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Jean-Philippe Mateta : « À Sevran, les insultes, c’est comme si tu disais bonjour »

Propos recueillis par Julien Duez et Matthieu Pécot
Jean-Philippe Mateta : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>À Sevran, les insultes, c&rsquo;est comme si tu disais bonjour<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Plus grosse recrue de l'histoire de Mayence, l'ancien Lyonnais Jean-Philippe Mateta découvre cette saison la Bundesliga avec une certaine réussite. Meilleur buteur de l'actuel 11e de Bundesliga (6 buts), « JP » a déjà mis les supporters du club dans le même endroit que ceux du Havre la saison dernière : sa poche. Il faut dire que l'avant-centre de 21 ans a une recette infaillible pour recevoir de l'amour : ne pas calculer ses efforts, ne jamais tricher et se souvenir qu'il n'y a pas si longtemps, il tuait son temps au quartier, à Sevran, car aucun centre de formation ne voulait lui donner sa chance.

Comment ça se passe l’apprentissage de l’allemand ?Doucement, mais sûrement. C’est dur, l’allemand !

T’étais fort en langues à l’école ?Bof, normal, je n’étais pas très fort à l’école. J’ai fait anglais et espagnol et pas du tout d’allemand, c’est pour ça que c’est plus dur. Mais comme je me débrouille en anglais, ça va.

Signer en Allemagne, ça faisait partie de ton plan de carrière ou c’était juste une opportunité à saisir ?Au début, je voulais rester en France pour prouver, avant de partir. Finalement, je suis parti plus tôt.

C’est bizarre que Lyon ne t’ait pas conservé : marquer 20 buts en Ligue 2 à 20 ans, ça ressemble à un passeport pour la Ligue 1.Lyon voulait bien me garder, mais sans que j’aie la garantie de jouer autant que je le voulais. Et il y avait des clubs qui voulaient me faire jouer les premier rôles. Lyon parlait d’un prêt en Ligue 1, il y avait quelques clubs qui étaient intéressés. Mais moi, c’était non pour un prêt. C’est ce que j’ai dit à mes anciens agents. Aujourd’hui, je n’en ai plus.

C’est rare de ne pas avoir d’agent en 2019.Oui, mais ce n’est pas un problème. Si je suis bon, les agents reviendront.

Tu t’étais attaché au Havre un peu, non ?Oui, c’est vrai. Ça, c’est parce que quand je suis sur le terrain, je montre beaucoup aux supporters que je peux me battre pour le club. D’où ça me vient ? Je suis passionné de football, tout simplement. Le fait de ne pas rester à Lyon, ça montre mon état d’esprit : moi, je suis un joueur. Ce que je veux, c’est jouer.

Parmi tes célébrations de but, il y a ce fameux coup de pied dans le poteau de corner. Ça vient d’où ?Ça me vient de mon joueur préféré : Zlatan. Je me suis inspiré de lui dans ma célébration.

T’as le même gabarit que lui en plus.J’espère surtout avoir la même carrière.

Et cette célébration où tu te bouches les oreilles et qui avait été un moment fort lors du barrage entre Ajaccio et le HAC l’an passé, tu la fais encore en Allemagne ?Non, je ne l’ai pas encore faite, mais je pourrais la refaire, ouais. Peut-être à Hanovre, pourquoi pas ? Ça s’est un peu fritté au match aller et je pense qu’ils vont bien m’accueillir au retour (le 27 avril, N.D.L.R.). J’ai provoqué un penalty au match aller, le ton est monté, il y a eu des insultes, des provocations…

C’est marrant qu’autant de personnes t’insultent, alors que tu as l’air calme en apparence…Moi, je n’insulte pas, je rigole et c’est pour ça qu’on m’insulte. Et ça peut être violent parfois. Mais moi, ça ne m’atteint pas.

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Une publication partagée par IamMateta (@iammateta) le 2 Janv. 2019 à 7 :08 PST

Et donc cette célébration les yeux fermés et avec les deux index qui bouchent les oreilles, c’est un hommage à ton ancien coéquipier à Lyon, Memphis Depay ?

À Ajaccio, on m’a traité de sale noir, on a insulté ma famille…

Ouais, c’est vrai que ça a commencé en voyant Memphis Depay la faire à Lyon. Au début, je l’ai utilisée au Havre pour répondre à des critiques qui étaient arrivées car je n’avais pas marqué pendant quelques matchs. Et après, c’était en Corse, à Ajaccio. Là-bas, on m’a traité de sale noir, on a insulté ma famille…

Tu avais déjà vécu ça ?Bah oui, j’ai grandi à Sevran, donc les insultes, j’y suis habitué. Là-bas, les insultes, c’est comme si tu disais bonjour. Quand tu joues au foot au quartier avec les grands, ils t’insultent, te mettent la pression. Si tu ne joues pas bien, tu te fais taper, donc tu as peur. À Ajaccio, je savais qu’ils ne pouvaient pas me toucher. Autre exemple : lors du match Bastia-Lyon, le mec de la sécurité est venu me frapper moi ! C’est pour cela que le match a été arrêté. Pour revenir sur le match à Ajaccio, après l’attaque du bus, on est restés sereins. Comme ils avaient cassé la clim’, on a dû ouvrir les portes, et la police n’était pas encore arrivée. Donc s’ils avaient voulu nous attaquer, ils auraient pu le faire. Mais ils ne l’ont pas fait. C’était juste de l’intimidation, mais personnellement, ça ne m’a pas du tout fait peur.

Quand tu fais ta célébration à Ajaccio, on sent que tu es serein, mais malgré tout à l’intérieur, ça doit bouillir.Oui, si tu regardes bien, quand (Ghislain) Gimbert me met une baffe, je ne fais rien, car je ne veux pas avoir de rouge. Si vous regardez la vidéo, vous voyez que je n’en prends pas qu’une. Mais moi je me dis, même si je prends 40 000 baffes, je ne dis rien, ça va bien s’arrêter à un moment, on va gagner, on va se qualifier. Et puis finalement, je prends moi-même un rouge, et je ne comprends rien.


T’étais triste ?Oui j’étais triste, j’avais la rage. Je voulais qu’on passe, surtout à Ajaccio ! Mais j’ai tourné la page aujourd’hui. Je garde un bon contact avec les mecs du Havre.

Si c’était à refaire, tu referais la même célébration de but qu’à Ajaccio ?Bien sûr ! Je peux remettre 10 000 fois ce but, je referai la même célébration 10 000 fois.

Comment ça se fait qu’un prêt d’un an sans option d’achat t’ait autant marqué ? J’aime bien être investi dans le club, être le meilleur buteur. Quand les gens t’aiment beaucoup, c’est bien, non ?

Pour revenir à l’Allemagne, il y a beaucoup d’attaquants français qui ont ton profil, et on dirait que la France les regarde peu. Pourquoi selon toi ?Franchement, je ne sais pas. Moi, je sais qu’on ne va pas me regarder si je vais à Mayence, à part si je mets 30 buts. Après, y a aussi beaucoup de concurrence en France !

Tu regardais beaucoup de foot allemand avant de signer à Mayence ?Ouais, parce que je suis un passionné, mais je regardais les gros matchs genre Dortmund qui se déplace au Bayern, pas Mayence !

Les supporters de Mayence m’aiment bien, ils ont même fait une chanson sur moi, on peut la retrouver sur YouTube !

Qu’est-ce que tu retiens au bout de six mois là-bas ?C’est vraiment intense tous les week-ends, il n’y a pas une équipe moins intense qu’une autre, ça va vraiment jouer des deux côtés. Pour les buts, je me suis fixé un objectif, mais je ne le dirai pas.

T’as un attachement avec le public de Mayence ou bien la barrière de la langue fait que c’est compliqué ?Ils m’aiment bien, ils ont même fait une chanson sur moi, on peut la retrouver sur YouTube ! Ça dit un truc comme « Porter le numéro 9 comme Mateta, devenir un grand joueur comme Mateta » , un truc comme ça.


L’ambiance, ça doit être quelque chose aussi, non ?C’est clair. Après, je n’ai pas vu l’Angleterre, mais j’ai joué en France et en Allemagne et… rohlolo ! Chaque week-end, c’est rempli ! Au début, ça me faisait bizarre, mais je me suis habitué. C’est impressionnant, même à domicile. Pour te dire, Mayence, ce n’est pas le plus grand public d’Allemagne, mais c’est vraiment très spectaculaire ! L’année dernière, j’ai mis la plupart de mes buts à domicile, cette année, seulement un et les cinq autres à l’extérieur (Mateta est le meilleur buteur de Mayence en Bundesliga avec 6 réalisations, N.D.L.R.). J’espère que ça va se retourner.

C’est quoi le plan pour la suite ?Franchement, je veux jouer le plus possible, marquer le plus possible et aller dans un club où je pourrai rester longtemps. Je veux jouer chaque année la Ligue des champions ou la Ligue Europa et, si possible, porter le maillot de l’équipe de France. Je suis un compétiteur, je veux jouer la première ou la deuxième place. Là, on peut accrocher l’Europe, c’est un vrai défi, faut que je me remette à marquer, ça fait trois matchs que je n’ai pas marqué.

Tu as beaucoup de potes dans le foot ?Non justement, comme je n’ai pas fait de centre de formation, mes potes sont mes potes du quartier. Je n’ai pas de relation spéciale avec un joueur en particulier, je n’ai pas vécu le truc pendant cinq ans en centre de formation.

Pourquoi il n’y a pas eu de centre de formation ?Je ne sais pas. J’avais 16 ans quand je suis arrivé à Châteauroux. J’ai encore des numéros de gens là-bas, mais on ne se parle pas trop. J’étais bien en National, mais c’était dur, il n’y avait personne au stade.

Tu es content de ta carrière jusqu’à présent ?Ouais, parce que ça continue d’avancer. Mais j’espère aller encore plus loin.

Tu as été appelé en équipe de France lors du dernier rassemblement. Tu n’avais jamais été appelé auparavant…C’est bien, ça montre que je suis suivi.

T’es du genre revanchard par rapport à cette époque où l’on ne t’a pas donné ta chance en centre de formation ?Oui, j’ai un peu ce côté revanchard, mais après, on ne m’a pas pris en centre, tant pis, là, je suis en Bundesliga, quoi ! Y a des gens qui n’ont pas fait de centre de formation et qui ont quand même eu une grosse carrière derrière.

Quand on t’insulte parce que tu rates un truc, quand on te frappe parce que tu perds, ça t’endurcit. Quand tu découvres ça, t’es vraiment petit, donc tu en pleures même ! Puis tu t’habitues…

Tu parles beaucoup de ton quartier à Sevran, on dirait que ça t’a marqué ces matchs dans la rue avec les grands.Ça m’a endurci. Quand on t’insulte parce que tu rates un truc, quand on te frappe parce que tu perds, ça t’endurcit. Quand tu découvres ça, t’es vraiment petit, donc tu en pleures même ! Puis tu t’habitues…

Tu es d’une famille de sportifs ?Oui, mon père Philippe a été professionnel au Congo et après il est venu en Belgique, à Liège, mais il s’est blessé. Mon père m’a inculqué la rigueur, le fait d’aller se coucher tôt quand il y a match le lendemain par exemple, ou de bien manger… Ce sont des trucs qu’on apprend en centre de formation, mais moi, je l’ai appris à la maison. Mon père est encore souvent chez moi à Mayence pour me le rappeler.

C’est important la famille ?Oui !

Pour mon premier match à Mayence, il y avait 40 Mateta dans les tribunes, ils n’avaient jamais vu ça ici !

Pour mon premier match à Mayence, il y avait 40 Mateta dans les tribunes, ils n’avaient jamais vu ça ici ! Moi, je suis très famille et amis. J’aime bien rester avec les deux. Je ne suis pas un solitaire, c’est juste que mes amis sont en dehors du foot.

Dans ton regard, on voit parfois une espèce de tristesse, de solitude.Ça doit être de la concentration. Je me concentre pour marquer un doublé ou un triplé, c’est tout.

Tu avais déjà mis les pieds en Allemagne avant de signer à Mayence ?Jamais. Quand j’ai rencontré le coach (Sandro Schwarz) avant de signer, c’était à Francfort et c’était la première fois que j’allais là-bas. C’est pas du tout la même mentalité qu’en France. Ce pays est super propre, il n’y a rien qui va de travers. C’est bien, ça change. Moi, j’aime bien être avec mes amis, mais j’aime bien aussi rester un peu à l’écart. Au Havre par exemple, j’habitais à 35 minutes du centre-ville. J’ai besoin de cette tranquillité, je ramène ma famille à la maison, on rigole et c’est tout. Partir en Allemagne, ça ne me faisait pas peur. Maintenant, j’espère prouver que j’ai eu raison de faire ce choix et que je vais marquer beaucoup de buts.

Il paraît aussi que tu as intégré Aya Nakamura dans la playlist du vestiaire. Pas trop déçu qu’elle n’ait rien gagné aux dernières Victoires de la musique ?Non, je m’en fous. Mais elle est très forte, j’aime beaucoup ce qu’elle fait !

Tu es proche de plusieurs rappeurs français qui explosent en ce moment, comme Da Uzi par exemple.Ouais, lui, c’est mon pote, il vient aussi de Sevran. Sevran, c’est haut dans le rap français : Da Uzi, Kaaris, Kalash Kriminel, 13 Block…


Et côté foot, ça donne quoi, Sevran ? Il y a Wilfried Kanga qui est en train de faire de belles choses à Angers par exemple.

L’année dernière, le rappeur Ninho a fait son concert au Havre avec le maillot du HAC floqué à ton nom sur les épaules. Ça t’a touché ?C’est mon pote aussi. Il n’est pas de Sevran, mais faut que je t’explique : au quartier, j’ai un cousin et il a déménagé parce qu’il y avait des embrouilles et que sa mère ne voulait plus rester. Il a bougé à Nemours dans le 77 et il est devenu pote avec Ninho. Mon cousin a toujours fait du rap, il était très fort. Quand on était petit, il disait tout le temps qu’il était le plus fort. Quand il a rencontré Ninho, il m’a appelé pour me dire : « J’arrête le rap, ce mec il est trop fort. C’est sûr qu’il va percer. » Aujourd’hui, il fait les backs de Ninho sur scène !

Tu t’es familiarisé avec la musique allemande ?Ouais ! J’ai écouté des trucs allemands dont je n’aurais jamais soupçonné l’existence. Il y a un truc que m’a fait écouter Jean-Paul Boëtius là, attends, comment ça s’écrit ? Hoe je bent (il s’agit en fait d’un morceau de rap néerlandais, ndlr).

Et la bouffe ?Pour ça, la France me manque. Remarque, je dis ça, mais quand je reviens en France, je mange italien…


Faut que t’ailles en Italie alors.Ah non, ça ne me dit rien. Bon après, si l’Inter me veut, je ne vais pas dire non. Mais je ne peux pas expliquer pourquoi, je ne sais pas si c’est parce que les matchs sont mal filmés, mais ça ne me donne pas envie. Alors que quand tu regardes un match anglais, t’as envie d’aller là-bas directement. Et pourtant, mon père me disait qu’avant, le Calcio c’était le meilleur championnat, que si tu n’avais pas joué en Italie, c’est que t’avais un problème.

Est-ce que la Bundesliga est un championnat sous-coté en dehors d’Allemagne ?Moi, je ne trouve pas. Vous dites ça par rapport à l’exemple de Haller et Augustin ?

Non, mais on se dit que tu peux plus tomber dans l’oubli si t’es à Mayence que si tu joues en Ligue 1.Après, Mayence, c’est un petit club dans un gros championnat. J’espère que ça sera le bon tremplin pour la suite de ma carrière. Je n’ai pas la pression d’être la plus grosse recrue de leur histoire (Mayence a versé 10 millions d’euros à Lyon pour acheter Mateta cet été, N.D.L.R.), je suis là pour jouer le plus de matchs possible. Le coach m’avait dit qu’ils me suivaient beaucoup, ils ont regardé beaucoup de matchs de Ligue 2. Faut que je mette plus de dix buts pour me faire remarquer.

Et le HAC ?Je leur souhaite la montée. Quand j’étais à Caen pour jouer le match France-Espagne avec les U21, j’ai vu Oswald Tanchot et je lui ai dit que Tino Kadewere était vraiment fort. Il m’a dit qu’il revenait de blessure, mais je lui ai répondu qu’il était vraiment fort quand même, au-delà de ça. J’espère que le HAC va monter en Ligue 1 et que Mayence sera européen.

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