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Jean-Charles Verdalle : « Je suis supporter du FC Nantes avant d'être speaker »

Propos recueillis par Jérémie Baron, à Nantes
© FC Nantes
© FC Nantes

Depuis sa prise de fonction en tant que speaker du FC Nantes en août 2018, Jean-Charles Verdalle n'a raté aucun match à la Beaujoire. Ce jeudi dans son jardin, il tiendra de nouveau le micro pour la plus grosse affiche qu'il a connue jusqu'ici : un choc européen contre la Juventus.

En tant que Nantais, quelle est ta relation intime avec la Beaujoire ?

Je suis né en 1984, année de l’inauguration du stade. J’y suis allé la première fois avec mon frère, parce qu’il avait fait la préformation au FC Nantes dans les années 1980, avec Stéphane Ziani et Nicolas Ouédec notamment. Ils sont assez copains d’ailleurs. Il a arrêté vers ses 16 ans, ensuite il a joué en équipe militaire. Mon père m’emmenait, je venais avec mes potes voir les matchs de Nantes. Lors de la remontée face à Sedan (en 2013), j’étais en tribune Loire. Je suis un supporter du FC Nantes avant d’avoir ce rôle de speaker.

Ton recrutement en tant que speaker s’est fait un peu au hasard…

Totalement. Mon meilleur ami me tague en 2018, sur Facebook, sous un article de 20 Minutes racontant que Yannick Bigaud raccrochait après 40 ans de bons et loyaux services. Je connaissais une personne au club, à qui j’avais demandé le contact pour candidater. J’ai fait un entretien de recrutement, puis un casting le 21 juin 2018, et j’ai été pris une semaine après. Rien ne me prédisposait à faire ça, je me pince à chaque fois : je suis là, privilégié, j’ai la chance de côtoyer des joueurs, on a quand même vécu des trucs de dingue dans tous les sens du terme… C’est un rêve de gamin. Enfin, je n’aurais pas rêvé de faire ça en tant que gamin, mais c’est un rêve de pouvoir être là.

Le jour de ton casting, tu t’es retrouvé à chanter l’hymne de la Beaujoire a cappella…

Ils m’avaient donné des textes à répéter, et je devais lancer l’hymne, sauf que la bande-son n’est pas partie. Comme j’ai un côté un peu foufou et beaucoup d’autodérision, je me suis à chanter l’hymne, que je connais par cœur. Je ne sais pas si ça a joué sur leur décision, mais j’ai vu dans leurs regards qu’ils se sont dit : « OK, lui, il est fou. »

L’animation, c’est déjà quelque chose que tu faisais en dehors.

Je fais de l’animation d’évènements, oui. Le club cherchait quelqu’un pour faire le speaker, mais aussi animer les différentes soirées des partenaires, etc. Aujourd’hui, les clubs attendent que la personne qui tient le micro puisse aussi bien animer qu’interviewer.

Comment succède-t-on à quelqu’un qui a tenu le micro pendant 41 ans ?

C’est très dur : pour moi qui viens au stade, il a toujours été là, c’est le seul speaker que j’ai connu ! Quand on jouait à la PlayStation avec mes potes et qu’on marquait des buts, on faisait comme lui ! C’est dur d’arriver et de ne pas vouloir faire comme lui. Yannick m’a donné de précieux conseils quand j’ai été choisi, je l’ai appelé et on a longuement échangé. Il m’a rassuré, et c’était cool d’avoir une sorte d’approbation de sa part. J’ai aussi pris des conseils auprès de Fabrice Mauro de l’OGC Nice et Joffrey Dassonville de l’Olympique lyonnais. Ils m’ont tous dit la même chose : ne réinvente pas tout, au fur et à mesure tu vas prendre tes marques, le club va te laisser un peu plus de liberté et tu vas trouver ton style.

Je dormais très mal les veilles de match, pendant les deux ou trois premiers mois.

Il y avait du stress, avant de prendre le micro la première fois ?

Je dormais très mal les veilles de match, pendant les deux ou trois premiers mois. Toujours le même rêve, dans lequel je n’arrivais pas à me réveiller, j’arrivais en retard et quelqu’un avait pris ma place. C’était très particulier. Premier match : 11 août 2018, Nantes-Monaco, 33 000 personnes… J’aurais préféré commencer avec un Nantes-Dijon à 10 000. (Rires.) Je n’avais jamais parlé devant autant de personnes. Je me souviendrai toujours de cette première compo, avec Rongier capitaine, où tout le monde reprend… Les supporters savaient que ce n’était plus Yannick Bigaud, ils savaient que ça allait être quelqu’un de nouveau et j’ai senti qu’ils étaient patients. Ça m’a vachement mis en confiance. L’adrénaline est toujours là, à chaque match, pendant la minute avant de prendre la parole. Une fois que les premiers mots sont sortis, ça s’évapore. Si vous me regardez avant de prendre le micro, je fais les cent pas, je parle tout seul parce que je répète ce que je vais dire.

Yannick avait ce cri strident, qu’il faisait à chaque fois avant d’annoncer le nom du buteur. Tu l’as trouvée, toi, ta signature ?

Oui, je l’ai trouvée, même si je ne suis pas le seul à le faire : lorsque je répète le prénom du buteur pour la troisième fois, je découpe les syllabes et les supporters reprennent tous en chœur. Mais quand Ganago a marqué contre Qarabağ à la 90+4, je ne l’ai même pas fait, j’ai dû crier « Ganago » six, sept ou huit fois, c’était tellement d’émotion. Ça va dépendre aussi du moment dans le match. Quand Vahid Halilhodžić était l’entraîneur, on bat Toulouse 4-0 puis Guingamp 5-0, et au bout du quatrième but, tu te demandes ce que tu peux bien faire.

C’est dur à annoncer, un but adverse ?

Quand il n’y a pas photo, comme en Ligue Europa contre Fribourg (0-4), bon… Surtout que c’est un club allemand et qu’il n’y avait donc pas trop de supporters visiteurs dans le stade. Un match comme Marseille, par contre, c’est très compliqué. Quand Marseille marque, il y a la moitié du stade qui se lève, qui est contente… Ça te fait encore plus chier. Ça peut être aussi le cas contre Lyon, ou avec des villes assez proches comme Rennes, Angers ou Lorient. C’est vrai que je prends toujours une voix de Calimero pour annoncer ces buts. Quelqu’un qui m’entend annoncer un but adverse, il sait tout de suite que je suis pour Nantes.

Comment as-tu vécu la période du Covid ?

Les speakers ont l’obligation d’être là, même pour les matchs à huis clos. Et c’est très particulier. Tu as un côté très privilégié, mais c’est triste. En plus, la saison du Covid n’a pas été une saison très réussie pour Nantes, donc on a eu très peu de buts à annoncer. C’était très dur : autant tu n’as pas forcément besoin d’un speaker, autant tu as besoin de supporters. Surtout pour les joueurs. Un match à huis clos, même si tu gagnes 4-0, ça n’est pas amusant : tu n’as pas d’ambiance, tu n’as rien.

Tu t’inspires d’autres speakers ?

Beaucoup m’ont dit qu’il fallait que je fasse comme le speaker de Naples. Mais c’est une culture qui est totalement différente en Italie, d’autant plus à Naples. Par contre, quand je regarde un match, je suis forcément un peu plus attentif, surtout que Prime Video met beaucoup en avant les speakers, on entend les compositions d’équipe. Je pense notamment au speaker de Lens qui est un ancien capo, c’est génial ce qu’il fait. J’aimerais bien rencontrer tous les autres speakers pour savoir comment eux travaillent. Il faudrait demander à la Ligue de faire ça.

Surtout que c’est un rôle spécial, il n’y a pas de formation pour ça…

Il y a beaucoup de supporters qui me demandent quelles études il faut faire pour être speaker, mais il n’y en a pas ! Il faut être à l’aise pour parler en public, mais ça, on ne l’a pas forcément à 16 ou 17 ans, tu peux ne l’avoir qu’à 25. Après, ça s’apprend sur le tas, tu cales ta voix, tu fais avec les aléas du direct, il faut avoir une bonne capacité d’improvisation. Et puis savoir rester à sa place, et doser : pendant un match, je vis les actions à fond, mais si tu es trop supporter, il faut aller en tribune. Le plus beau rôle dans les stades, si on met les joueurs de côté, ce sont les supporters. Surtout à Nantes.

Le jour de la finale, j’ai fait un lapsus lorsque j’ai pris la parole, en disant “Stade de la Beaujoire”  au lieu de “Stade de France”. L’émotion, le stress, et tous ces supporters…

Quelques mois après tes débuts en tant que speaker, il y a eu le drame Emiliano Sala. Comment as-tu traversé ce moment et le match contre Saint-Étienne ?

C’est horrible. Tu es peiné, peiné de voir les gens peinés, peiné parce que c’était un garçon incroyablement gentil, qui en plus réalisait une saison dingue. Là, il faut vraiment savoir rester à sa place. L’hommage, il appartient au club et aux supporters en premier. Je ne souhaite à aucun speaker de vivre le décès d’un joueur, à Nantes en plus on en a vécu deux, avec l’Hermine (club de Pro B en basket) qui avait également perdu un joueur quelques jours plus tôt (Jermaine Marshall).

Tu le connaissais bien, Emiliano ?

Je l’avais interviewé plusieurs fois, c’était toujours quelqu’un de gentil, qui prenait le temps. Assez discret malgré tout, mais il ne disait jamais non à un selfie ou un autographe, il avait toujours le mot juste pour les gens, était toujours reconnaissant. Et c’était un guerrier.

Tu étais aussi au Stade de France en mai dernier, pour la finale de Coupe de France contre Nice…

Les speakers de chaque équipe étaient là. C’était la première fois qu’on se voyait en vrai, avec Fabrice. C’était un moment plutôt sympa partagé avec lui, qui m’avait beaucoup aidé. On est arrivé à midi, on a fait des tests pour la cérémonie, et au fur et à mesure que le stade se remplit, 80 000 personnes, tu te dis « est-ce que je vais en être capable ? » J’ai même fait un lapsus lorsque j’ai pris la parole en disant « Stade de la Beaujoire » au lieu de « Stade de France ». L’émotion, le stress, et tous ces supporters… C’était dingue. Fabrice m’avait dit : « Tu vas voir, nos supporters ont prévu un tifo », mais quand il a vu le nôtre, il a compris qu’on ne jouait pas dans la même cour. (Rires.)

Tu étais également au micro le lendemain pour les célébrations du titre ?

J’étais sur le car place Foch : ça devait durer trois quarts d’heure, ça a duré trois heures. Donc là tu meubles, la première heure passe assez vite avec l’euphorie, l’hymne, tu fais scander le nom des joueurs, mais au fur et à mesure, j’ai usé tout mon carnet de blagues. (Rires.) Quand les joueurs sont arrivés, c’était la communion : Randal (Kolo Muani) avait fait le show, Ludo (Blas) aussi avec la coupe, même le coach Kombouaré avait lancé un « qui ne saute pas n’est pas nantais »… C’était génial.

J’ai passé des moments privilégiés avec Randal, il a même joué au foot avec mon grand fils. Je garde les vidéos bien au chaud, parce que ça vaudra de l’or plus tard.

Tu as des souvenirs marquants avec Randal Kolo Muani ?

J’ai passé des moments privilégiés avec lui, il a même joué au foot avec mon grand fils. Je garde les vidéos bien au chaud, parce que ça vaudra de l’or plus tard. Je lui souhaite de gagner plein de trophées, c’est un gars en or. J’ai même échangé avec lui pendant la Coupe du monde. Je lui ai dit : « Ne change jamais, reste comme tu es. »

Tu te souviens du but le plus émouvant que tu as annoncé à la Beaujoire ?

Je dirais le but de Pallois face à Rennes la saison dernière. Ça chambrait, après… Ça, c’est génial.

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Tu changes tes habitudes, en Coupe d’Europe ?

Mes habitudes ne changent pas, mais il y a une version Coupe d’Europe, avec des mots différents, un traducteur pour les supporters adverses, un protocole qui n’est pas du tout le même. Sinon, ça reste la même chose dans la compo, dans mes mots, dans la manière de célébrer les buts. C’est juste qu’on est regardé par un peu plus de personnes. Pour les noms des joueurs de Qarabağ et de l’Olympiakos, je m’étais entraîné, j’avais révisé.

Comment as-tu préparé ce match retour face à la Juve ?

J’ai commencé à le travailler quand j’ai eu les éléments du match, deux ou trois jours avant. J’ai vraiment envie de profiter, c’est la Juve. Pour Nantes, ça représente tout un tas de choses : j’étais en colonie à Boussay au moment de la demi-finale en 1995-1996… Il y a un côté revival assez sympa. Si je m’attends à vivre la meilleure ambiance depuis que je suis là ? Je ne sais pas, contre l’Olympiakos pour le retour de la Coupe d’Europe, c’était fort.

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Propos recueillis par Jérémie Baron, à Nantes

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