoko se voit récompensé d’un exercice 2022-2023 fantastique et d’un début de saison tout aussi canon. Né à Overijse, commune néerlandophone de la Belgique, Johan avait « pour chouchou Romelu Lukaku » et « rêvait de jouer attaquant » . Comme si son destin était écrit de longue date, c’est en sortie de banc, le 24 mars dernier face à la Suède, que Bakayoko a fait des misères à l’arrière-garde scandinave pour offrir à Big Rom un but tout fait. Sur la célébration, où il a terminé dans les bras de son idole, Johan « a eu envie de pleurer ». De joie, évidemment, d’autant que depuis, Bakayoko n’a jamais quitté le groupe de Domenico Tedesco. Mieux, le coach italo-allemand semble faire confiance à sa nouvelle pépite, parfaitement venue pallier la blessure de Doku ce jour-là.
Le pendant de Doku
Le plus intéressant est que Bakayoko est aussi « Doku compatible ». Comme en témoigne son entrée en jeu face à l’Autriche lors du rassemblement suivant en juin dernier. Tenu en échec face à un bloc bas autrichien, Tedesco a alors remplacé Lukebakio par le joueur du PSV. Sur le coup, Doku glisse à gauche, et Yannick Carrasco rentre plus dans le cœur du jeu. Et la sauce a pris très vite. Bakayoko est même récompensé en Estonie une semaine plus tard, pour sa première titularisation, en faisant trembler les filets adverses. De quoi voir un trio Doku-Lukaku-Bakayoko s’installer en vue de l’Euro 2024 ? C’est fort possible. D’ici là, une chose est certaine : elle est loin, cette Belgique composée des ailiers Dries Mertens et Carrasco, et épaulés des pistons Thorgan Hazard et Thomas Meunier. Et déjà après les premiers rassemblements, Lukebakio a dressé le bilan de la nouvelle animation offensive des Diables : « Notre jeu est clair : on se base sur les un contre un, que ce soit Jérémy, Johan et moi. Je pense que contre l’Autriche, nous avons bien utilisé cette arme-là, mais on a été plus efficaces en Estonie. » Toujours au micro de la RBFA, Doku assure que son sélectionneur à de multiples jokers à faire-valoir dans cette aire de jeu. Avec un petit béguin pour Bakayoko. « En faisant monter Johan en cours de jeu, le coach tente à chaque fois d’apporter quelque chose en plus. Johan amène toujours du danger sans pour autant désorganiser l’équipe. » Peut-être moins précis dans les derniers mètres, le joueur du PSV a des qualités similaires à celles de Doku. De quoi obliger les défenses adverses à ne pas s’attarder seulement sur les déplacements du Citizen. « Sur les flancs, pouvoir jouer avec Doku, Lukebakio, Bakayoko ou encore Tresor, c’est un vrai luxe, s’est récemment réjoui Domenico Tedesco, les défenseurs doivent être attentifs durant 60 minutes, et ensuite, des adversaires aux mêmes qualités montent au jeu, cela pourrait être décisif pour nous dans le futur. » Secrètement, être dans le même sac que Doku – ou pas loin – dans la tête du sélectionneur représente forcément une petite victoire pour Bakayoko. Les deux ailiers étaient proches de jouer ensemble en 2019, avant que leurs chemins se séparent.
Doku est arrivé à Anderlecht à l’âge de 10 ans, où il a d’ailleurs fait toute sa formation avant de partir pour le Stade rennais à sa majorité, début octobre 2020. Le parcours fut un peu plus mouvementé pour Bakayako qui s’était tout de même ouvert les portes du Sporting avant de prendre la direction des Pays-Bas. Roel Clément, entraîneur des jeunes du club à l’époque, explique ce revirement de situation : « Évidemment qu’une prolongation de contrat aurait certainement fini par arriver. Physiquement, il était déjà très mûr, il avait de l’avance sur les autres. Il avait toutes les qualités que l’on voit aujourd’hui. La vitesse, du dribble et une facilité à marquer. » Mais avec une légère crainte quand même : « Johan était arrivé de Malines un an plus tôt seulement, et personne n’aurait pu prédire qu’il allait devenir ce qu’il était aujourd’hui. Il y avait encore du travail. J’étais strict avec Johan, car il pouvait avoir des moments d’absence », poursuivait Clément à son sujet au Telegraaf. De son côté, le PSV Eindhoven ne tergiverse pas. Face à la porte fermée à double tour de l’effectif de Vincent Kompany en 2019, à cause des présences de Jérémy Doku, d’Alexis Saelemaekers, de Marko Pjaca, de Nacer Chadli ou même de Samir Nasri, Bakayoko s’envole pour Eindhoven. « C’était un risque, mais je voulais engranger les matchs et gagner de l’expérience. Et avec des joueurs comme Cody Gakpo, j’ai appris des choses tous les jours. » Quatre ans plus tard, Doku et Bakayoko s’amusent dans leur club respectif et en sont au même stade en sélection. Une belle revanche.
Par Matthieu Darbas