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Girondins de Bordeaux : la fin de la vie de château

Par Jules Reillat

Suite à la perte du statut professionnel du club, le centre de formation des Girondins de Bordeaux va fermer ses portes. Symbole du club bordelais et de sa gloire passée, le château du Haillan était récemment devenu le moteur économique et sportif du club, avant de cristalliser la crise interne qui le ronge. Petit tour du propriétaire.

Girondins de Bordeaux : la fin de la vie de château

La nouvelle est tombée le 25 juillet dernier. Les dirigeants des Girondins de Bordeaux ont fait savoir à la Fédération française de football (FFF) qu’ils avaient l’intention de renoncer au statut professionnel du club, acquis en 1937. Ils ont cyniquement anticipé la décision de la DNCG, qui aurait très probablement relégué le club en National 2, au niveau amateur donc, vu l’état des finances du club. Cela reste un véritable cataclysme pour les Girondins, car cela signifie notamment la fermeture du centre de formation. Ce même centre qui, pendant des années, a fourni des joueurs au club, au championnat français et à l’équipe de France.

Quand t’as 12-13 ans, ton rêve est d’intégrer un centre de formation juste pour avoir le survêt du club. Se promener avec un survêt des Girondins de Bordeaux, c’était juste une fierté.

Marouane Chamakh

Alain Giresse, Alain Roche, Bixente Lizarazu, Christophe Dugarry, Marc Planus, Benoît Trémoulinas, Jules Koundé, Aurélien Tchouameni… Tous internationaux, ces joueurs sont des produits de la formation bordelaise. Pour les plus jeunes d’entre eux, ils ont connu le château Bel-Air du Haillan, dit le « Château », devenu le camp de base des Girondins en 1988. Étendu sur 28 hectares, le site du Haillan, adossé à la réputation des Girondins de Bordeaux, faisait rêver tous les jeunes du Sud-Ouest, dont un certain Marouane Chamakh. « Quand t’as 12-13 ans, ton rêve est d’intégrer un centre de formation juste pour avoir le survêt du club. Se promener avec un survêt des Girondins de Bordeaux, c’était juste une fierté », confiait récemment l’ancien Gunner dans une interview sur YouTube. Même son de cloche chez Matthieu Chalmé, formé aux Girondins et passé ensuite formateur au Haillan, avant de quitter Bordeaux en 2023 : « Même si ces dernières années, c’était compliqué pour les gamins de s’identifier au club, pour moi c’était vraiment le cas. J’avais 10 ans quand je suis rentré au centre en 1990, et à cette époque, notre seule obsession avec les copains dans la cour de récré, c’était les Girondins de Bordeaux. »

Le Château dans le ciel

Pourtant, derrière ce domaine, cette piscine et cette réputation dorée se cachent des réalités un peu moins glorieuses, révélatrices de la déliquescence du club ces dernières années, à commencer par le loyer. D’après les informations de Sud-Ouest, le site du Haillan est loué d’un bloc par la ville de Bordeaux aux Girondins pour un montant dérisoire : 25 000 euros par an, soit un peu plus de 2 000 euros par mois. On peut parler de traitement de faveur, puisque le loyer devrait être en réalité dix fois supérieur. Il était prévu que ce montant soit réévalué progressivement, pour parvenir à 300 000 euros par an. Mais face à la crise, le loyer actuel a été reconduit en juin dernier pour une année supplémentaire. Pire : vu que les finances des Girondins ne sont pas prêtes de s’améliorer, il y a fort à parier que les dirigeant bordelais vont devoir rendre les clés du château, malgré les efforts de la mairie bordelaise et de Bordeaux Métropole, qui n’auront pas suffi. Contacté, le club a déclaré, au vu de la situation, avoir peu de visibilité quant à l’avenir du Haillan.

Des membres de la direction préféraient faire des économies au niveau de la nourriture, plutôt que de baisser leur salaire, qui est bien trop élevé au vu des moyens dont disposait le club.

Matthieu Chalmé

Vient ensuite l’état du centre en lui-même, révélateur de celui du club, au vu de la dégradation des infrastructures et des services. « Certains prestataires, comme les jardiniers ou le personnel de ménage, n’étaient plus payés. Des membres de la direction préféraient faire des économies au niveau de la nourriture, plutôt que de baisser leur salaire, qui est bien trop élevé au vu des moyens dont disposait le club », expose Matthieu Chalmé. Comme si le Haillan était le symbole de la profonde crise interne qui secoue les Girondins, représentant à lui seul l’absence de dialogue entre la direction et la formation. Preuve en est, lorsque la décision d’abandonner le statut pro a été prise par la direction, ce n’est pas elle qui a annoncé la nouvelle aux jeunes. « J’ai une pensée pour tous ces jeunes qui se retrouvent sans rien et qui n’ont même pas eu d’explication de la part de la direction, souffle l’ex-latéral. Elle a préféré envoyer Patrick Battiston (directeur du centre de formation, NDLR) pour leur dire les choses, alors qu’elle l’a complètement mis à l’écart depuis des années. »

Allô Maman Bordeaux

La fermeture du Haillan se révèle finalement être un acte encore plus symbolique que la rétrogradation sportive des Girondins. Car s’il y avait bien quelque chose qui semblait encore à peu près fonctionner du côté de Bordeaux, c’était la formation. Premier au classement de la FFF des centres de Ligue 2 les plus efficaces la saison dernière, le Haillan était devenu le moteur des Girondins depuis quelques années, aussi bien sur le plan économique que sportif. Les ventes des joueurs formés à Bordeaux servaient de d’oxygène au club : les transferts d’Aurélien Tchouaméni, Jules Koundé, Dilane Bakwa et consorts auraient depuis 2017 rapporté 110 millions d’euros aux Girondins. Sportivement ensuite, c’est en partie grâce aux jeunes de la formation que les Bordelais ont terminé leur première saison de Ligue 2 à la troisième place, manquant de peu l’occasion de remonter dans l’élite.

Un fait d’armes dont s’est félicitée la direction, à tort selon Matthieu Chalmé : « Les gens qui ont repris le club après M6, que ce soit King Street ou Gérard Lopez et son équipe, ont mis le centre de formation à l’écart. Quand on est descendu en Ligue 2, on est reparti avec des jeunes, et la direction s’est octroyée le droit de dire que c’était son souhait. Quand les jeunes ont bien fonctionné, ça a été de suite la réussite de l’entraîneur des pros à l’époque et du directeur sportif (Admar Lopes, NDLR), alors qu’ils ne les connaissaient pas. Il y a eu un manque de respect énorme. C’est pour ça que j’ai décidé de partir. » D’après l’ancien formateur bordelais, désormais adjoint au FC Annecy, tout ça s’expliquerait simplement par des égos un peu trop imposants : « Ce que la direction avait du mal à accepter, c’est que c’était le centre de formation qui avait en partie sauvé les Girondins de Bordeaux. »

Résultat des courses, Gérard Lopez et sa troupe se retrouvent désormais dos au mur, aux commandes d’un navire qui est en train de sombrer. Les 70 jeunes qui étaient au Haillan ont été libérés, et le centre de formation pour la section féminine, qui devait ouvrir en septembre, est abandonné. Quant aux anciens Girondins, ils ont comme Aurélien Tchouameni affiché leur soutien au club, en appelant carrément pour certains à la démission de Gérard Lopez, comme Bixente Lizarazu. Matthieu Chalmé, lui, rejoint la position du Basque, et continue d’espérer : « Je suis persuadé que ce club va se relever très vite. Bordeaux, c’est le football, c’est le rugby, c’est une ville sportive. Il y aura toujours du monde pour suivre les Girondins et les aider à se relever. » Reste à savoir si le Haillan rouvrira ses portes un jour. Aujourd’hui en tout cas, il est bien désert.

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Par Jules Reillat

Propos de Matthieu Chalmé recueillis par JR.

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