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Il était un soir l’Ajax

Par Maxime Brigand
Il était un soir l’Ajax

Brillant vainqueur au Bernabéu (1-4) mardi soir, l’Ajax Amsterdam d’Erik ten Hag est venu raconter mardi soir en grand ce qu’il murmure depuis plusieurs mois dans son coin : un football libre, hymne à l’expression individuelle, qui replace le club hollandais dans le sens de son histoire.

L’ouverture annonçait le pire. Il suffisait de laisser son regard se perdre sur Luka Modrić, lundi soir, et de voir le milieu croate montrer les blessures d’un Real Madrid battu à trois reprises depuis sa victoire de l’aller, à Amsterdam. « Nous sommes touchés, mais nous n’avons pas de temps pour les lamentations, tentait de rassurer le finaliste du dernier Mondial. Ce match est tout simplement vital pour notre saison. » Dans le même temps, aux Pays-Bas, un gosse de 21 ans annonçait dans son coin l’objectif du voyage qu’il s’apprêtait à entreprendre avec ses potes, au Bernabéu. Dans un entretien donné à la presse nationale, Frenkie de Jong, dont l’avenir est déjà ficelé, refusait alors de se planquer : « Gagner à Madrid serait une surprise pour le monde du football. Mais cela permettrait surtout de remettre l’Ajax sur la carte. » Puis, De Jong glissait que son futur employeur, le Barça, lui avait demandé une petite faveur : faire tout simplement tomber le Real de son perchoir de triple champion d’Europe en titre. C’est là que le scénario intervient : quatre-vingt-dix minutes à voir danser un monstre sur le Bernabéu, à le voir s’approcher du roi blessé, transpirer dans son cou et le mettre au sol avec le sourire aux lèvres. Après un nul décroché à Munich (1-1) en octobre dernier, son créateur, Erik ten Hag, l’avait qualifié d’ « insolente et audacieuse » . Mardi soir, il a décapité un tenant du titre.

Football politique et avenir

Cet Ajax-là n’a pas encore le culot de Cruyff, mais tient déjà un exploit entre les griffes : avoir réussi à exporter ses numéros nationaux sur la scène européenne. Cela avait commencé par une qualification tranquille pour les huitièmes de finale de la Ligue des champions et cela se poursuivra, dans quelques semaines, par un quart de finale, ce que le club d’Amsterdam n’a plus connu depuis 2003. Mais il raconte surtout autre chose. L’Ajax d’Erik ten Hag est un hymne à l’expression individuelle, au romantisme, à la volonté de jouer quel qu’en soit le contexte, et reçoit ce soir les fruits de son audace. Au milieu de la structure posée par un coach passé par le banc de la réserve du Bayern époque Guardiola, il faut voir Matthijs de Ligt, Nicolás Tagliafico, Frenkie de Jong, Donny van de Beek, Hakim Ziyech, David Neres et surtout Dušan Tadić poser les circuits, enchaîner les dépassements de fonctions (une base du football total), et ce, en toute liberté. C’est un football politique, le seul moyen de continuer à exister, mais c’est aussi, et surtout, l’avenir du football européen qui danse sous nos yeux.

Hommage à la virtuosité

Personne ne sait où finiront ces gars, mais ils posent un fantasme : pousser le jeu dans ses moindres limites. Et, mardi soir, au Bernabéu, ça a explosé de partout sur une scène où Tadić aura rappelé qu’il n’y a sans aucun doute rien de plus classe qu’un pied gauche lorsqu’il est utilisé de la sorte. Face au Real, le Serbe a tout simplement tout fait, d’une roulette brillante sur Casemiro avant de glisser le deuxième but des siens dans le bec de Neres à un troisième but parfait (même s’il aurait pu être annulé pour un ballon sorti au début du mouvement). Voilà pour le visible, mais Tadić a surtout étincelé dans la partie invisible de la rencontre : dans le jeu entre les lignes, les temps de passes, le déclenchement du pressing permanent d’un Ajax taillé pour de tels cols et capable de fracasser le moindre bloc. C’est notamment sur ce détail que cette équipe explose aux yeux : dans la cohérence de sa structure, sa maîtrise du rythme et la fluidité de ses mouvements. C’est du foot qui se joue presque à l’aveugle, qui se comprend par un regard et c’est frais, ça fait du bien. C’est punk, insolent, audacieux : un hommage à la virtuosité et au cool. Mais aussi à une jeunesse encadrée par des vieux sages (cf. le match de Blind). Revoilà l’Ajax sur la carte d’une Europe qui se porte toujours mieux lorsqu’un tel monstre traîne dans le coin.

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