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Gianni Infantino, le faux Monsieur Propre

Par Paul Bemer
Gianni Infantino, le faux Monsieur Propre

Sous son crâne aussi rond qu’un ballon, Gianni Infantino cache en fait un complexe d’Œdipe disons… professionnel. Après être parvenu à tuer son père spirituel, l’homme des tirages au sort de l’UEFA tente donc d'embrasser sa reine mère à lui, la bonne vieille FIFA. Et tant pis pour la morale.

En économie, le concept de « main invisible » , cher à Adam Smith, suggère que la somme des actions guidées uniquement par l’intérêt personnel de chacun peut contribuer à la richesse et au bien-être de tous. En football, cela pourrait donc ressembler à un vaste tirage au sort où les intérêts propres aux diverses écuries du Vieux Continent tiennent d’abord dans de petites sphères en PVC, avant de converger tous ensemble vers l’élaboration d’une compétition qui contribue depuis toujours à la richesse du foot européen et à notre bien-être à tous – magnifié, il est vrai, par une bonne pizza, un fauteuil bien douillet et un écran plat haute définition. Sauf qu’ici, la main en question est blanche, bien visible, et appartient à un homme dont le crâne est aussi lisse que ces boules : Gianni Infantino.

Un Monsieur Loyal à géométrie variable

Connu de tous comme « le chauve de l’UEFA » , Gianni Infantino est bien plus qu’un simple Monsieur Loyal que l’instance dégaine à chaque fois qu’elle organise son cirque en mondovision. Non. Derrière son sourire taquin et sa prononciation toujours impeccable des noms propres comme Skënderbeu Korcë, Dniepr Dniepropetrovsk, Qarabağ Ağdam ou Bixente Lizarazu, se cache en réalité le secrétaire général de l’UEFA en poste depuis 2009. Un type qui pèse, donc. Et pas qu’un peu. Ancien professeur de droit à l’université de Neuchâtel, Gianni y commence également son ascension de la bureaucratie du football au CIES, le centre international d’études du sport rattaché à l’université suisse. Comme bon nombre de ses compatriotes, le natif de Brigue dans le canton du Valais est un polyglotte confirmé qui manie couramment cinq langues, voire six en comptant celle de bois. Ce qui explique aussi pourquoi il a longtemps officié comme juriste pour une poignée d’entreprises liées au sport roi, dans des pays tels que la France, l’Espagne ou l’Italie, se constituant au passage un bien joli carnet d’adresses.

Game of Thrones

C’est d’ailleurs durant cette période que Gianni rencontre le Suédois Lennart Johansson, l’ancien président de l’UEFA (1990 – 2007) qui le prend sous son aile et le nomme directeur du département juridique de l’instance en 2007, quelques mois à peine avant l’élection qui l’oppose à Michel Platini. Un ascenseur que Gianni ne renverra jamais. Pire, il n’hésite pas à trahir son mentor en soutenant officiellement la campagne de l’ancien numéro 10 des Bleus. Tuer le père, voilà un truc que le divin chauve sait faire, froidement. Après Johansson, c’est donc au tour du père Michel, l’homme qui lui a offert son poste actuel en 2009. Quasi dix ans de bons et loyaux services qu’Infantino ponctue d’une nouvelle lame plantée dans le dos, en profitant des déboires judiciaires de Platoche pour saisir sa chance et annoncer sa candidature à la présidence de la FIFA. De quoi conforter ses détracteurs qui n’hésitent plus à le présenter comme une vulgaire girouette. Ce qui, en ces temps particulièrement sombres pour la gouvernance du foot mondial, pourrait lui porter un réel préjudice. Alors, pour défendre sa légitimité dans la course au Graal, Gianni s’appuie régulièrement sur son fait d’armes le plus marquant. Le plus récent aussi.

Gianni vs la Grèce

Avril 2015, à l’instar du pays tout entier, le football grec connaît également la crise. Une vaste affaire de corruption, de fraudes et de racket éclate au grand jour, impliquant de grands pontes comme le propriétaire de l’Olympiakos ainsi que plusieurs dignitaires de la Fédération hellénique. Le scandale est énorme et se répercute jusque dans les stades, qui connaissent alors une inquiétante vague de violence. En guise de réponse, le gouvernement d’Alexis Tsipras pond une proposition de loi via son ministère des Sports qui prévoit, entre autres, d’ordonner le report ou l’annulation événements sportifs, d’interdire de compétitions européennes les équipes fautives ou d’encadrer leur billetterie. Bref, largement de quoi défriser les moustaches de l’UEFA qui voit là une tentative d’ingérence dans ses prérogatives chéries. Celui que l’on surnomme alors « la cheville ouvrière de Platini » prend la tête des négociations et va rapidement menacer Athènes de bannir indéfiniment tous les clubs du pays de toutes les compétitions organisées par l’UEFA si le Parlement venait à adopter le texte en l’état. Un « Grexit » footballistique, en somme. Le bras de fer s’engage, poussant même le vice-ministre des Sports, Stavros Kontonis, à la sortie de route diplomatique : « Nous n’allons pas changer la philosophie de la loi concernant le sport. La supervision de la FIFA et de l’UEFA est vouée à l’échec, et nous n’acceptons pas les ultimatums ! » Un mois plus tard, c’est une version largement remaniée qui est présentée au Parlement, le tout saupoudré d’une annonce largement étouffée dans les médias. Un dossier bouclé en toute discrétion par l’ancien hitman du clan Platini, et la preuve ultime pour tous ceux qui soutiennent aujourd’hui sa candidature que l’ami Gianni pourrait même se présenter à la présidence de l’Union européenne.


Son programme

« Clairement, reconstruire la confiance dans la FIFA est l’essentiel et il est impératif que l’organisation, et tous ceux qui y sont liés, acceptent les réformes afin que la FIFA devienne une structure moderne, crédible et transparente » , scandait-il le mois dernier dans un communiqué présentant les grandes lignes de son programme. Oui, Gianni Infantino se pose en chevalier blanc. Et pour mener la bataille, le chevalier chauve s’est armé de plusieurs réformes comme la création d’un nouveau comité exécutif, la limitation du nombre de mandats pour les membres de la FIFA, y compris le président, ou encore la nomination de personnalités indépendantes dans les différents comités. Soit une reprise mot pour mot des propositions déjà formulées par la commission des réformes de la FIFA à laquelle il appartenait. Comme Platini, il est également un fervent défenseur du fair-play financier et prévoit donc la création d’un « système équitable et transparent pour les transferts » . Et comme Platini, il est aussi un fervent défenseur de l’ouverture vers les « petites » nations et prévoit donc la mise en place d’une Coupe du monde à quarante équipes (contre trente-deux aujourd’hui, ndlr). En revanche, Platini n’est pour rien dans sa volonté de lancer un « large débat sur l’utilisation de la technologie dans le football » .

Ce qu’il pourrait aimer à Zürich : la Casa d’Italia

Situé dans le quartier du Hard, pile-poil entre le Musée national suisse et le Stadion Letzigrund (l’enceinte du FC Zürich, ndlr), ce petit bout d’Italie sert à la fois de centre linguistique et culturel, de salle polyvalente, voire de bar/restaurant certains soirs. De quoi renouer avec ses racines pour ce fils d’immigrés italiens qui vit actuellement à Trélex, village cossu du canton de Vaud qui compte à peine 1400 âmes, dont un certain Gaël Monfils. Et d’ailleurs, si l’on se fie à la relation d’amour tumultueuse que la Monf’ entretient avec Fabio Fognini (29e au classement ATP, ndlr), Gianni Infantino ferait bien de les réunir à la Casa d’Italia pour exercer une énième fois ses talents d’entremetteur. En plus, ça tombe bien, le 11 mars prochain, c’est soirée bingo…

Ses chances de réussir

{(Michel Platini + Lennart Johansson) – (Michel Platini x Sepp Blatter)} / {(la racine carrée de « Je me sens comme le candidat de l’Afrique » + le soutien de Samuel Eto’o déguisé en gavroche) x le nombre de cheveux qui le sépare de Barack Obama} = 55%, soit un peu mieux qu’une pièce en l’air dans la perspective de garder la FIFA sous contrôle européen. N’en déplaise aux « restes du monde » comme on dit au Groland, là est le véritable enjeu de ce scrutin.

La chanson

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