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Higuaín, le Blues à l’âme

Par Adrien Candau
Higuaín, le Blues à l’âme

Utilisé comme une vulgaire monnaie d'échange par la Juventus pour rapatrier Leonardo Bonucci, Gonzalo Higuaín vient de vivre six mois quelconques au Milan, un club qu'il quitte déjà pour rejoindre en prêt le Chelsea de Maurizio Sarri. Une trajectoire sinueuse, qui laisse une question en suspens : la carrière du numéro 9 argentin raconte-t-elle encore vraiment quelque chose ?

À l’heure d’arriver en Lombardie à l’été 2018, il avait tenté de faire bonne figure face à la meute médiatique : « C’est un beau défi pour moi après la carrière que j’ai eue. J’espère rendre la pareille. J’arrive dans un club avec une histoire immense. Quand on m’a dit pour le Milan, ça a été un motif d’orgueil. Je remercie encore le club, j’espère faire de grandes choses ici. » Six mois plus tard, à l’heure de filer à l’anglaise pour Chelsea, Gonzalo Higuaín n’a pourtant rien accompli de significatif avec l’AC Milan. Huit buts, 22 matchs joués toutes compétitions confondues et puis s’en va. Des statistiques honnêtes, qui dissimulent un bilan finalement plutôt insipide. Que retiendra le Milan du passage éclair de Pipita ? Rien. Ou alors si peu.

Neuf brouillé

Les Lombards avaient pourtant mis les moyens pour s’adjuger les services de Higuaín, cédé via un prêt d’un an de 18 millions d’euros par la Juventus, ponctué d’une option d’achat fixée à 36 briques. Un grand coup d’épée dans l’eau. À la mi-janvier, Milan, avec Pipita dans ses rangs, n’affiche pas de grands progrès dans le jeu au regard de la saison dernière, a été piteusement éliminé de la C3 et l’ancien Madrilène n’a frappé qu’à six reprises en quinze matchs de championnat. La faute, pourtant, n’en revient probablement pas entièrement à l’avant-centre argentin, qui n’avait sans doute rien demandé à la Juventus. La Vieille Dame l’a refourgué sans faire de sentiments à un Milan convalescent cet été, lui qui avait pourtant planté plus de 50 buts en deux saisons, remporté deux Scudetti, deux Coupes d’Italie et disputé une finale de C1 sous les rayures noires et blanches.

Ronaldo, plus médiatique, et tout simplement plus virtuose que l’ancien de River, a chassé Gonzalo du trône qu’il occupait à la pointe de l’attaque turinoise. La loi du marché et de la compétitivité sportive. L’histoire a peut-être un drôle de sens de l’humour, car Higuaín n’avait lui non plus pas fait de sentiments à l’heure de quitter le Napoli pour une Juve qui lui offrait plus de garanties sur les plans sportif et financier. Voilà désormais Gonzalo envoyé en prêt de six mois en Angleterre, pour combler les carences de Chelsea au poste d’attaquant de pointe. Il laisse ainsi le Diavolo orphelin de celui qui s’apparentait à la plus grande star de l’effectif. Un transfert par ailleurs assorti d’une option pour un prêt payant d’une année de plus contre 18 millions d’euros, à laquelle s’ajoute une autre option d’achat de 36 millions d’euros supplémentaires.

Les fantômes de Naples

Comme à Turin, l’Argentin laisse à Milan une désagréable sensation d’inachevé. Avant son aventure dépassionnée en Lombardie et son histoire avortée avec la Juventus, Gonzalo a pourtant goûté au feu du San Paolo, celui qui vous réchauffe les tripes, vous excite les nerfs et le cœur et vous permet de vous hisser au sommet de votre art. Higuaín et Naples, c’était l’histoire d’une symbiose, d’une apogée où Pipita a laissé de côté ses complexes européens (15 pions en 24 matchs de C1 et C3), battu le record historique de buts sur une saison de Serie A (36 en 35 matchs lors de l’exercice 2015-2016) et incarné une certaine idée du romantisme à la napolitaine, en endossant l’habit d’idole des tifosi partenopei. C’est là que réside sans doute le plus grand drame de sa carrière : à Naples, Gonzalo Higuaín aurait peut-être pu devenir un héros au statut inattaquable. Voire une icône éternelle et intemporelle.

En partant pour Turin, il s’est pourtant condamné à ne devenir qu’un joueur de haut niveau parmi d’autres. Dont on peut disposer selon les aléas du marché, comme l’a fait la Juve cet été. Et qui peut profiter de ce même marché pour filer de Milan, si les choses ne vont pas dans le sens du vent, comme en ce moment. Chez les Blues, il retrouvera au moins Maurizio Sarri, le dernier fil conducteur d’une destinée sportive qui semble manquer de cohérence depuis un bon bout de temps. Là, il pourra peut-être enfin ranimer le feu sacré qui semble l’avoir abandonné depuis quelques mois. À 31 ans, l’Argentin sait que le temps lui est compté pour happer un dernier sursaut épique. Et peut-être remettre du sens dans une fin de carrière qui semble emprunter un chemin dangereusement instable.

Par Adrien Candau

Tous propos issus de la Gazzetta dello Sport

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