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Jean-Luc Vasseur : « On n’est pas à la préhistoire du football »

Propos recueillis par Mathieu Rollinger, à Lyon
Jean-Luc Vasseur : « On n’est pas à la préhistoire du football »

Le 17 juin dernier, Jean-Luc Vasseur a été nommé entraîneur de la section féminine de l'Olympique lyonnais, en remplacement de Reynald Pedros. Premier coach passé par la Ligue 1 (avec le Stade de Reims) à diriger des femmes, il prend les manettes d'un club qui vit avec l'obligation de l'excellence, alors que la concurrence ne cesse de se renforcer. Et c'est en ça que le défi n'est pas des plus simples à relever.

Que représentait pour vous la section féminine de l’Olympique lyonnais avant d’en devenir l’entraîneur principal ?À la tête de ce club-là, il y a un président visionnaire, qui sait se projeter loin dans le futur, grâce aussi à une expérience de 30 ans à la tête de l’OL. Cette anticipation permet d’avoir aujourd’hui de l’avance sur les autres clubs. L’équipe féminine de Lyon représente quelque chose d’énorme en France, mais aussi à l’international, au point d’être un des principaux vecteurs de communication et de promotion du sport féminin.

Lors de votre présentation, vous avez comparé cette équipe à une voiture de Formule 1, dont vous allez « humblement être le pilote » . En quoi l’OL est une « machine de haute précision » ? C’est une Formule 1 qui est toujours en pole position et qui remporte toujours le Grand Prix. Donc c’est encore plus pointu. Cette équipe est sur le toit de l’Europe, chassée par toutes les autres écuries qui se sont mises à investir dans le foot féminin.

Reynald Pedros et son staff ont mis la barre très haut, et quand vous êtes à Lyon, on attend des titres. Cela fait partie de l’ADN du club, et c’est ancré en chaque joueuse.

Il y a une exigence de précision de plus en plus accrue. J’ai été certainement sollicité pour cela, avec mon expérience du haut niveau masculin en France, et même si mes filtres devront être adaptés au monde féminin. À l’OL, on a seulement des petites retouches à apporter, il n’y a pas de révolution à faire. Cela suppose qu’il faut être très attentif et minutieux, parce qu’on peut bien gagner quelques pourcentages d’efficacité en plus comme en perdre autant. À ce niveau-là, on dit que le diable est dans le détail.

Grimper dans ce cockpit, cela comporte des risques. S’asseoir sur le banc d’une équipe qui a réalisé le triplé Championnat-Coupe-Ligue des champions implique de grosses attentes.En venant ici, je n’ai pas choisi la facilité. Reynald Pedros et son staff ont mis la barre très haut, et quand vous êtes à Lyon, on attend des titres. Cela fait partie de l’ADN du club, et c’est ancré en chaque joueuse. Je ne suis pas du tout dans le confort, si ce n’est que j’ai à disposition des moyens techniques, logistiques, humains très qualitatifs. Surtout que sur le plan européen, la concurrence progresse très vite, avec des moyens énormes. Les Anglaises ont récupéré les droits télé ; Manchester United et Tottenham se positionnent ; Wolfsburg et le Bayern se relancent en Allemagne ; récemment, le Real Madrid vient de se mettre dans la danse en rachetant un club ; il faudra compter sur la Juventus et la Fiorentina après le très bon parcours de l’Italie à la Coupe du monde… Tout ça, c’est du lourd. Donc, il faudra rester dominant sur les compétitions nationales et continuer à progresser sur la scène européenne. Après, c’est toujours plus motivant de devoir faire avancer une équipe qui est dans cette position.

L’OL est un des premiers clubs européens (après le Barça et Wolfsburg) à avoir développé une section féminine en y mettant les moyens. Voir d’autres grandes institutions investir le terrain du foot féminin est donc une suite logique ?Oui, forcément. On m’a dit qu’il y avait un avant et un après 2011, avec la Coupe du monde en Allemagne, et aujourd’hui ce Mondial en France confirme cette évolution. J’ai pu discuter avec des hauts fonctionnaires de la FIFA et des fédérations, tout le monde souligne l’engouement monstre qui est en train de naître. Il ne faut surtout pas comparer avec ce qui se fait chez les garçons. Mais il y aura forcément des retombées par la suite. En mettant les pieds dans le foot féminin, j’intègre un processus lancé depuis longtemps qui sera aussi boosté par cet événement mondial. Et ce qui est beau, c’est que ça s’est déroulé sur notre sol. On n’est plus à l’aube de ce développement, mais on en approche son zénith.

J’aimerais que la D1 féminine puisse se jouer dans les stades principaux de leurs clubs. Ça permettrait de donner un vrai cadre à cet engouement.

Et ça, tout en sachant que la France n’a pas pu aller au-delà des quarts de finale ?Ce sont les aléas de la compétition. Mais les gamines du pays et le public qui est venu au stade auront de toute manière profité de ce spectacle. Si maintenant le football féminin a la capacité d’avancer encore plus dans sa professionnalisation, de se rapprocher du statut des garçons, on accélérera aussi cette émancipation en France. Pour le moment, les freins restent les installations. Personnellement, j’aimerais que la D1 féminine puisse se jouer dans les stades principaux de leurs clubs, même si on n’ouvre qu’une partie des tribunes aux spectateurs. Ça permettrait de donner un vrai cadre à cet engouement.

Vos prédécesseurs, en plus de leurs responsabilités sportives, dépensaient aussi beaucoup d’énergie pour que leur équipe bénéficie de la même reconnaissance que la section masculine. Aujourd’hui, les filles ont déjà joué au Parc OL, s’entraînent sur les mêmes terrains que les hommes. À ce titre, pensez-vous arriver « après la guerre » ?Ici à Lyon, je ne vois pas de différence de traitement. On est aussi bien considérés que les garçons, parce qu’il y a un président qui tient à ça. On est peut-être à part, c’est sûr. Mais je ne veux surtout pas faire d’opposition entre hommes et femmes, on n’est pas à la préhistoire du football. Au contraire, nous sommes dans un développement parallèle avec des spécificités tout aussi intéressantes et une autre façon de faire les choses. J’espère que je ne serai pas le dernier coach issu de Ligue 1 à venir entraîner une équipe féminine. Il faut aussi que d’autres femmes puissent accéder à ces fonctions. D’ailleurs, Camille Abily vient de me rejoindre dans le staff.

Pour Jean-Michel Aulas, faire appel à un entraîneur labellisé Ligue 1 est un argument de plus dans la « professionnalisation » de sa section féminine. Qu’allez-vous apporter en plus, avec cette expérience ? Le président a dit un jour que pour rester devant, il faut relancer, innover, apporter des choses neuves, toujours dans cette dynamique de progression. Aujourd’hui, il me fait confiance dans cette tâche. Mais j’arrive avec des codes du haut niveau masculin : de la vitesse, de l’intensité, un aspect tactique, une méthode… Je suis aussi un formateur (dix ans avec les équipes jeunes du PSG, N.D.L.R.) et ça a toujours été mon dada de faire progresser les joueurs, peu importe leur âge.

À quel point vous aurez besoin de vous adapter ? Y a-t-il une préparation pour réussir cette transition entre les hommes et les femmes ?J’arrive toujours avec le même principe. Je vais découvrir un club, je vais découvrir une équipe, je vais découvrir des talents. Il y a des interactions dans une équipe et il faut trouver cette alchimie. Parfois, il ne faut pas changer grand-chose, parfois il y a plus de travail. L’objectif est déjà de garder nos éléments au club, car quand vous êtes lyonnaise, vous êtes hyper sollicitée. Ensuite, on apprendra à se connaître. Mais ne vous inquiétez pas, on est là pour jouer au foot. On va construire tout ça ensemble, mais je sais dans quoi je m’engage.

Vous n’avez pas d’appréhension, notamment sur des aspects de communication ou de psychologie, qui ne sont pas les mêmes pour les garçons que pour les filles ?Si, bien sûr ! Maintenant, je ne sais pas si les caractéristiques des garçons et celles des filles sont si différentes. Parfois, il suffit d’un discours, d’un regard, d’une accolade… Il faut trouver un équilibre dans le management. À moi de me situer rapidement et de leur donner un espace de liberté dans ce cadre.

Je veux qu’on puisse jouer avec une certaine fluidité, une plasticité dans l’aspect tactique. Sur la condition physique, il faudra prendre comme modèle l’intensité qu’ont mise les Américaines.

Qu’avez-vous noté dans cette Coupe du monde ? Y a-t-il des aspects qui vous inspirent ?Je veux qu’on puisse jouer avec une certaine fluidité, une plasticité dans l’aspect tactique. Sur la condition physique, il faudra prendre comme modèle l’intensité qu’ont mise les Américaines. Je vais essayer de m’imprégner de tout ce que j’ai pu voir pendant cette Coupe du monde et on mènera un projet pour aller au bout.

Ça bouge à tous les étages lors de cette intersaison à l’OL. Chez les garçons, Juninho et Sylvinho sont arrivés, avec la volonté d’ouvrir un nouveau cycle. Pensez-vous pouvoir échanger avec le nouveau staff de la section masculine ?Le président a décidé de réorganiser les staffs pour insuffler une nouvelle dynamique. Un nouvel organigramme a été mis en place. Chez les filles, il a donné pour mission à Gérard Houllier d’apporter son expertise footballistique. Après, il y aura forcément une passerelle qui se fera entre les deux équipes. Déjà, physiquement, parce qu’il n’y a plus qu’un terrain synthétique qui sépare celui des filles de celui des garçons. Il y aura certainement de la transversalité dans la convivialité et dans le travail. Sylvinho arrive lui aussi avec une approche différente et c’est toujours intéressant d’apprendre des autres. Je n’hésiterai pas à me rapprocher de lui et de Juninho pour partager.

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