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Zambrotta : « Voir des enfants autistes s’épanouir est tout aussi gratifiant que de remporter le Mondial »

Propos recueillis par Tristan Pubert

Qui a dit que les retraités n’étaient bons qu’à faire du jardinage et regarder Téléshopping ? Gianluca Zambrotta en est le contrexemple parfait. Voilà dix piges que le champion du monde 2006 a raccroché les crampons, mais est toujours aussi actif, voire plus. Entre les émissions TV, les conférences données à la fédération italienne ou le développement de son centre sportif, l’ancien latéral est surtout devenu président d’honneur de l’Azzurrini Academy, un projet qui vise à utiliser les nouvelles technologies et l’intelligence artificielle pour aider des enfants atteints de troubles autistiques ou de déficiences intellectuelles. Et forcément, avec Gianluca Zambrotta, le football n’est jamais bien loin.

Gianluca Zambrotta  during the friendly match between Delhi Dynamos and Hacken at Goteborg, Sweden on September 09th 2016
Gianluca Zambrotta during the friendly match between Delhi Dynamos and Hacken at Goteborg, Sweden on September 09th 2016

Tu es impliqué dans le projet Azzurrini Academy. Peux-tu nous le présenter ? 

C’est un projet footballistique et d’activités motrices inclusives qui est destiné aux enfants présentant des troubles du spectre autistique de haut niveau ou simplement des déficiences intellectuelles légères. On utilise diverses technologies comme la réalité augmentée, la réalité virtuelle, des drones ou encore l’intelligence artificielle pour renforcer les compétences que ces enfants ont acquises sur le terrain et également améliorer la gestion des émotions. C’est une approche unique et innovante qui met les enfants au cœur de l’apprentissage. Avec ces nombreuses technologies, on souhaite dépasser les barrières et surtout améliorer les conditions psychophysiques de ces enfants en renforçant leur conscience, leur estime d’eux et en créant une identité de groupe, comme une équipe de football.

Quel est ton rôle au sein de cette structure ?

Mon rôle est de soutenir le projet, mais surtout de le promouvoir au niveau public. Bien évidemment, je participe à quelques activités avec les enfants, cela me permet de partager avec eux mon expérience d’ancien joueur professionnel et de les épauler sur le terrain.

 

Comment s’est faite la connexion ?

J’ai décidé de soutenir ce projet, car j’ai été conquis par les valeurs. Durant ma carrière, j’ai appris que la diversité est la plus grande richesse d’une équipe. L’Azzurrini Academy correspond à cela, en matière d’inclusion sociale et sportive dans notre région.

Justement, le fait que le projet a vu le jour dans ta région a facilité les choses ?

Oui, sans aucun doute. Je suis originaire de Côme, je voulais donc m’engager localement, mais l’objectif est désormais d’étendre notre travail au niveau national et, si possible, international. Nous voulons créer un modèle « Made in Como » qui pourra par la suite s’exporter à l’extérieur. Et ça a déjà un peu commencé puisqu’au mois d’octobre, nous participerons à un événement à Milan organisé par YouSport. Azzurrini Academy est un projet d’excellence, mais qui est surtout une belle histoire de notre région, comme le lac de Côme, qui mérite d’être partagée et racontée.

Nous essayons de faire en sorte que le temps d’entraînement pour les enfants soit du plaisir avant tout, comme ce qu’a été la finale de la Coupe du monde pour moi.

Gianluca Zambrotta

L’équipe est composée de psychiatres, d’éducateurs, d’ingénieurs experts en nouvelle technologie et donc d’un ancien joueur professionnel(1). Comment s’organise votre travail ?

Le travail sur le terrain est la face visible de l’iceberg. La recherche et le développement des nouvelles technologies pour trouver des méthodes de travail alternatives et avoir un bon suivi des résultats des enfants sont la grosse partie du travail. Nous essayons de faire en sorte que le temps d’entraînement pour les enfants soit du plaisir avant tout, comme ce qu’a été la finale de la Coupe du monde pour moi.

Les enfants n’ont pas été perturbés par le fait d’avoir un champion du monde à leurs côtés ?

Un petit peu, si ! (Rires.) Le plus important, c’est d’être attentif et respectueux de leurs besoins, en créant un environnement rassurant. J’essaie d’être un exemple pour eux, sans leur mettre de la pression, car le but est avant tout qu’ils se sentent à l’aise et qu’ils soient motivés pour progresser. On se concentre sur leur potentiel, pas sur leurs lacunes. Leur passion les aide énormément et leur permet de casser les barrières et de progresser.

Et toi, tu n’avais pas un peu d’appréhension ?

Forcément, au début, j’en avais un petit peu. Mais très vite, j’ai fait abstraction. J’ai toujours cru en l’importance de ce projet. L’enthousiasme et la passion de ces enfants m’ont aidé à surmonter cette timidité que j’avais un peu au début.

Tu as eu une brève expérience d’entraîneur, au FC Chiasso de 2013 à 2015, le Dehli Dynamos en 2016 puis le Jiangsu Suning de 2017 à 2018. Est-ce plus difficile de gérer des professionnels avec un ego démesuré ou bien ces enfants ?

Chaque équipe a ses défis et ses difficultés. (Rires.) À l’Azzurrini Academy, on n’est pas dans un esprit de concurrence comme cela existe dans les équipes professionnelles. L’objectif est de les faire progresser en s’adaptant à leurs besoins.

Voir ces enfants s’épanouir et progresser, c’est plus beau que de soulever la Coupe du monde ?

Remporter le Mondial est une émotion extraordinaire, mais voir ces enfants s’épanouir et progresser est tout aussi gratifiant, voire plus. Je ne vais pas comparer ces deux choses, qui sont des expériences relativement différentes.

Comment les enfants intègrent l’académie ?

On travaille en étroite collaboration avec les cliniques et les familles. Rejoindre l’Azzurrini Academy n’est pas simplement pour permettre à l’enfant de jouer au football, mais pour prendre en charge l’ensemble du système dans lequel il s’insère. Notre objectif est de garantir le bien-être de l’enfant, c’est ce qu’on explique avant tout aux parents.

 

Parmi ces enfants, y a-t-il le futur Federico Chiesa ?

Je vais vous raconter une histoire, celle de Marco(2). Un gamin fantastique, passionné de football, très doué balle au pied, mais qui avait souvent des difficultés à gérer ses émotions durant les entraînements. Un jour, on a donc décidé d’utiliser une application de réalité virtuelle qui permet d’être confronté à une situation de match où la pression est plus importante et donc de s’entraîner à gérer ses émotions. Marco était enthousiaste à l’idée d’essayer. Il a enfilé la visière et s’est retrouvé dans une situation de jeu cruciale, son équipe était menée au score dans les dernières minutes d’un match important. Il avait la possibilité de marquer le but de la victoire, mais la pression était de plus en plus forte. Et c’est là que la magie de la réalité virtuelle est entrée en jeu. Le personnage virtuel de Marco commençait à être nerveux, son rythme cardiaque s’accélérait. Malgré tout cela, après quelques tentatives, Marco est parvenu à marquer le but décisif. Lorsqu’il a retiré la visière, son visage était radieux, il était parvenu à gérer ses émotions.

Ce jeu virtuel l’a ensuite aidé sur le terrain ?

Totalement. Quand on a joué au football « réel », il parvenait à mieux gérer ses émotions. Ce jour-là, j’ai vu la magie de la technologie et la façon dont elle peut être utilisée permet à ces nombreux enfants de surmonter leurs difficultés. Marco est un exemple pour tous, et démontre ce qu’il est possible de réaliser lorsque l’on est véritablement passionné. J’espère que cette anecdote servira d’exemple et inspirera d’autres initiatives similaires.

Tu t’es découvert une nouvelle passion, le padel, depuis ton passage au FC Barcelone. Souhaiterais-tu développer ce projet dans d’autres sports, dont le padel par exemple ?

J’ai mis à disposition de l’académie mon centre sportif pour soutenir le travail réalisé. (Zambrotta a créé son centre sportif Eracle Sports Center en 2014, NDLR.) Mais pour le moment, nous nous concentrons principalement sur le football. Mais à l’avenir, étendre cela à d’autres sports, pourquoi pas, ce serait une superbe initiative.

Avoir un fils t’a influencé ? Il sait que tu as été un champion du monde et grand joueur, mais lui montrer qu’il y a autre chose dans la vie, ça te booste ?

Avoir un fils m’a sans aucun doute influencé dans ma manière de voir la vie et mes priorités. Je veux que mon fils comprenne l’importance du sport, surtout ses valeurs comme la solidarité, la gentillesse et surtout l’inclusion qui sont essentielles dans la vie. Et c’est ce qu’on met en avant avec l’Azzurrini Academy.

Dans cet article :
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Propos recueillis par Tristan Pubert

(1) Samuele Robbioni (responsable de l'espace psychopédagogique Côme 1907 et superviseur), Vincenzo Saladino (responsable de l'espace technique), Federico Ferraresi (éducateur comportemental), Alberto Bellomo (responsable de la recherche et du développement et de la communication) et Ina Llapushi (experte en nouvelles technologies et responsable de l'intelligence artificielle).
(2) Prénom modifié pour des raisons d'anonymat.

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