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Il y a 40 ans, Vincenzo Paparelli était tué au Stadio Olimpico

Par Éric Maggiori
Il y a 40 ans, Vincenzo Paparelli était tué au Stadio Olimpico

Le 28 octobre 1979, Vincenzo Paparelli, un tifoso laziale de 33 ans, perdait la vie en allant assister à un derby entre la Roma et la Lazio. Retour sur un drame qui a marqué une époque.

Il s’appelait Vincenzo Paparelli. Personne, à part ses proches, n’avait entendu parler de lui avant le 28 octobre 1979. C’était un bonhomme discret, qui se contentait de plaisirs simples : passer du temps avec sa femme Wanda et ses deux jeunes fils, regarder les matchs de sa Lazio, et lustrer sa BMW de seconde main, qu’il avait entreposée dans son garage. Il avait 33 ans. Ce 28 octobre 1979, à Rome, c’était jour de derby. Vincenzo s’est donc rendu au stade avec sa femme, pour supporter son équipe. Il avait longuement hésité parce qu’il pleuvait, mais finalement, il s’était décidé. Le match n’était pas encore commencé, il était 13h30, Vincenzo venait d’acheter un panino qu’il s’apprêtait à dévorer. Et puis tout a basculé. En une fraction de seconde.

Un bruit lancinant vient alors déchirer les chants de supporters. Puis de la fumée. Du sang. De l’incompréhension. Et des hurlements. Vincenzo Paparelli vient de recevoir une fusée de détresse en plein dans le visage. Dans l’œil, très précisément. Sa femme Wanda hurle à la mort, et dans un geste d’amour et de désespoir, tente d’enlever l’objet de l’œil de son mari, se brûlant à la main. La fusée avait été tirée par un supporter de la Roma, depuis le virage opposé. Elle avait parcouru tout le terrain à une vitesse ahurissante avant d’atterrir dans le visage de Paparelli. Deux autres fusées ont également été lancées, l’une blessant, sans gravité, un tifoso laziale de 20 ans. Les secours sont intervenus, mais pour Vincenzo, il était trop tard. L’homme est décédé dans l’ambulance, dans les bras de sa femme, avant même le coup d’envoi du match.

Des milliers de personnes à l’enterrement

Dans le stade, c’est l’incrédulité. La gronde. Les acteurs du match n’ont pas encore été mis au courant du drame qui vient de se produire. Les tifosi de la Lazio appellent leurs joueurs sous la Curva pour leur expliquer, et demandent au capitaine Pino Wilson d’annuler le derby. L’imbroglio et le bordel sont totaux. La Fédé tente de temporiser, et décide finalement de maintenir la rencontre pour éviter qu’une émeute incontrôlable explose en dehors du stade. Le match se joue donc dans un climat surréel, avec une Curva laziale quasi vide. Aucun but n’est célébré, et, comme pour ne pas rajouter de l’huile sur le feu, le derby se termine sur le score de 1-1.

La nouvelle fait immédiatement le tour de l’Italie. Le président du CONI, Franco Carraro, se rend à l’hôpital Santo Spirito, où le corps de Paparelli est arrivé sans vie, et les informations ne parlent que de ça. Dans les jours qui suivent, l’indignation monte en Italie. Vincenzo Paparelli est officiellement la deuxième victime dans un stade de football, après un tifoso de la Salernitana décédé en 1963 après des affrontements avec des supporters de Potenza. Là, l’histoire fait beaucoup plus de bruit. Car Paparelli n’était pas un ultrà venu au stade pour en découdre avec les tifosi adverses. Il était un gentil père de famille qui a juste eu l’extrême malchance de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Pire : le jour du derby, Vincenzo avait emprunté la carte d’abonné de son frère Angelo, qui allait au stade tous les dimanches, mais qui préférait toujours éviter les derbys…

Des milliers de personnes assisteront à l’enterrement et suivront le convoi dans les rues de Rome. Toute l’équipe de la Lazio est là, le président Lenzini et la Primavera de la Roma aussi (l’équipe première étant en déplacement en Coupe d’Italie à… Potenza, coïncidence). Le capitaine de la Lazio, Wilson, présente ses condoléances au téléphone à la veuve Paparelli, tandis que la fondation Luciano Re Cecconi (joueur de la Lazio tué par balles quelques années auparavant) offre un million de lires à la famille. Les conséquences dans les stades sont terribles et les mesures drastiques, du moins dans les mois qui suivent : interdiction d’entrer dans le stade avec des mâts de drapeau, des tambours et même des banderoles jugées offensantes. « C’est le football en Italie qui est mort ce 28 octobre 1979 » , déclarera, bien plus tard, le fils de Paparelli, Gabriele.

La cavale de Fiorillo

Reste une interrogation : qui avait balancé ces trois fusées de détresse, dont celle qui a tué Paparelli ? Ce sont les tifosi de la Roma, eux-mêmes, qui ont pu donner le nom du coupable à la police : Giovanni Fiorillo. Il avait 18 ans, c’était « un gamin comme les autres » . Il n’avait pas fait d’études, travaillait comme peintre en bâtiment depuis plusieurs années déjà, et était à ce moment-là sans emploi. Ce jour-là, il a fait une grosse, grosse, connerie, poussé par deux potes, sans jamais imaginer les conséquences. Après l’assassinat de Paparelli, il disparaît totalement. Une cavale dans toute l’Italie, mais aussi en Suisse. Régulièrement, presque tous les jours même, il téléphone depuis une cabine au frère de Vincenzo pour lui demander de le pardonner, puis raccroche et disparaît à nouveau. Il finit par se rendre après 14 mois de clandestinité. Le procès durera des années, Fiorillo écope finalement, en 1987, d’une peine de six ans et dix mois de prison. Les deux copains qui l’avaient incité à tirer la fusée prendront quatre ans et six mois. Giovanni Fiorillo n’ira pas jusqu’au but de sa peine : il meurt le 24 mars 1993, à l’âge de 32 ans. Overdose.

Depuis, le souvenir de Paparelli est encore très fort en Italie, et surtout à Rome. Il est même l’un des points de tension très sensibles de la rivalité entre les ultràs des deux camps, certains n’hésitant pas à offenser sa mémoire avec des écrits sur les murs de Rome. Comme en 2013, après la défaite de la Roma en finale de Coupe d’Italie contre la Lazio : « Mieux vaut se prendre une Coupe en pleine face qu’une fusée dans l’œil » . Moche.

Il s’appelait Vincenzo Paparelli. Il est mort le 28 octobre 1979. Il y a quarante ans aujourd’hui, jour pour jour.

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