- Ligue 2
- J7
- Grenoble-QRM
GF38 : défense d’entrer
Solide cinquième de Ligue 2, le Grenoble Foot 38 affiche une statistique clinquante dans ce début de saison 2023-2024. En six journées de championnat, le club isérois n’a toujours pas encaissé le moindre but. Au-delà de ce bon bilan comptable du GF38 depuis la reprise, d’où vient cet art de bien défendre à Grenoble ?
En Ligue 2 comme ailleurs, les records sont faits pour être battus. La saison dernière, Le Havre est devenu pour la sixième fois champion, un record dans la division. Ce titre, obtenu notamment grâce à un travail défensif exceptionnel avec 21 clean sheets en 38 journées, a validé la montée des Hacmen dans l’élite lors de l’ultime journée. Du côté du Grenoble Foot 38, un premier record en la matière est en passe d’être battu grâce à un début de saison 2023-2024 sous le signe de l’hermétisme : une victoire 1-0 à Saint-Étienne puis un autre succès 2-0 à domicile contre le Paris FC, avant d’enchaîner quatre 0-0 contre Troyes, Auxerre, Bastia et Dunkerque. Au total, cela fait six journées sans concéder de but, un démarrage aussi solide que le FC Chambly lors de la saison 2019-2020. Et si la meilleure attaque en Isère, c’était la défense ?
« Nous minimisons les erreurs »
Entourés par les Alpes, les Grenoblois se sont forgé une réputation d’équipe difficile à percer en L2. Depuis leur retour dans le championnat, le nombre de clean sheets ne cesse d’augmenter saison après saison : 9 en 2018-2019, 10 en 2019-2020 (malgré la pandémie de coronavirus), 11 en 2020-2021, 13 en 2021-2022 et 15 en 2022-2023. Peu à peu, le Stade des Alpes s’est transformé en une forteresse, et les hommes de Vincent Hognon parviennent désormais à exporter ce modèle à l’extérieur. « Cette solidité défensive, je l’explique par notre travail collectif, analyse Brice Maubleu, gardien de but et capitaine du GF38. Adrien Monfray, Momo Diarra, Gäetan Paquiez, Mathys Tourraine, Arial Mendy… Tout le monde est à féliciter, même les milieux et les attaquants qui font les efforts. Quand je repousse un ballon, mes partenaires sont là pour m’aider à écarter le danger. Si nous parlons des tirs cadrés, seul Caen en a concédé moins que nous depuis le début du championnat (11 contre 14 pour le GF38, NDLR). Nous sommes une équipe solide, mais cela ne signifie pas que nous jouons pour faire 0-0. »
Matchs de préparation estivale inclus, Grenoble n’a concédé qu’un but depuis la reprise. Cela remonte au 15 juillet dernier lors d’une victoire à l’Étrat contre l’ASSE (2-1), une performance répétée lors de la première journée à Geoffroy-Guichard. « Nous minimisons les erreurs, poursuit Maubleu. Depuis le début du championnat, je note un penalty concédé contre Sainté et une perte de balle dangereuse d’Adrien contre Paris où je dois remporter un face-à-face ensuite. Le fait d’avoir stoppé un penalty ou d’être parfois aidé par son poteau, cela engendre automatiquement un gain de confiance. De l’autre côté, l’adversaire se met aussi à douter quand il voit que nous n’avons toujours pas pris de but. Mais il faut rester conscient : à un moment, le but contre nous va arriver. Peut-être même deux ou trois dans le même match, on ne sait pas… » Toujours est-il que Maubleu reste modeste. En neuf saisons sous le maillot grenoblois, le natif de Saint-Martin-d’Hères a ainsi réalisé 40,9% de clean sheets. Mieux encore : le portier est conseillé au sein du staff par son aîné Fred Gueguen, toujours détenteur du record de clean sheets consécutifs en D2 (8 matchs et 753 minutes d’invincibilité avec Châteauroux en 1996-1997, NDLR). Dès lors, faut-il en conclure que la défense est un savoir-faire grenoblois ?
Rugby et hockey en fers de lance
Terre de sports d’hiver, Grenoble cumule également les équipes en sports collectifs. En football, le GF38 reste historiquement affilié à la Ligue 2 avec quatorze saisons disputées dans l’antichambre depuis 1997. Dans les faits, le FC Grenoble, champion de France de rugby en 1954, et les Brûleurs de Loups, huit fois champion de France en hockey sur glace, font office de vitrine du sport isérois. Et au moment de batailler pour un ballon ovale ou un palet, l’importance de la défense et de l’engagement physique règnent en maîtres. « Avec une défense bien en place sans palet, tu peux préparer tes séquences offensives avec palet, dévoile Sacha Treille, actuel capitaine des BDL, international français et fils de Philippe Treille, meilleur buteur de l’histoire du club. Notre sport se base sur la contre-attaque rapide : dès qu’une offensive adverse est neutralisée, l’équipe peut profiter du fait que l’adversaire soit désorganisé pour aller marquer des buts. En équipe de France, nous sommes également habitués à jouer avec ce système tactique. Plus longtemps nous tenons le 0-0, plus l’équipe en face va se mettre à douter. »
De là à établir un lien de cause à effet sociologique sur le style de jeu déployé par le GF38 ? « C’est un sujet profond et la réponse n’est pas évidente à première vue, mais oui, cela fait sens, considère Treille. L’esprit isérois, c’est celui du guerrier prêt à lutter et ne jamais abandonner. » Maubleu poursuit : « C’est possible que cette approche soit ancrée dans nos caractères de façon psychologique. À Grenoble, les hivers sont rudes et les étés sont chauds, il faut savoir être prêt à dompter les éléments. Maintenant, la formation du GF38 n’est pas spécifiquement axée là-dessus. Mais c’est assez parlant, car le Grenoblois d’origine qui a fait la meilleure carrière dans le foot professionnel, c’est Olivier Giroud. Et Giroud, tout le monde connaît son parcours : c’est un combattant, il n’a jamais rien lâché. » Aux dernières nouvelles, le GF38 n’est pas encore champion du monde, mais il sait visiblement où puiser son identité.
Par Antoine Donnarieix
Tous propos recueillis par AD.