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Habemus Pape

Par Maxime Brigand
Habemus Pape

Alors qu’il avait dans un premier temps signé un pré-contrat avec Watford, Pape Gueye, 21 ans et une quarantaine de matchs de Ligue 2 dans les pattes, a finalement décidé de s’engager avec l’Olympique de Marseille. Pour l’OM, cette affaire a tout d’un joli coup.

C’était emballé, pesé et prêt à être dégusté. Il y a six mois, à l’heure où Paul Le Guen décidait de lui serrer le brassard de capitaine du HAC autour du biceps, Pape Gueye refusait de s’offrir un été à blablater. En fin de contrat avec son club formateur, le jeune milieu récupérateur, considéré depuis un paquet d’années comme l’un des plus gros potentiels de la Cavée verte, signait alors un pré-contrat pour aller agiter ses grands compas à Watford, dès cet été. Quatre mois plus tard, le club anglais fanfaronnait même : Gueye était à lui, et le joueur de 21 ans pouvait s’afficher avec un sourire et un contrat de cinq ans entre les mains. Puis patatras. Début juin, un communiqué est envoyé à L’Équipe, dans lequel le natif de Montreuil, qui facture une quarantaine de matchs de Ligue 2, confirme son départ du HAC, mais avoue aussi avoir perdu le smile. Extrait : « Pour moi, l’avenir est encore incertain. Mon tort est d’avoir fait confiance à une personne qui m’a mal conseillé. Je mets en garde mes collègues sur les abus dont ils pourraient faire l’objet concernant les signatures de contrat. Je ne suis pas le premier et je ne serai malheureusement pas le dernier. J’ai voulu dénoncer les circonstances qui ont entouré la signature d’un contrat avec Watford et ce que je considère être des irrégularités directement auprès de leurs représentants. Après de nombreuses discussions, je constate en plus à ce jour qu’aucune démarche administrative me concernant n’a été réellement entreprise. En conséquence, et en considérant que le contrat n’a pas encore pris effet, je prends acte de la fin de tout lien contractuel avec le club de Watford. » Étrange.

Un mois plus tard, voilà la fin du feuilleton : quinze ans après l’arrivée de Ribéry, qui avait lui aussi décidé de casser en deux son contrat avec un club (Galatasaray) pour rejoindre l’OM, Pape Gueye a atterri à Marseille mardi et a été officialisé mercredi en fin d’après-midi. Si la bataille juridique ne fait certainement que commencer – Watford ayant dû faire notifier par huissier l’absence de Gueye au club mardi –, l’avenir sportif du bonhomme s’éclaircit désormais, et sur ce point, il n’y a aucun débat : l’OM vient de frapper un gros coup en raflant la promesse sous le nez d’une pile de courtisans (Angers, Nantes, Rennes notamment). Comment ? En lui proposant simplement une rampe de lancement parfaite : l’assurance de devenir rapidement titulaire dans un club qualifié pour la prochaine Ligue des champions. Oswald Tanchot, l’homme qui a lancé Pape Gueye chez les pros au HAC en mai 2017, peut souffler pour son ancien élément : « Il existe plusieurs types de garçons, et lui fait partie de ceux qui, lorsqu’ils entrent dans une équipe, n’en sortent plus. Dès qu’on a trouvé le bon moyen de le lancer, on savait ce qu’il se passerait ensuite et on a bossé pour lui permettre d’élargir son registre. Il était programmé pour aller en haut parce qu’il a tout : il a le talent, il est bosseur, il est respectueux du cadre, il a un réel amour du foot et c’est un garçon adorable. » Quoi d’autre ? Pape Gueye a tout ce que l’on peut attendre d’un milieu de terrain moderne. Bingo, donc.

Gros nombre de cartes dans son jeu

C’est exactement ce qu’il se raconte aujourd’hui et c’est aussi l’avis d’André Villas-Boas, qui s’est entretenu avec le joueur par téléphone il y a quelque temps et qui se verrait bien faire de Gueye l’une des trois têtes de son milieu. Un milieu qui devrait connaître quelques changements cet été, puisque l’OM chercherait à se séparer de Strootman, pourrait être tenté de récupérer un beau chèque avec Morgan Sanson et pourrait craquer en cas d’offre juteuse pour Boubacar Kamara. Seul Valentin Rongier a finalement l’assurance de repartir la saison prochaine et vient de voir arriver à ses côtés un jeune joueur avec qui il pourrait parfaitement s’entendre techniquement. Régulateur ? Casseur de lignes ? Récupérateur ? Pape Gueye emprunte tous les registres et a crevé l’écran cette saison dans le 4-4-2 de Paul Le Guen, si bien que le coach normand a fait du milieu le joueur de champ le plus utilisé de son effectif. « Le défi, maintenant, pour lui, va être d’être plus marquant, estime Tanchot. Il a une très bonne frappe, marque un paquet de buts à l’entraînement dans les jeux réduits, mais peine à chiffrer ça en match (aucun but, deux passes décisives jusqu’ici en carrière, N.D.L.R.). S’il ajoute ça, ça peut devenir le joueur très complet que l’on attend qu’il devienne. » Il a déjà un bon nombre de cartes dans son jeu.

Premièrement : Pape Gueye a un pied gauche rare, avec lequel il peut absolument tout faire et « trouver tous les angles ». Sur ces deux séquences, on peut voir sa capacité à varier les transmissions, à jouer dans la profondeur ou trouver l’opposé.

Tanchot reprend : « Ça, il l’a toujours eu, parce qu’il a toujours eu ce don pour mettre le bon rythme dans ses passes. Le problème, c’est qu’il ne le faisait pas toujours à bon escient et je trouve que c’est principalement sur ce point qu’il a progressé l’année dernière : il a gagné en agressivité dans le dernier tiers adverse et dans le jeu vertical. Avant, il était très sécurisé dans son jeu. » Trop ? Oui, mais cela s’explique par ses années passées en sentinelle chez les jeunes ou en défense centrale, où on lui demandait avant tout d’équilibrer ses équipes et de ne pas trop abuser des courses à haute intensité.

Sertic ou Nasri, il faut choisir

Avec Paul Le Guen, Pape Gueye a franchi un nouveau cap et gagné en élégance balle au pied tout en se moquant des courtisans qui lui couraient après. Interrogé en septembre dernier après un début de saison canon, il avait balayé froidement : « Les rumeurs ne m’intéressent pas. » Gueye préfère jouer que parler et n’hésite désormais plus à foutre le bordel entre les lignes adverses grâce à « une qualité de dribbles de dégagement supérieure à la moyenne », estime Tanchot, mais aussi deux passes clés en moyenne lâchées par match. « Il y a quelques années, il avait quelques soucis de motricité et d’autres d’orientation de son corps sur certaines situations, poursuit le coach. Là, il s’est étoffé physiquement et peut faire profiter de sa gestuelle, de sa technique déliée… » Pape Gueye a également progressé dans son impact au pressing. Preuve parfaite avec sa passe décisive pour Tino Kadewere, à Troyes, en début de saison.

Alors que l’ESTAC cherche à sortir proprement le ballon, Pape Gueye surgit et empêche son adversaire direct de se retourner. Il intercepte, et Kadewere n’a plus qu’à finir.

Serré par deux Grenoblois, Pape Gueye s’en sort grâce à sa puissance et sa gestion des espaces.

Si le chemin du mètre quatre-vingt-sept semble tracé, il peut encore progresser dans sa capacité à varier et dicter le rythme des rencontres. Il ne faut pas oublier qu’on parle d’un type de 21 ans, qui n’a qu’un petit morceau de match pro dans les pattes et qui vient de subir une pression médiatique féroce. Un jeune prince qui vient surtout de récupérer un numéro – le 22 – aux destins multiples. Grégory Sertic ou Samir Nasri ? À lui de choisir.

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