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ISL : l’amour dure trois ans ?
Moins clinquante que les deux premières années, la superligue indienne est dans le flou, payant son manque de légitimité sportive et sa faible politique de formation.
Petit évènement du côté de l’Indian Super League (ISL) cette saison. Pour la première fois, Apoula Edel n’a pas soulevé le trophée. L’ex-portier du PSG, véritable star en Inde, avait mené l’Atlético de Kolkata et le Chennaiyin FC au sacre en 2014 et 2015. Cette fois, il n’a même pas atteint les playoffs avec le Pune City FC. La fin du totem d’invincibilité pour lui, et celui d’immunité pour l’ISL. Pour sa troisième édition, le tournoi privé entre huit franchises s’est déroulé dans une atmosphère étrange et soulève toujours de nombreuses questions quant à sa capacité à faire progresser le foot en Inde.
Cette année, beaucoup ont pointé une baisse du spectacle. Moins de buts (145 contre 186 l’an passé), une affluence en baisse (21 000 spectateurs, soit 6 000 de moins comparé à 2015) et un jeu stéréotypé fait de longs ballons balancés vers les attaquants. On peut leur opposer qu’une diminution du nombre de buts n’est pas forcément un mauvais signe, que les chiffres de l’affluence sont tronqués – l’Atlético de Kolkata, qui tournait à 50 000 spectateurs de moyenne, a déménagé dans une enceinte de 12 000 places, son stade étant en travaux –, et que la qualité de jeu reste dans les tons de l’an dernier. Les stars ont des noms moins ronflants qu’en 2014, mais donnent satisfaction. Quand une légende comme Del Piero errait tristement sur le terrain, Florent Malouda (élu meilleur joueur du tournoi), Diego Forlán ou Hélder Postiga tirent leurs équipes vers le haut avec des belles perfs.
Aucune légitimité sportive
En réalité, les problèmes se situent en dehors du terrain. L’ISL a été totalement ringardisée par la performance historique du Bengaluru FC (BFC). Le dernier vainqueur de l’I-League, le championnat domestique vieillissant, mais reconnu par la FIFA, a atteint mi-novembre la finale de l’AFC Cup, l’équivalent de la Ligue Europa asiatique. Une première pour un club indien. Le BFC, fondé il y a trois ans, a mis en évidence deux failles de l’ISL : l’absence de légitimité sportive et la trop lente structuration des franchises.
Lié par un contrat de quinze ans avec la Fédération, IMG et Reliance, promoteurs de l’ISL, ont toujours eu en tête de faire de leur ligue le championnat majeur du pays, celui qui permet d’accéder aux compétitions continentales. Mais les discussions pour fusionner l’I-League et l’ISL tâtonnent depuis un an. Une feuille de route a été donnée, mais personne ne sait quand (2017 ou 2018 ?) ni comment (nombre de clubs, ligue fermée ou non, avec ou sans play-offs, nombre de joueurs étrangers autorisés…) cette fusion se déroulera, laissant le foot indien dans une profonde incertitude. Trois clubs de Goa ont refusé de participer à l’I-League 2017 pour protester contre cet avenir couronnant l’ISL comme l’élément central de leur sport. La Fédération a donc lancé un appel à candidatures pour prendre part à l’I-League… sans garantir à ces nouveaux clubs une place dans l’élite une fois la fusion réalisée.
Pas de centres de formation
Cet incroyable bazar pourrait paraître secondaire si les franchises tenaient toutes leurs promesses sur le plan de la formation, élément crucial pour faire progresser le foot en Inde. L’entraîneur des Kerala Blasters, Steve Coppell, a lancé quelques scuds en conférence de presse, fin novembre : « Est-ce que le but de l’ISL est de faire progresser les joueurs ou de laisser une trace ? Je ne sais pas. L’ISL a la responsabilité de former ces jeunes, mais il y a pour l’instant peu d’équipements. » La ligue a lancé son centre de formation en mode Clairefontaine et plusieurs équipes ont développé des programmes sensibilisant les jeunes au football. Mais aucune franchise, à part Pune, ne dispose d’un réel centre de formation. Alors que durant le même laps de temps, le Bengaluru FC s’équipait d’une académie toute neuve, renforçant sa stature de leader du foot indien.
Manque de volonté ou manque de cash ? Position attentiste avant d’investir une fois la fusion réalisée ? Difficile à dire, tant les investisseurs (stars de Bollywood ou du cricket ainsi que des entreprises solides) restent flous sur les comptes de leur équipe et sur leur stratégie. Au bout de sa troisième saison, l’ISL peut se targuer d’avoir secoué le foot indien, sans toutefois avoir fait avancer réellement les choses. La fédé et les journalistes préfèrent en tartiner des tonnes sur la prochaine Coupe du monde U-17, qui se déroulera en Inde, une première pour une compétition FIFA. Ce sera du 6 au 28 octobre 2017. Exactement pendant l’ISL, saison 4, qui sera privée de plusieurs stades. Un problème de plus pour la superligue.
Par Guillaume Vénétitay