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  • Les pépites de « Football Manager » dans la vraie vie

Isaac Okoronkwo, super désert eagle

Par Antoine Donnarieix
Isaac Okoronkwo, super désert eagle

Dans un univers parallèle issu de Football Manager, ils ont été des cracks : buteur industriel, muraille infranchissable, artiste ultra-créatif... La réalité a été moins tendre pour eux. Dans cette funeste caste, l’heure est venue de rendre un hommage aussi gonflé que son torse au stoppeur issu de Championship Manager saison 2001-2002 : Isaac Okoronkwo.

« Si vous demandez à la majeure partie des Nigérians où se situe Nbene, la plupart ne sauront pas vous le dire. C’est un petit village perdu dans l’ouest du pays. Quand vous venez de là-bas, vous n’êtes clairement pas issu des classes huppées et du monde moderne. » Au moment de décrire le lieu de naissance d’Isaac Okoronkwo, Colin Udoh ne passe pas par quatre chemins. Basé aux États-Unis, ce journaliste nigérian pour ESPN garde un souvenir encore frais du footballeur définitivement parti à l’assaut du Vieux Continent en 1998. « Isaac a effectué son dernier passage dans le championnat du Nigeria à l’Iwuanyanwu Nationale FC (aujourd’hui Heartland FC, N.D.L.R) avant de partir au Sheriff Tiraspol. Au Nigeria, tout le monde plaçait de grandes attentes en lui pour devenir l’un des futurs cadres de l’équipe nationale. Malheureusement, je crois qu’il n’a jamais vraiment été porté par la chance durant sa carrière. » Pas grave : le virtuel s’est chargé de lui dresser un tout autre portrait.

Pour les amateurs de tactique au début des années 2000, Championship Manager 2001-2002 était le jeu à posséder de toute urgence sur son ordinateur. Dès lors, deux écoles s’offraient au néo-entraîneur : soit démarrer avec une équipe monstrueuse sur le papier comme l’AS Rome, l’Internazionale ou Arsenal et éviter de cogiter des heures pour gagner ses matchs, soit récupérer une équipe lambda sans un budget démentiel. Dans ce deuxième cas de figure, la période du mercato estival dès la première saison devient essentielle pour dénicher les bonnes affaires. L’une d’entre elles conduit vers le Shakhtar Donetsk, vainqueur de trois coupes d’Ukraine en 1995, 1997 et 2001, mais aussi qualifié pour le tour préliminaire de la Ligue des champions. Dans cette équipe, deux Nigérians sortent du lot : le polyvalent attaquant Julius Aghahowa et Isaac Okoronkwo.

Orange mécanique

Entre les deux profils, Okoronkwo reste la plus grande inconnue du public malgré des capacités ahurissantes pour son jeune âge : 20 en endurance, 19 en force, 19 en vitesse, 17 en accélération, 17 en courage et 17 en flair, le tout à 23 ans. Évidemment, ses facultés sont amenées à être travaillées durant la partie pour bâtir une armoire à glace capable de tout bloquer sur son passage. Fidèle soldat ultra discipliné au sein du bloc défensif, Okoronkwo reste disponible pour tout entraîneur capable d’aligner 1,5 million d’euros – autant dire une broutille – pour acquérir ses services. Une fois titulaire dans votre équipe, son travail en défense (n’importe quel poste !) impressionne en matière de constance et son niveau devient vite stratosphérique. Sur le plan virtuel, personne ne peut stopper l’ascension d’Isaac Okoronkwo vers le succès.

Et dans la réalité ? Comme beaucoup de monde le sait, le Shakhtar va s’ériger en référence nationale à partir de cette fameuse saison 2001-2002. Les Mineurs soulèvent leur tout premier titre de champion d’Ukraine, au nez et à la barbe du célèbre Dynamo Kiev, vainqueur des neuf éditions précédentes. Mieux encore : le club termine la saison avec vingt victoires, six matchs nuls, zéro défaite et… dix buts encaissés. Derrière ce trophée symbolique, onze autres sacres nationaux suivent pour le Shakhtar Donetsk, désormais perçu comme le club ukrainien le plus performant des années 2000 et 2010. Cependant, ce fameux titre de 2002 reste le seul obtenu par Okoronkwo à l’échelle européenne. Titulaire dans l’équipe nationale du Nigeria au Mondial 2002 au Japon et en Corée du Sud, il arrive en fin de contrat à l’issue de la saison 2002-2003, bouclée en tant que vice-champion derrière le Dynamo Kiev. De quoi susciter l’intérêt du Borussia Mönchengladbach, Schalke 04 et Wolverhampton, fraîchement promu en Premier League.

Sinama-Pongolle : « Isaac avait un buste très carré »

Même si la proposition de contrat ne prévoit qu’une seule année chez les Wolves, le bonhomme fait preuve d’ambition et se décide à tâter les pelouses d’outre-Manche. Mais manque de pot : sa condition physique est rapidement jugée insatisfaisante par Dave Jones, manager du club depuis 2001. Malgré les résultats décevants de l’équipe avec seulement deux points récupérés sur les sept premières journées de championnat, Okoronkwo ne rentre même pas dans l’effectif concocté à chaque match par Jones. De plus en plus inconnu au bataillon, le natif de Nbene va disparaître des radars pendant huit mois. Une éternité, au terme de laquelle le stoppeur refait surface contre Manchester City en avril 2004 (3-3). Les Wolves sont alors derniers du championnat avec cinq petites victoires au compteur. Cependant, le retour d’Okoronkwo va offrir à l’équipe la meilleure dynamique de sa saison avec deux victoires, trois matchs nuls et deux défaites sur les sept dernières journées. Hélas, cette fin de saison reste anecdotique pour l’intéressé, condamné à voir son club descendre et son contrat prendre fin.

À la suite de ce périple anglais douloureux dans sa globalité, Okoronkwo peine à retrouver un club. Il finit par trouver un terrain d’entente avec l’obscur Spartak Alania Vladikavkaz en 2005. D’abord remplaçant, Okoronkwo trouve ensuite sa place dans le onze avant de faire les frais des difficultés financières du club russe, relégué en deuxième division après quinze saisons au plus haut niveau… Malgré cette nouvelle tuile, Okoronkwo ne se laisse pas abattre et intègre un club apte à évoluer en Premier-Liga : le FC Moscou. En 2006, son statut d’indéboulonnable lui vaut d’être élu meilleur joueur du club par les supporters. Grâce à ses performances en Russie, Okoronkwo retrouve une stabilité à laquelle il n’avait plus goûté depuis longtemps. Transféré au FK Rostov en 2010 après de bons et loyaux services, le Nigérian va ainsi croiser la route de Florent Sinama-Pongolle en 2012. « C’était un mec serein et éduqué, se souvient l’ancien attaquant désormais consultant. Quand je l’ai rencontré pour la première fois, j’ai tout de suite senti qu’il était défenseur. Isaac avait un buste très carré, ça l’empêchait de se déplacer rapidement. Mais j’ai le souvenir qu’il pouvait jouer à tous les postes de la défense. »

Rasta, chicha et conquêtes russes

Bilingue et taulier de vestiaire, Okoronkwo apparaît comme un homme prêt à tendre la main. « Avec Pletikosa (ancien gardien international croate, N.D.L.R), il fait partie des deux joueurs qui m’ont aidé à m’intégrer, poursuit l’ancien international français. J’avais aussi l’avantage que ma femme soit russe, mais Isaac m’a aidé en ce qui concerne la vie de vestiaire. » Une relation naît alors et se prolonge dans des établissements où Okoronkwo s’adonne à son petit péché mignon. « Isaac n’était pas du tout un buveur, mais il aimait bien fumer la chicha, se souvient Sinama-Pongolle. En France, ce genre de pratique est mal perçu, mais en Russie, cela est beaucoup plus répandu. Là-bas, tu regardes le football avec une chicha et un plateau de fruits. Isaac, c’était son délire. Quand tu avais les grosses affiches de Ligue des champions qui passaient à la télé, on était régulièrement ensemble dans ces moments-là. »

Était-il conscient de son incroyable potentiel sur Championship Manager ? Pas du tout. À vrai dire, ce n’était pas son style. Discret et respectueux de l’autre, Okoronkwo est allé jusqu’à écrire deux lettres (l’une en russe, l’autre en anglais) afin de communiquer à toute son équipe la décision d’arrêter sa carrière sportive au cours d’un entraînement comme les autres. Une manière de remercier ses coéquipiers, mais également ce pays dont il est tombé sous le charme. Et pas simplement qu’une seule fois. « Je n’ai plus de nouvelles de lui aujourd’hui, affirme Sinama-Pongolle. Il était célibataire quand je l’ai connu, mais à mon avis il aimait bien les Russes ! (Rires.) » En 2013, le joueur de 35 ans boucle sa carrière professionnelle après trois saisons passées au FK Rostov. Coïncidence : le club remporte la Coupe de Russie l’année suivante, puis l’homme passe la bague au doigt d’une certaine Cristina, pour définitivement poser ses valises à l’Est. Non, le vrai Isaac Okoronkwo n’aura pas rempli son armoire à trophées comme cela était programmé. Malgré cela, il laisse indéniablement un doux souvenir à la Russie.

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Par Antoine Donnarieix

Propos d'Udoh et Sinama-Pongolle recueillis par AD

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