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Il court, il court, le Féret

Par Théo Denmat et Ugo Bocchi
Il court, il court, le Féret

Où qu'il aille, il fait l'unanimité. Huit clubs, huit conquêtes. La preuve encore une fois à Caen : Julien Féret est un garçon exemplaire. Et même un peu trop parfois. Une preuve que le perfectionnisme peut aussi être un défaut ? Portrait.

Le sourire est franc, d’influence Colgate. La barbe poivre et sel est toujours bien taillée et les cheveux coiffés au gel, invariablement caractérisés par cette pointe brune qui tombe avec lassitude sur son front mat. Une chose est sûre, que ce soit sur le terrain ou pour ses attraits physiques, Julien a déjà conquis la Normandie lors de ses cinq premiers matchs sous le maillot caennais. Un but, deux passes décisives, et une prise de contrôle dans l’entrejeu rouge et bleu pour ce garçon poli, respectueux et bien sous tous rapports. Le voilà qui, contrairement à ses habitudes, s’est adapté en un temps record au jeu de Patrice Garande : « Il lui faut un temps d’adaptation, prévient Daniel, son père. Il prend ses points de repères, voit comment ça fonctionne, découvre ses coéquipiers… » Un homme de découverte à l’amitié prudente mais solide, confirmant le fait que Julien Féret est peut-être l’homme, le gendre et le fils parfait. « Il a toujours été comme ça » , précise d’entrée Frédéric Marquet, son ami d’enfance. « S’il y en a un qui n’a pas pris le melon, c’est bien lui. »

« J’aurais bien aimé être prof de maths »

C’est au calme de Saint-Brieuc, en Bretagne, que le petit Julien grandit aux côtés de son frère et de ses deux parents. Pas réellement convaincu par une année d’essai au judo, le gamin tape la balle pour la première fois pour suivre les traces de son père, ancien pensionnaire de CFA. Rapidement, le beau jeu devient un dogme. Le bonhomme cultive l’art de la bonne passe et de l’entrechat : « Ce n’est pas un physique, si vous voulez, explique son paternel. Bon, il est capable de courir 12 ou 14 km dans un match, mais ce n’est pas quelqu’un qui aime tacler, aller au contact… » Avec les copains entre deux passes lobées, il aime organiser quelques sorties au cinéma ou des soirées TV. À la maison justement, l’enfant est sérieux, plus occupé avec ses devoirs – « ce n’est pas l’intellectuel non plus, mais il avait un bon niveau. Il aimait bien les maths » – qu’avec les conflits parentaux : « Je ne crois pas qu’il ait fait de crise d’adolescence » , en rit d’ailleurs son ami Frédéric. C’est également à cette période qu’il rencontre sa future femme, épisode que Frédéric Marquet raconte avec pudeur : « Ils se sont connus très très jeunes, à 16-17 ans, période lycée. C’est aussi une Briochine. » Le sérieux, le classique, toujours, mais sans cesse accompagnés d’une petite touche de folie.

D’ailleurs, quand Rennes vient le chercher dans son petit club du Stade briochin, ses parents l’incitent à poursuivre ses études : « Il n’a jamais repiqué, je crois, il a passé son bac S et il a fait trois ans de fac de sport en consensus avec le centre de formation du Stade rennais. D’ailleurs, comme il le dit souvent : « Ssi je n’avais pas été joueur de foot, j’aurais bien aimé être prof de maths. » » Pas de bol, Rennes lui donne le goût du métier. Patrick Rampillon, directeur du centre de formation : « À ses 18 ans, on lui a offert un contrat de stagiaire de deux ans. À l’époque, on sentait déjà chez lui un plaisir de jouer. Très bon dans les duels, très bon dans l’utilisation du ballon, très bon dans la récupération, dans l’anticipation… Il puait le foot. Gourcuff puait le foot. Féret aussi. Le beau foot. » S’il se fait très discret en public, tout le staff du club l’adopte très vite. Avant de lui reprocher le défaut de ses qualités.

Golfeur d’un jour, cruciverbiste toujours

À l’époque, on raconte dans les vestiaires que le garçon « manque de caractère, de personnalité et de mental » . Patrick Rampillon ne dément pas, mais juge le bonhomme à l’aune de sa concurrence : « Lemoine, Didot, M’Vila, tout le monde ne peut pas jouer en même temps en pro ! Du coup, un certain nombre de circonstances ont fait qu’il n’a pas été gardé. » Cependant, comme le disent ses proches, « pour lui, le foot n’a jamais été une fin en soi. Son objectif, au fond, ce n’était pas de devenir pro. C’est venu comme ça. Au fil du temps. » Julien songe d’ailleurs un temps à arrêter le foot lorsqu’il apprend la nouvelle, seulement relancé par Cherbourg alors qu’il se penchait vers une carrière d’éducateur sportif. Depuis, à chaque fois, c’est la même chose. Une technique de drague à faire jalouser les serial killers, abonnés aux modus operandi répétitifs : le timide débarque sur la pointe des pieds, dévoile posément sa palette technique et repart silencieusement avec la belle de la soirée. Niort (son premier contrat pro), Reims, Nancy, Rennes (re-bonjour) et maintenant Caen peuvent en témoigner.

Alors oui, il court, le Féret. Jamais sur place, certes, mais sans songer non plus à décrocher la Lune. Voilà peut-être pourquoi, même s’il en a sûrement eu le potentiel un jour, qu’il n’a jamais porté le maillot bleu. Car entre ses grilles de mots croisés racontées par son père : « Il aime vraiment ça, si le matin il a un journal avec des mots croisés dessus, bah il les fait » , et sa deuxième vraie passion dévoilée par Frédéric Marquet : « On lui avait offert toute une série de clubs de golf pour son 32e anniversaire » , le temps lui manque pour les complications. Julien n’aime pas être déçu, rien n’égale un plaisir simple. Son meilleur ami : « Quand on se retrouve, il sort toujours une bonne bouteille de vin. On a tous les deux des enfants du même âge, il est très intéressé par nos vies, savoir comment ça se passe pour nous… On se fait des petits restos, ouais, ou des barbeucs. Simplicité, efficacité. » Comme le bonhomme. Dis-moi ce que tu manges et je te dirais ce que tu es, énonce bien le dicton…

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Par Théo Denmat et Ugo Bocchi

Tous propos recueillis par TD et UB

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