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Jean Louchet : « J’ai mis un coup de poing à Thiago Silva »
Il y a un an, Jean Louchet ne comptait encore aucune apparition dans le monde professionnel. À 27 piges, le gardien de but a trouvé sa place à Valenciennes, après une résurrection du côté des Herbiers. Relancé par la sélection UNFP l’été dernier, il rêve en grand et se verrait bien emmener VA en finale de la Coupe de France. Entretien.
Bonjour Jean. Tu t’apprêtes à disputer une demi-finale de Coupe de France, la deuxième dans l’histoire de Valenciennes. Qu’est-ce que ça fait ?
Cela fait très très longtemps, plus de 50 ans, que Valenciennes n’a pas atteint le dernier carré. J’aime bien dire que c’est une belle parenthèse dans cette saison compliquée pour VA. On a conscience que cela n’effacera pas du tout notre championnat, même s’il reste encore des matchs à jouer. Mais donner de la joie aux supporters et voir qu’en ville, on parle beaucoup de notre épopée en Coupe, c’est génial.
Valenciennes n’a jusque-là affronté qu’un seul club professionnel, le Paris FC. En demi-finales, ce sera l’Olympique lyonnais au Groupama Stadium. Comment appréhendes-tu ce match ?
On est impatients d’aller jouer dans ce stade, même si on aurait kiffé jouer chez nous avec la ferveur de nos supporters. Jouer au Groupama Stadium en demies, c’est tout de même une sacrée chance. Lors d’un match de Coupe de France, tout peut se passer : qui nous aurait dit que l’on serait en demi-finales de la Coupe en étant derniers de Ligue 2 ? On est à un match de la finale et ça fait rêver ! Lyon, c’est un immense club et ce sera très très compliqué, mais si on y va battu, autant ne pas y aller !
Que représente la Coupe de France pour toi ?
La Coupe de France, c’est un mélange d’émotions. C’est totalement différent du championnat : on sent la ferveur, l’attente de toute une ville, il y a de la magie autour de la Coupe. On est en demies avec le statut du petit Poucet et on voit qu’il y a un engouement sans précédent. Dans cette compétition, on a souvent tendance à aimer le plus petit club, alors ça nous pousse. On sera peut-être ceux qui feront descendre le club, mais on sera au moins cités pour être le groupe qui est allé en demi-finales, voire plus, qui sait…
Tu faisais d’ailleurs partie de l’effectif des Herbiers qui a disputé la finale en 2018 contre le Paris Saint-Germain. Quel souvenir en gardes-tu ?
Même si je n’avais pas pu participer à l’édition 2018 (il était numéro 2 en championnat et pas dans le groupe lors des matchs de Coupe, NDLR), on avait un sacré groupe, et avec de très bons gardiens ! Les Herbiers ont été un beau tremplin pour tout le monde, notamment pour les gardiens de but. Maintenant, être dans la lumière et jouer, c’est ce que l’on cherche lorsque l’on joue au football !
Peut-on dire que c’est le foot amateur qui t’a véritablement lancé ?
J’ai un parcours atypique et semé d’embûches ! Après mon passage au PSG et au Stade de Reims, j’avais seulement connu le monde professionnel et j’arrive aux Herbiers dans le foot amateur (National 2). Ça m’a bien remis les idées en place, tout en démontrant que dans le football, tout va très vite ! Enchaîner les matchs pendant trois saisons en N2, ça m’a permis de prendre confiance en moi, de pouvoir me juger sur la continuité, et de voir les points à améliorer. J’ai retenu une chose : recevoir la confiance d’un club joue beaucoup sur tes performances.
Quels souvenirs as-tu de ton passage au Paris Saint-Germain, ton club formateur ?
J’ai kiffé de signer au PSG en tant que stagiaire, malgré une blessure lors de ma première saison. C’est mon club de cœur, et j’ai pu côtoyer de grands joueurs. Je me souviens encore des séances de frappes avec les pros… Leur finition, c’était incroyable. Pour la petite anecdote, lors de mon deuxième entraînement, j’ai mis un coup de poing à Thiago Silva. Ça s’est passé sur une sortie aérienne… J’avoue que j’étais peu fier de cette bévue. On avait tellement de chance de s’entraîner avec ces stars-là. Quand tu serres la main à Di María, Ibrahimović… Les côtoyer et voir comment ils s’entraînent au quotidien, ça motive. Et on se rend compte que les stars font partie des personnes les plus humbles et les plus gentilles.
Le PSG ne te conserve pas, le Stade de Reims non plus. À cette époque, ton rêve de devenir professionnel prend du plomb dans l’aile, non ?
Mentalement, ça a été dur ! À ce moment-là, je doute et je me renferme sur moi-même, car l’ego a été touché. J’ai beaucoup appris de cette période. Mais il y a une chose qui ne m’a jamais quitté : la confiance en moi. J’ai toujours su que je possédais certaines qualités et que je pouvais apporter des choses à une équipe. Quand je rejoins Les Herbiers en National 2, j’ai l’impression de changer de monde : petite ville, foot amateur, il fallait s’y faire ! Là-bas, je suis reparti de zéro. J’étais dos au mur et j’avais conscience que ce club était ma dernière chance. Je me suis entouré d’un préparateur mental, qui m’a donné énormément de billes pour inverser la tendance. Cette personne m’aide toujours et ça fait du bien, dommage que ce soit tabou dans ce milieu, car ça a été le début de mon renouveau. Et derrière, je signe mon premier contrat professionnel à 24 ans avec les Chamois niortais.
Tu es arrivé à Valenciennes l’été dernier après un stage avec la sélection UNFP. Raconte-nous comment ça s’est fait.
Je suis laissé libre par Niort, après deux saisons et cinq apparitions en pro. Le club descend en National et je me retrouve libre. Je pars faire le stage d’été avec la sélection UNFP pour six semaines. Je pensais que c’était un stage pour les joueurs sans clubs, peu bénéfique, mais ça a été l’une des meilleures décisions de ma vie. Au bout de trois semaines, je reçois un appel du coach des gardiens de but de VA, Damien Perquis. Il me propose de rejoindre l’équipe en préparation aux Pays-Bas pour me tester. Tout se passe bien, et on me propose un contrat. Je signe en tant que numéro 2, et pourtant, je commence la saison. J’en prends quatre puis trois sur les deux premiers matchs, avant d’enchaîner quatre clean sheets. Derrière, les dirigeants n’ont plus cherché à recruter de numéro 1.
Valenciennes est lanterne rouge de Ligue 2. Comment vis-tu ta première saison en tant que titulaire ?
Déjà, quand on est dans la peau du gardien, c’est différent. Le gardien de but se concentre un peu plus sur lui-même, et il est moins tributaire des joueurs. Dans ces périodes-là, je me concentre au maximum sur moi pour aider l’équipe à retrouver de bonnes bases. J’avoue que cela fait toujours mal d’être le dernier et de prendre beaucoup de buts. Dire que les résultats ne nous affectent pas, c’est faux, mais c’est la vie d’un sportif. On cherche sans cesse à corriger le tir.
Le 18 février dernier, un joueur pro évoluant en réserve aurait asséné des coups à un supporter. Quelle est l’atmosphère au sein du groupe ?
Le groupe est solidaire et vit bien, il manque juste des résultats positifs ! Dans ces moments difficiles, on voit la personnalité de chacun, et cela forge pour la suite. Pour l’altercation, j’ai évidemment appris ça… Nous ne sommes pas au courant de tous les faits, c’est compliqué de parler d’un sujet comme ça, il y a une enquête en cours, et on verra ce qu’il en est. Forcément, cela nous touche tous.
Tes récentes prestations font de toi le joueur préféré des supporters de Valenciennes. Es-tu au courant qu’il y a eu une rupture de stock de tes maillots à la boutique du club ?
Oui, je l’ai appris. (Il sourit.) C’est agréable d’entendre ça, malgré ce contexte difficile. Tant mieux que ça se passe à peu près bien pour moi. Et si ça plaît aux supporters, je suis le premier heureux. Cette équipe m’a tout donné cette année, alors j’essaye de performer sur le terrain, car j’adore ce club et le foot. Je le répète, mais avoir quelqu’un qui croit en toi et pouvoir enchaîner les matchs, ça aide !
C’est un sacré parcours pour un mec qui a commencé à taper la balle dans le fond de son jardin. Grave ! J’ai démarré le foot vers 10 ans. Toute cette histoire part des parties de ballon avec mon frère dans le jardin. Il avait besoin de quelqu’un pour arrêter ses tirs, alors je suis allé au but. On y a passé des heures tous les deux, et j’ai adoré arrêter les frappes. Je faisais du tennis en club, mais le foot m’a conquis. Mon père était aussi le coach de l’équipe du village, j’allais jouer avec eux de temps en temps. Puis, j’ai pris ma première licence en club à Beauvais.
As-tu eu des modèles qui t’ont influencé ?
J’adore Hugo Lloris, je le trouve incroyable ! Celui qui a pour moi révolutionné le poste de gardien et dont j’essaye de m’inspirer en toute modestie, c’est Manuel Neuer. Ce qu’il a fait en 2014… Wow ! Ses sorties, son jeu au pied… Le gardien qui joue haut, aide son équipe et relance proprement au pied, c’est un style que j’aime.
Qu’est-ce qu’il faut te souhaiter pour la suite ?
Aller chercher cette finale de Coupe de France, c’est un rêve ! Sinon, j’aimerais réussir à maintenir le club de Valenciennes en L2, ce serait la plus belle chose qui puisse arriver. Après, il me reste un an de contrat avec cette équipe, donc j’espère que je serai présent la saison prochaine.
Propos recueillis par Jean-Baptiste Chanet