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Ismaïla Sarr, ou le retour des Pinault

Par Régis Delanoë
Ismaïla Sarr, ou le retour des Pinault

Plus de trente millions dépensés sur le marché des transferts cet été, dont 17 pour le seul Ismaïla Sarr : mais nom d’une pipe, ne serait-on pas en train d’assister au retour d’un Stade Rennais ambitieux ? C’est en tout cas la première fois depuis 17 ans et l’épisode Severino Lucas que les Pinault se montrent aussi présents et concernés par leur club.

Un propriétaire de club qui accueille en personne sa recrue-phare de l’été. Qui assiste aux séances de préparation de la saison. Qui accorde quelques mots à la presse régionale. Ailleurs, c’est peut-être banal. Mais pas à Rennes. Dans cette ville étudiante, si bouillante en période scolaire, si morne en été, c’est comme si l’actionnaire exclusif de son club de foot s’ennuyait lui aussi ces temps-ci, et qu’au détour de ses rêveries il s’était soudain souvenu qu’il y a près de vingt ans déjà, il y avait investi contre la promesse d’en faire un grand du football français. François Pinault – car c’est de lui qu’il s’agit – avait alors bel et bien suscité l’espoir du peuple rouge et noir en finançant des infrastructures de top niveau, se révélant en ambitieux bâtisseur. Sauf que les résidents de ce nouvel ensemble stade rénové/centre d’entraînement flambant neuf avaient déçu le propriétaire des lieux : malgré des sommes folles investies notamment à l’été 2000 dans les Lucas, les Turdo, les Fabiano, les Vander et toute la clique, jamais le Stade Rennais n’avait pu rêver de titre ni même accrocher le podium.

Plus de cinquante millions claqués pour rien ou presque. Vexé que, pour une fois, son business plan ne fonctionne pas comme prévu, lassé d’un sport qui ne le passionne pas plus que ça, le père Pinault s’était désengagé en jurant qu’on ne l’y reprendrait plus. Son argent, il préférait depuis le dépenser en toiles et sculptures. Le club de foot, il le léguait au fiston François-Henri, lui collant aux basques le sévère Pierre Dreossi pour tenir une stricte comptabilité. Le résultat ? Une équipe qui ne craint plus pour son maintien mais ne fait rêver personne, pas même ses supporters, lassés eux aussi de saisons sans relief qui s’enchaînent. Depuis 2000, il n’y a eu à signaler que de rares matchs européens, une courte parenthèse enthousiasmante sous Bölöni, un podium manqué de justesse, trois finales perdues au Stade de France. Trop peu à signaler jusqu’à cet été 2017 et la signature contre 17 millions d’euros d’un jeune joueur très prometteur de 19 ans. François Pinault, enfin, se fait moins discret et valide la deuxième indemnité record du club, après les 21 millions investis dans Severino Lucas.

Dépenser l’argent amassé ces dernières années

Le 26 juillet, donc, l’homme d’affaires de 80 ans était là pour serrer la main du nouvel arrivant, éphémère joueur messin arraché à prix d’or face à une concurrence nombreuse (entre autres Barcelone, Dortmund, Newcastle, Marseille, Lille ou Leipzig). Il s’autorisa même un petit commentaire rapporté par Ouest France suite à cette arrivée de Sarr en Bretagne, précédée de celles de Maouassa, de Bourigeaud, de Traoré, de Tell et de Brandon. « Il y a eu de bons recrutements, je crois, cet été, a-t-il analysé.Empiler des joueurs moyens ne sert à rien. Il faut avoir de très bons joueurs, et en quantité suffisante. Une fois que l’on a dit cela, ce n’est pas si simple… Il faut aussi un peu de sagesse, d’expérience. Mais il vaut mieux la folie de la jeunesse en excès que des joueurs installés dans le confort. » Au total, c’est environ 33 millions d’euros qui auraient été investis par les Rennais lors de ce mercato.

Ce n’est d’ailleurs peut-être pas fini avec quelques rumeurs de renforts qui reviennent dans l’actu. On parle toujours d’un intérêt pour De Préville, pour Cabot, mais aussi pour Aréola au cas où Christian Gourcuff souhaiterait finalement privilégier la solution externe pour remplacer Costil dans les buts. Avant même que ne soit complètement achevée cette intersaison, il semble de toute façon que le Stade Rennais dispose déjà d’un effectif bien plus cohérent et séduisant que dans un passé récent. Notamment par rapport à la dernière saison : un peu moins pléthorique, mieux équilibré, plus jeune et prometteur, comme l’a indiqué Pinault. S’il s’est parfois débarrassé plus qu’il n’a vendu les éléments dont il ne voulait plus, il n’a plus forcément besoin, cette fois, d’opérer de plus-values. Il a assez « tanké » ces dernières saisons pour se le permettre, récupérant chaque fois de sommes rondelettes – sans les dépenser complètement – des départs de Dembélé, de Ntep, de Grosicki, de Doucouré ou de Bakayoko (en attendant Diakhaby qui doit filer à Monaco contre une indemnité estimée à dix millions d’euros).

Dans le deuxième panier, celui des outsiders

Qu’on se le dise : Pinault père et fils semblent avoir estimé nécessaires de mieux s’impliquer que par le passé, avec plus de présence humaine et plus d’efforts financiers consentis. On se croirait presque sur un remakedu début des années 2000, avec un casting identique au générique : les Pinault en argentiers, Ruello à la présidence et Gourcuff (Señor) sur le banc. Un entraîneur qui a donc eu droit à une seconde chance à Rennes et qui peut essayer de s’y imposer pour une seconde saison de suite, là où sa direction avait fait preuve de moins de patience la première fois. Mieux, il semble bénéficier de plus de confort de travail par rapport à certains de ses confrères, avec aucune véritable exigence de classement réclamée (du moins publiquement) par ses patrons. Son objectif revendiqué : disputer « une saison avec des émotions positives » , a-t-il annoncé dans les colonnes du Télégramme.

Provoquer de l’enthousiasme, rendre le Stade Rennais plaisant, donner du plaisir durant les matchs même à ceux qui ne sont pas fans du club : louable défi quand on sait que le club breton a davantage été moqué et critiqué que salué ces dernières années. Le récent match amical de préparation contre Lille (2-4, avec une belle ouverture du score signée… Sarr) a permis de confirmer que, loin d’être encore totalement performante sur 90 minutes, cette formation apporte déjà de jolies promesses de jeu. Alors, pourquoi ne pas s’amuser dans cette L1 relevée comme jamais ? A priori, elle dispose de moyens suffisants pour jouer dans la cour desoutsiders aux côtés de Lille, Bordeaux, Saint-Étienne voire de Nantes, son meilleur ennemi. Au moins, la saison à venir s’annonce plus palpitante qu’une exposition d’art contemporain.

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