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Infantino-FIFA, le trône de fake

Par Nicolas Kssis-Martov
Infantino-FIFA, le trône de fake

Le Congrès de la FIFA, qui vient de se tenir à Paris, a donc réélu, à la soviétique, Gianni Infantino. Seul candidat à sa succession, ce qui en dit long sur l’institution, il a été finalement jugé l’unique chose qui compte vraiment aujourd’hui : l’argent.

Gianni Infantino n’était arrivé à la tête du football mondial que pour une seule et bonne raison : sauver la baraque, en fait un beau palais nommé FIFA. Il fallait un visage neuf – entendez inconnu du grand public – pour effacer la mauvaise image que Sepp Blatter et dans une moindre mesure Michel Platini avaient apposée sur les lustres de la grande multinationale du football. Il n’a donc pas été choisi pour être un visionnaire du ballon rond, un « politique » de sa diffusion, de son organisation capable d’affronter les enjeux du XXIe siècle (écologie, parité, éthique…). Il fallait quelqu’un qui resserre les boulons, assure la croissance du chiffre d’affaires et sache gérer les deux coupes du monde compliquées qui se profilaient en Russie, puis au Qatar. Dire qu’il a rempli les attentes de ses pairs s’avère donc un euphémisme. Les revenus ont grimpé de 4,6 milliards à 6,4 milliards, entre 2015 et 2018, pour ce qui demeure, rappelons-le, une organisation à but non lucratif non soumise à l’impôt en Suisse, et dans les pays où elle organise ses « shows » .

Money time

Le Mondial chez son ami Poutine a été un grand succès au regard des critères qui pèsent dans les bilans comptables : pas de hooliganisme, des sponsors ravis, des touristes dépensiers et globalement aucun gros scandale, avec un champion du monde plus que présentable : la France. Le président triomphalement intronisé ne dit pas autre chose de lui-même. Et derrière les beaux discours de circonstance sur « une nouvelle FIFA, une organisation qui, aujourd’hui, est synonyme de crédibilité, de confiance, d’intégrité » , l’essentiel doit surtout se lire ailleurs. « Nous ne devons pas avoir honte de devoir développer les recettes, c’est notre mission. » Dans ce cadre, le passage à 48 équipes en 2026 ou le lancement d’une « nouvelle Coupe du monde des clubs » en 2021 valent dépôt de garantie.

Pourtant, le nouvel empereur, à qui certains reprochent surtout de ne pas partager le gâteau du pouvoir en s’entourant de sa garde rapprochée ou en gouvernant « solitairement » , a quelques bugs dans son logiciel commercial. Il a dû retirer son projet de passer dès 2022 à la version XL du Mondial, devant la dure réalité géopolitique du Golfe et d’un Qatar plus isolé que jamais diplomatiquement. Le prix Nobel de la paix attendra encore un peu avant d’aller à Zurich (on se souviendra des rêves en la matière de Sepp Blatter autour du conflit israélo-palestinen). Ensuite, les affaires dont ils aiment affirmer qu’elles appartiennent au passé lui sont revenues en boomerang notamment pour ces liens avec un magistrat suisse mis en exergue par les Football Leaks. La suite à venir certainement…

Secrétaire général « président »

Toutefois, il faut toute la fausse naïveté – notamment sur le foot féminin qu’Infantino mépriserait – de Michel Paltini, qui lui a taillé un joli costume dans la presse juste avant le congrès, pour ne pas saisir à quel point il est l’homme de la situation dans un petit monde conservateur et les doigts bien accrochés à ses privilèges. Même, finalement, en creux, l’ancien joueur des Bleus le reconnaît : « Mais comme secrétaire général, il aurait été parfait. C’est un très bon juriste. Pour cette élection de 2016, je voulais Salman (Al-Khalifa, patron de la Confédération asiatique de football, N.D.L.R.) comme président et Infantino comme secrétaire général. » Seulement, aujourd’hui, qui se soucie encore de « représenter le football » ? Il faut juste savoir le présenter aux sponsors ou aux États qui vont recevoir ses compétitions.

Michel Platini devrait pouvoir se rassurer en se souvenant du destin de son prédécesseur à l’UEFA, Lennart Johansson, qui vient de décéder. Alors qu’il avait su parfaitement transformer le foot européen en une grosse machine à cash (instauration de la Ligue des champions, revalorisation de l’Euro, etc.), il fut éconduit par plus ambitieux, Michel Platini, soutenu par un Sepp Blatter qui lui avait barré la route en 1998 à la tête de la FIFA. Dans les hautes instances du football, tout n’est plus qu’une question de casting, et de bien savoir s’entourer. Pour l’instant, Gianni Infantino réussit le sans-faute. Il sautera quand le besoin s’en fera sentir.

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