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Grégoire Amiot : « Lenglet, c’était la force tranquille »

Propos recueillis par Mathieu Rollinger
Grégoire Amiot : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Lenglet, c’était la force tranquille<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Il y a dix ans, Grégoire Amiot formait la charnière centrale des Bleuets avec Clément Lenglet. Aujourd'hui, il vient de s'installer à Falkenberg et dans son club de D1 suédoise. En attendant de trouver un plan pour regarder Suède-France ce samedi, le défenseur évoque son parcours, entre les couloirs de la Beaujoire, ses heures de LV1 anglais et les randonnées autour de Bourg-en-Bresse.

Grégoire, ça fait à peine une semaine que tu es en Suède, mais j’imagine qu’on t’a déjà parlé du match de samedi. Franchement, ce match a très peu d’écho ici. On en a parlé rapidement ce matin dans le vestiaire avec mes coéquipiers, ça chambrait un petit peu. Mais sinon, à Falkenberg, je ne sens pas d’effervescence particulière.

À Solna, les Bleus comptent dans leurs rangs Clément Lenglet, Adrien Rabiot, Anthony Martial et Mike Maignan. Quatre joueurs avec qui tu évoluais en sélection jeunes…Parmi ceux-là, il n’y a qu’avec Clément que j’ai gardé contact. C’est un super mec, très disponible. Les autres, si on se croise, on peut se dire bonjour et discuter, mais rien de plus. Ils ont leur vie et je suppose qu’ils sont occupés en ce moment. À l’époque, ces mecs étaient tous au-dessus du lot, avec un talent indéniable. Tu le vois tout de suite.

On jouait côte à côte avec Clément Lenglet. Deux défenseurs centraux gauchers associés, c’est très rare chez les jeunes. On alternait : une fois je prenais l’axe droit, l’autre l’axe gauche.

Quand tu as seize ans et que tu es en sélection nationale, tu fais directement le distinguo entre ceux qui sont destinés au très haut niveau et les autres qui devront cravacher pour y arriver ?Oui, oui. Tu peux deviner qui va exploser. Mais s’ils en sont là aujourd’hui, ce n’est pas un hasard. Ils ont trouvé les ressources mentales, fait les choix et les sacrifices qu’il fallait. En U18, Rabiot commençait à jouer avec les pros du PSG et il était au-dessus. Martial, tu lui filais le ballon, il faisait toujours la différence. Maignan, ça a toujours été un leader, un fort caractère et une grosse présence. Lenglet, lui, c’était la force tranquille, le mec tout le temps bon et qui a passé les étapes les unes après les autres. Nancy, Séville, Barça, équipe de France : difficile de faire plus linéaire.

Tu es aussi un défenseur central gaucher, comme Clément Lenglet. Vous étiez donc en concurrence ?Les quelques matchs que l’on a joués ensemble, on les a joués côte à côte. Deux défenseurs centraux gauchers associés, c’est très rare chez les jeunes. On alternait : une fois je prenais l’axe droit, l’autre l’axe gauche.

Toi, tu étais en formation à Toulouse. Quel est ton parcours jeune ?Je suis vendéen, donc j’ai joué aux Herbiers jusqu’en benjamin. Comme je n’étais pas trop mauvais, le club d’à côté, Cholet, m’a dit de venir. À ce moment, il y avait mon cousin qui était entraîneur-joueur là-bas : Charles Devineau, qui a joué la Ligue des champions avec le FC Nantes en 2001-2002. En parallèle, j’ai intégré le pôle espoir à Nantes, puis j’ai été pisté par Toulouse. Ça s’est enchaîné comme ça.

Gamin, quels étaient tes clubs de cœur ?J’ai toujours suivi le Barça. Et Nantes, forcément. C’était le club phare de la région, et mon cousin y jouait. Quand j’étais petit, j’allais à la Beaujoire. J’ai pu rencontrer les joueurs comme Savinaud, Da Rocha, Quint, Moldovan, Landreau, Yepes, Cetto… J’avais des étoiles dans les yeux.

Pourquoi n’as-tu pas pu percer au Téfécé ?J’ai franchi les étapes tranquillement, jusqu’à être bien placé pour signer pro. Malheureusement, je me suis pété la cheville au mauvais moment. J’étais un peu dans le dur quand je suis revenu, et Toulouse m’a proposé de rester avec un contrat amateur. En 2015, le Stade de Reims m’a contacté pour jouer avec la réserve, avec la possibilité de s’entraîner avec les pros, avec un an pour faire ses preuves. C’est David Guion qui coachait la réserve. Il m’a demandé si je me sentais de me mettre en danger, parce qu’à Toulouse, j’étais bien, dans le sud, avec mes potes. J’ai dit oui et l’année suivante, j’ai signé pro. Sauf que le club est redescendu cette année-là en Ligue 2…

Reims est aujourd’hui européen, avec David Guion à sa tête. Comment juges-tu la progression de ce club ?C’est une sacrée marche en avant. Déjà, remonter en Ligue 1 et s’y installer, ce n’est pas simple. Et puis retrouver la Coupe d’Europe, c’est fort. Ils ont été un peu chanceux avec l’arrêt du championnat, mais il fallait faire le taf. Reims, ça reste un club historique. Après, je n’ai plus trop de potes là-bas : Rémi Oudin est à Bordeaux, Hassan Kamara est à Nice, Édouard Mendy est à Rennes, Weber et Charbonnier avaient signé à Brest. Je ne connais plus personne là-bas, à part le coach.

Tu quittes la Marne avant eux, à l’été 2017. Pourquoi ne pas avoir prolongé cette aventure ?J’étais en fin de contrat, il y a eu des embrouilles, des histoires avec des agents, etc. Donc je n’ai pas prolongé. Je rejoins donc Bourg-Péronnas, où on prend je ne sais plus combien de pions dans l’année (87, soit 19 buts de plus que la 2e pire défense, N.D.L.R.). On descend en National, alors que Reims est promu. C’est compliqué de descendre avec des clubs qui sont fragiles comme ça. Mais j’ai pu enchaîner les matchs et rencontrer des gens bien. J’en garde de super souvenirs. La région était top, j’allais me balader dans le Jura, faire des randos dans les Alpes, bouger à Lyon ou au lac Léman.

En 2019, tu pars à l’étranger. À quel moment arrive le déclic pour franchir le pas ?Je suis en fin de contrat, il y a l’arrivée d’un nouveau coach, Karim Mokeddem, qui venait avec ses joueurs de La Duchère. Le club m’a fait comprendre cordialement qu’on ne comptait plus sur moi. Et c’est là que j’ai mis le cap sur les Pays-Bas, au Fortuna Sittard.

Ok, mais comment un club de bas de tableau en Eredivisie arrive à repérer et à convaincre un joueur français de le rejoindre pour relancer sa carrière ?Ils avaient besoin d’un défenseur central gaucher, et il n’y en a pas beaucoup sur le marché. Je pense qu’ils m’ont trouvé grâce à des bases de données, iScout ou des agents qui ont soufflé mon nom. Le directeur sportif du Fortuna m’avait déjà appelé en janvier, parce que son défenseur central s’était fait les croisés. On était le 30 janvier, moi, je ne pouvais pas aller en Hollande comme ça. Et quand mon contrat à Bourg s’est achevé en juin, je les ai rappelés.

À quoi ressemble cette première expérience à l’étranger ?

J’arrive dans une petit ville des Pays-Bas à côté de Maastricht. Le Fortuna Sittard, c’est un club historique d’Eredivisie, notamment dans les années 1990 (où jouait un certain Mark van Bommel, N.D.L.R.) et qui a fait ensuite faillite. Mais ils sont remontés en première division en 2018 et se sont maintenus l’année avant mon arrivée. Aujourd’hui, c’est un club qui a tout pour le haut niveau, avec un petit stade de 15000 places avec une belle ambiance. Je n’ai joué que dix matchs dans l’année, mais à chaque fois contre les plus gros. L’Ajax, le PSV, le Feyenoord, c’est assez énorme. En venant aux Pays-Bas, j’avais refait un pas en avant.

Contre l’Ajax, on a deux-trois occases chaudes, on joue au sol, on relance de derrière et on rentre au vestiaire à 0-0. Ils ont dû se faire secouer à la mi-temps, parce que derrière on a pris 5-0.

Qui avais-tu pris au marquage contre l’Ajax ?Au coup d’envoi, c’était Dušan Tadić et David Neres. En seconde, c’était Huntelaar. La grosse équipe. Il n’y avait que Ziyech qui n’était pas là, parce que blessé. En première mi-temps, on a eu deux-trois occasions chaudes, on joue au sol, on relance de derrière et on rentre au vestiaire à 0-0. Ils ont dû se faire secouer à la mi-temps, parce que derrière on a pris 5-0.

Au niveau de l’intégration, tout s’est bien passé aux Pays-Bas ?Dans l’équipe, on devait être quinze étrangers. Tout se fait en anglais, il n’y a pas la barrière de la langue, tu découvres plein de cultures différentes. Pour un Français, je parle bien. Je dis bien « pour un Français » , parce que quand tu vas à l’étranger, tu comprends rapidement qu’on a des progrès à faire.

Comme beaucoup de Français, tu as sûrement appris l’anglais au collège avec Mme Laffont en 6e B. Elles te viennent d’où, ces facilités ? J’ai appris au collège, mais j’étais en classe internationale. Donc au lieu d’avoir deux heures d’anglais, j’en avais six. J’ai plutôt bon, et j’ai toujours aimé ça. Mais quand tu discutes avec des Belges, des Néerlandais, des Allemands et des Suédois, tu entends qu’ils sont bien meilleurs que nous. En plus, les Français se trimbalent une image de mecs qui n’essayent pas de parler anglais.

Toi qui aimes la randonnée, tu as dû être un peu déçu aux Pays-Bas…C’est vrai que je suis un mec de la nature. J’ai fait le GR20 en Corse — un truc de fou —, des balades dans les Alpes, etc. J’ai vraiment pris goût à la montagne à Bourg-en-Bresse. Maintenant, dès que je peux couper du foot, je coupe. Et en arrivant à Sittard, je me suis dit : « Mais putain comment je vais faire ? » Mais j’ai découvert le mode de vie à la hollandaise, c’est-à-dire tout à vélo. Et c’est plutôt cool.

Tu as visiblement pris goût au vélo, puisque pendant tes vacances, tu as fait la Vélodyssée, une des classiques du cyclotourisme. Oui, c’est vrai ! Le coronavirus a remis pas mal de choses en question. Puisque la saison s’est arrêtée tôt, j’avais besoin d’un challenge un peu sportif. Donc je suis parti tout seul d’Hendaye, un pote m’a rejoint pour trois-quatre jours, et je suis remonté jusque chez moi en Vendée, en longeant la côte Atlantique. Huit cents kilomètres, j’ai mis dix jours, en s’arrêtant la nuit dans les auberges, ou je plantais la tente. J’aurais aimé aller jusqu’à Roscoff (en Bretagne), mais ça m’aurait pris trois semaines, donc compliqué.

Comment se fait-il que tu sois aujourd’hui prêté à Falkenbergs, jusqu’au 31 décembre prochain ?Tout simplement parce que j’ai fait une saison à dix matchs l’an dernier, même si j’ai fait des bons matchs. Un nouveau coach est arrivé (Kevin Hofland), et le discours n’était pas très clair. Il y a beaucoup de joueurs qui sont arrivés, grâce à l’apport de nouveaux investisseurs. Ma première idée, c’était de rester et de me battre pour ma place. Mais le vent avait tourné pour moi et j’ai préféré bouger que cirer le banc. Puis il y a eu ce contact en Suède, une bonne opportunité pour jouer et découvrir quelque chose. Et pourquoi pas revenir plus fort aux Pays-Bas en janvier.

Ton nouveau club est actuellement lanterne rouge d’Allsvenskan. Tu ne t’es pas mis dans une galère ?C’est une belle mission ! Je suis en prêt ici, avec une option d’achat en cas de maintien. Moi, je n’ai pas d’agent, mais il y en un qui m’appelé un lundi, alors que le marché des transferts se fermait le mardi soir. On s’est rapidement mis d’accord sur les aspects sportifs, sur les détails financiers, et en 24 heures, c’était bouclé. Le feeling a été bon. Ils m’ont dit : « On n’est pas le meilleur club de Suède, mais si tu viens, on va très bien s’occuper de toi, chez nous tout le monde est important. » C’est un peu la mentalité suédoise, en fait.

Ok, il y a beaucoup de blonds, mais la Suède est un pays où il y a beaucoup de diversité. Dans mon équipe, il y a un Irakien, un Kurde, un Iranien, des Albanais…

C’est quoi, la mentalité suédoise ?Déjà, j’ai pu mesurer leur sens de l’accueil. Tu arrives seul, sans ta famille, et on te met tout de suite à l’aise. En une semaine, ils m’ont trouvé une maison de fou. Ici, le mot « familial » prend vraiment son sens. Les joueurs sont hyper bienveillants, curieux à propos de la France ou de mon parcours.

Il n’y a pas que des grands blonds et froids au premier abord ?Franchement, non. OK, il y a beaucoup de blonds, mais c’est un pays où il y a beaucoup de diversité. Dans mon équipe, il y a un Irakien, un Kurde, un Iranien, des Albanais… C’est un pays, de ce que j’ai lu, qui n’est pas si communautaire que ça et qui sait accueillir les réfugiés.

En revanche, le stade de ton club porte le nom d’une bière sans alcool. Ça ne t’a pas refroidi ?(Rires.) La Falcon Non-Alcoholic Arena, ouais ! Je t’avoue que je ne l’ai jamais goûtée, cette bière, donc je ne sais pas ce que ça donne. En tout cas, ça sera sans supporters. Mais on va compenser par l’esprit collectif.

Quand tu vas te retrouver au mois de novembre tout au nord du pays, dans un stade vide balayé par le vent ou la neige, ça risque de piquer, non ?C’est sûr, je n’ai pas signé en Andalousie. Mais ça fait aussi partie de l’expérience, et personne ne m’a forcé à venir ici. Après, ils ont joué le week-end dernier contre Östersunds, le club situé le plus au nord. Il y avait quatorze heures de bus pour y aller, et ils sont revenus avec une défaite. Bon, ça au moins, c’est fait.

Pendant les vacances, j’aimerais bien faire un tour en Laponie.

Falkenberg est situé au sud-ouest du pays. À quoi ressemble ton nouvel environnement ?C’est une petite station balnéaire en bord de mer, avec des maisons en bois, tout est cyclable, hyper vert, tout est boisé. Il y a une très belle plage, et j’étais surpris par la température de l’eau : elle est hyper bonne ! Après, ça fait quatre jours que je suis là, et je n’ai pas eu le temps de faire grand-chose. En décembre, pendant les vacances, j’aimerais bien faire un tour en Laponie.

J’ai vu qu’à Falkenberg, il y a un musée de la photo ainsi que la poterie Törngrens, un des plus vieux ateliers d’Europe. Ça devrait t’occuper !Je ne savais pas, mais pourquoi pas, oui ! Ça peut être drôle. Ce cadre de vie a aussi été important dans mon choix. Ça reste un pays européen. Ce n’est pas comme si j’étais parti au Kazakhstan, par exemple.

Tu as le projet de revenir jouer en France, un de ces quatre ?Ça serait beau, mais il faut avoir des performances qui suivent. Pour espérer revenir en Ligue 1 ou Ligue 2, il aurait fallu que je fasse une saison complète aux Pays-Bas. Aujourd’hui, un retour en France, ce n’est pas ce qui me fait avancer au quotidien. On a un métier qui permet de découvrir de nouvelles cultures, de nouveaux pays, tout en gagnant bien sa vie. Je ne dis pas que je vais faire le tour du monde, mais si je peux continuer à m’éclater comme ça, découvrir plein de choses et être heureux, c’est le top.

Où as-tu prévu de regarder le match des Bleus, ce samedi soir ?Je suis tout seul ici pour le moment, donc je ne sais pas trop. J’ai vu qu’il y avait un groupe sur Facebook pour les Français vivant en Suède, et certains ont prévu de se retrouver à Göteborg pour regarder le match. Sinon, ça sera avec des coéquipiers.

Tant qu’il n’y a pas que de la bière sans alcool…Exactement ! (Rires.)

Les Bleus en salle d’attente
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Yann Bodiger