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Genoa : Yayah, l’autre Kallon

Par Andrea Chazy
Genoa : Yayah, l’autre Kallon

Face à Naples ce dimanche (18h30), le Genoa va essayer d'oublier la claque reçue face à l'Inter (0-4) en ouverture de cette nouvelle saison de Serie A. Pour cela, il pourra compter sur celui qui accompagne le vétéran Goran Pandev pour mener l'attaque des Rossoblù : Yayah Kallon, pour qui l'élite du football italien n'était pas la porte à côté. À vingt ans, le jeune attaquant originaire de Sierra Leone a déjà vécu 1000 vies. Cela ne fait aucun doute : celle-ci s'annonce bel et bien comme la plus heureuse de toutes. Portrait.

Le 13 août 2021, le monde associatif perdait Gino Strada. En vacances à Rouen, le célèbre chirurgien italien, qui a fondé l’ONG Emergency en 1994, cassait sa pipe à l’âge de 73 ans après avoir passé une vie à sauver ceux que personne ne regardait. Une disparition qui n’a pas fait la Une des journaux, mais qui n’a pas échappé à Yayah Kallon. Le jour même, le jeune attaquant du Genoa débloquait son compteur chez les grands, face à Perugia en Coupe d’Italie. Par le biais d’une frappe enroulée en lucarne à la 87e minute, synonyme de qualif’ pour les Grifoni (3-2), le numéro 91 du Genoa fêtait avec brio sa première titularisation chez les grands.

Un but sublime qui l’est encore un peu plus avec les mots de Yayah, un Sierra-Léonais qui sera éternellement reconnaissant envers Strada : « Ce vendredi est malheureusement aussi le jour du décès de Gino Strada. Un grand homme, le monde entier doit lui dire merci, rapporte la Gazzetta dello Sport. Je lui dédie mon but décisif contre Pérouse, même si je suis conscient que ce ne sera certainement pas suffisant pour remercier un médecin qui a tant fait pour mon pays, où il a construit d’importants hôpitaux. Il a également soigné des centaines de milliers de personnes partout en Afrique, notamment en nous aidant lorsque la dernière épidémie d’Ebola a éclaté en 2012. » Le témoignage d’un homme trop mâture pour son jeune âge, d’un homme qui en est d’ailleurs devenu un depuis bien longtemps.

« L’alternative à mon départ, c’était de rester et de devenir un enfant-soldat »

Sierra Leone, Kallon : non, il n’existe aucun lien de parenté entre Yayah et Mohamed Kallon. L’ancien buteur de l’Inter au début des années 2000 (et de Monaco ensuite) n’aurait sûrement pas laissé son fils ou son neveu fuir le pays par ses propres moyens à quatorze ans. Né à Kono, coin du pays connu pour ses exploitations de diamants, Yayah était un gamin comme les autres qui jouait au foot après l’école dans la rue. Mais un gamin déjà conscient du possible sort qui l’attendait : « L’alternative à mon départ, c’était de rester et de devenir un enfant-soldat au sein de l’une des organisations locales qui recrutaient des enfants pour les faire combattre, explique Yayah. C’était déjà arrivé à certains membres de ma famille par le passé… J’en ai alors parlé avec mes parents, et on a fini par prendre cette décision. Depuis, je ne suis plus jamais retourné chez moi. » Les mois qui suivent sont rudes : traverser cinq pays d’Afrique à quinze ans – Sahara inclus – quand on ne connaît personne, cela force le respect. De Benghazi à Tripoli, en Libye, Kallon fait même quatre heures de route dans le coffre d’une voiture et ne peut respirer « qu’à travers quelques trous dans la carrosserie », comme le confiait son agent, l’avocat Paolo Bordonaro, en 2018. Dans un pays qui, dix ans après le début du Printemps arabe, est toujours plongé dans un chaos total, les semaines qui suivent ne sont pas plus roses.

J’avais besoin de 1000 dinars pour payer le voyage, mais quand j’ai atteint cette somme, ils m’ont volé et j’ai dû recommencer.

Sur place, Yayah doit se débrouiller pour survivre. Mais aussi trouver de quoi payer son billet pour rejoindre Lampedusa, cette île italienne de 20 km2 perdue dans la grande bleue, à bord d’une embarcation de fortune. « En Libye, je faisais du ménage dans des maisons et je nettoyais des voitures. J’étais maçon, aussi. Parfois j’étais payé, parfois non. J’avais besoin de 1000 dinars(188 euros environ, NDLR)pour payer le voyage, mais quand j’ai atteint cette somme, ils m’ont volé et j’ai dû recommencer. » Huit mois après avoir quitté la Sierra Leone, Yayah Kallon réussit à partir. La traversée vers Lampedusa dure huit heures. À ce moment-là, sa mère le croit mort. Elle n’a plus entendu le son de sa voix depuis six mois. Pourtant, un jour de février 2016, le téléphone sonne avec la voix de son fils au bout du fil qui lui annonce son arrivée saine et sauve en Italie. En réponse, il n’y a d’abord aucun son. Juste des larmes de joie.

Le meilleur est à venir

Dans la Botte, Yayah termine son long voyage dans le Piémont dans un camp pour réfugiés où il reprend peu à peu goût au foot en matant les matchs des équipes de jeunes le dimanche matin. Le temps d’un instant, les moments en mer où la peur de mourir est présente à chaque instant sont loin. Ces images de la Libye où il a « vraiment tout vu », comme ces gamins plus jeunes que lui se baladant armes à la main dans la rue, aussi. Arrivé à Gênes, Kallon est repéré à la suite d’un tournoi de foot à cinq par le père d’un ami qui appelle Paolo Bordonaro. S’ensuit un premier essai au Virtus Entella qui ne donne rien, puis un autre qui conquiert Michele Sbravati du Genoa. Aux yeux du responsable du secteur jeunes du club de Serie A, ce petit bonhomme qui n’a joué auparavant au foot que pieds nus dans la rue est une pépite. Mais un problème se pose alors : sans papiers, Yayah, 17 ans, ne peut pas encore signer au Grifone, car le règlement de la FIFA empêche un jeune de signer avec un seul visa humanitaire. À l’échelle de sa vie, ce n’est qu’un contretemps.

Après un an à Savona, en Serie D au niveau amateur, Kallon revient au Genoa et commence à se faire un nom. La saison passée, il explose et claque dix buts et autant de passes décisives avec la Primavera du Genoa. Une éclosion qui lui permet de jouer une mi-temps chez les pros, lors de l’ultime journée de championnat à Cagliari en mai dernier. Depuis le départ d’Eldor Shomurodov à la Roma cet été, il a récupéré la place chaude laissée par l’Ouzbek et était titulaire à San Siro pour le début de la saison 2021-2022 face à l’Inter (0-4). De quoi lui faire tourner la tête ? Pas vraiment, à en croire la façon dont l’intéressé a digéré ces premiers moments de gloire, et notamment ce but contre Perugia : « Après le match, je suis allé à Alessandria pour rendre visite à Mme Grazia, ma mère italienne, une personne très importante avec Elisa, ma tutrice jusqu’à mes 18 ans. Elle m’aide encore beaucoup aujourd’hui. » Face à Naples ce dimanche, Yayah Kallon devrait débuter dans la peau d’un titulaire au Luigi-Ferraris pour la première fois de sa jeune carrière. Une leçon de vie, une de plus.

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Par Andrea Chazy

Tous propos recueillis par la Gazzetta dello Sport, le Corriere della Sera et la Stampa

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