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Genghini, moustache au carré

Par Mathieu Rollinger
Genghini, moustache au carré

Bernard Genghini souffle aujourd’hui ses soixante bougies. Et avant que l’ancien Sochalien ne se mette du gâteau plein les bacchantes, il est temps de se souvenir pourquoi on ne voyait que son auguste duvet au milieu du « carré magique ».

Moustache comme identité

Ian Rush, William Carvalho, Raymond Domenech, David Seaman, Rivelino, Guy Lacombe. Les représentants de la moustache ont tous en commun d’être publiquement reconnus pour leur attribut poilu, qu’il soit assimilé à un signe de virilité contrôlé ou à une anomalie de rasage. C’est sûr, Bernard ne doit pas sa carrière qu’à ce duvet maîtrisé puisque c’est sans qu’il s’est fait remarquer. « À quinze ans, en 1974, je jouais dans mon club de Guebwiller contre des jeunes de Sochaux, en lever de rideau de notre équipe première. On gagne 6-1 ou 6-0, je ne sais plus, mais j’en mets quatre, nous racontait-il en juillet dernier. Ça avait pas mal joué en ma faveur puisque j’ai ensuite rejoint le centre de formation du FC Sochaux qui venait d’être créé. »

Mais cette moustache symbolise tout aussi bien le joueur qu’il était, à savoir un joueur classieux des années 1980 tout en arborant ce style à papa. Aimer Genghini, c’est aimer les contradictions, comme celles d’être un créateur dégingandé, gaucher plus adroit dans l’axe et qui aimait autant passer que faire servir pour mettre la tête, ou celle d’être un meneur de jeu international avec un numéro 6 ou 9 dans le dos, à cause d’un Michel Platini dans les parages.

Moustache comme originalité

Le foot a toujours eu un faible pour le chiffre 3, toujours prêt à glorifier les trios, du Sócrates-Zico-Falcão à la MCN parisienne. Mais exception culturelle oblige, la France a construit le mythe d’une génération autour d’un « carré magique » . Avec des prémices aperçus en novembre 1981 lors d’un match décisif face aux Pays-Bas, où Michel Hidalgo avait innové en alignant côte à côte trois meneurs (Giresse, Platini et donc Genghini), institutionnalisé à partir d’un match du Mundial 1982 face à l’Irlande du Nord avec l’association de Tigana à ce trio, les « Fab Four » avaient tout pour rouler sur le monde du foot. « Aujourd’hui, on joue avec trois numéros 6 et un 10. Moi, je jouais avec trois 10 et un 6 » , aimait rappeler à l’époque le sélectionneur tricolore.

Mais ce qui restera dans la postérité sera finalement les petits bras de Giresse, le coffre de Tigana et la légende de Platoche. Genghini ? Le gaucher est balayé dès l’été suivant pour l’intronisation du plus défensif Luis Fernandez à sa place. Question d’équilibre certes. Mais aussi pour laisser les coudées franches au patron Michel. Capable lui aussi de marquer des coups francs incroyables, recruté à Saint-Étienne pour lui succéder, « Tchouki » avait au moins autant de talent que ses compères, mais pas forcément le caractère pour s’imposer comme un leader. Le George Harrison du quatuor.

Moustache comme bonhomie

Au Mondial 1986, le train est passé. Il n’est plus qu’un remplaçant en sélection. Mais « Ghini » reste digne malgré la déception. « On est avec le groupe, mais sans avoir le sentiment d’être à la Coupe du monde, confiait-il aux journalistes de L’Équipe. On ne vit pas les victoires et le quotidien de la même manière. » Discret, voire introverti, il garde sous silence cette blessure au point que Michel Platini n’avait même pas remarqué le mal-être de son coéquipier. Un homme aussi simple et mesuré que passionné, ne se mettant jamais en avant sans pour autant se cacher.

Pour lui, le foot doit rester un spectacle, un jeu devant être pratiqué de la plus belle manière que l’on puisse. En témoigne son attachement aux valeurs de Sochaux, tant sur le terrain que dans les têtes. « Le public de Bonal, c’est beaucoup d’ouvriers avec l’usine Peugeot à côté, des gens qui viennent au stade pour passer un bon moment. Alors bien sûr, ils voulaient voir leur club gagner, voir leurs joueurs se bagarrer, mouiller le maillot, s’accrocher. Mais à côté de ça, ce n’était pas suffisant. Ils voulaient voir une équipe qui construise, qui se porte vers l’avant, marque des buts. »

Moustache comme trait d’union

Cette moustache d’entre deux époques est aussi une belle métaphore pour un gars qui a été un passeur entre les différentes génération. Après avoir débuté aux côtés de Patrick Revelli, venu se relancer dans le Doubs, avoir grandi avec Yannick Stopyra, avoir accompagné les débuts de Philippe Anziani, Daniel Bravo, Claude Puel et Jean-Pierre Papin à Sochaux, Monaco ou Marseille, Genghini en a connu du beau monde.

Même s’il n’a pas pour autant l’âme d’un coach, l’Alsacien reste depuis sa retraite un vrai passeur de passion, que cela soit dans la cellule de recrutement, à la formation ou à la direction sportive de Sochaux puis à Mulhouse. Alors même si la moustache a blanchi et qu’elle est assortie aujourd’hui d’un bouc de belle facture, Genghini reste ce mec qu’on aurait voulu encore plus aimer.

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Par Mathieu Rollinger

Propos de Genghini recueillis par MR, sauf mention.

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