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Gareca, le maigre qui a faim
Il est probablement le moins connu des cinq entraîneurs argentins présents en quarts de finale de la Copa América 2015. Mais, avec ses faux airs du réalisateur de blockbuster Peter Berg, Ricardo el flaco (le maigre) Gareca n'est pas là pour faire de la figuration.
Nommé seulement le 9 mars 2015, Ricardo Gareca (57 ans), le sélectionneur argentin du Pérou, l’a annoncé avant la compétition : « Nous jouerons sans peur, en essayant d’aller le plus loin possible. » Son équipe l’a déjà prouvé, notamment contre le Brésil (1-2) où elle méritait mieux qu’une défaite dans les dernières minutes. Mais il y avait Neymar… Puis, après une victoire contre le Venezuela (1-0) suivie d’un nul soporifique mais stratégique contre la Colombie (0-0), voici le pays de 30 millions d’habitants en quart de l’épreuve sud-américaine pour la septième fois d’affilée. Avec un objectif, en creux, pour Gareca, faire aussi bien qu’el mago Sergio Markarian en 2011 : une troisième place inespérée au début de la compétition, qui avait commencé à se dessiner avec les échecs répétés des grands du continent.
La blessure de 85
Celui qui a été élu meilleur entraîneur de la phase de poules de cette Copa América 2015 a d’ailleurs une histoire particulière autant qu’amère avec le Pérou. Le 30 juin 1985, Gareca marque le but décisif pour l’Argentine, dans un match qualificatif (2-2) pour la Coupe du monde au Mexique, contre… le Pérou qui est du coup éliminé ! Mais, quelques mois plus tard, Carlos Bilardo ne l’appelle pas pour disputer la grande messe qui verra l’Albiceleste triompher au stade Aztèque en 1986. Cela restera comme « une énorme douleur » selon Gareca lui-même. Cette année, même si le quart de finale contre la modeste Bolivie paraît abordable pour « son » Pérou, la suite s’annonce plus copieuse pour les hommes d’El flaco : une probable demi-finale contre le Chili chez lui, sans oublier un éventuel match pour la 3e place contre un « gros » du continent (Argentine, Colombie, Brésil ou Paraguay). Mais rien n’effraye l’Argentin, dont la mission est bien plus vaste et surtout ambitieuse que cette Copa 2015 : qualifier le Pérou pour le Mondial russe, trente-trois ans après le dernier disputé par le pays, en 1982. Et le moins que l’on puisse en juger pour l’instant, c’est que, pour sa première expérience de sélectionneur, Gareca fait un parcours respectable, lui qui n’a eu que deux matchs amicaux pour étalonner son équipe. En s’appuyant sur des anciens expérimentés (Pizarro, Guerrero et Farfán) et en relançant certains jeunes joueurs (Cueva), l’Argentin a fait du Pérou un adversaire complexe à aborder. Pas favoris pour un sou contre la Colombie, ses joueurs ont étouffé le talent de James Rodríguez et mis en difficulté Cuadrado. Ajoutez la belle vision du jeu du gardien Gallese et vous disposez d’un bel ensemble homogène qui n’a pas dit son dernier mot.
Idole en Colombie, cauchemar de Pastore
Novice donc dans une compétition internationale, celui que beaucoup surnomment aussi désormais El tigre dispose néanmoins d’une armoire à trophées bien garnie en club. Champion d’Argentine en 1981 comme joueur aux côtés du plus grand, Diego Maradona, Gareca est devenu une idole loin de chez lui, à l’América de Cali en Colombie. Avec quatre belles années, ponctuées de 57 buts, deux titres nationaux et trois finales de Libertadores, il ne s’est pas fait oublier chez les Cafeteros. Mais Gareca est aussi bien connu à Buenos Aires pour être un de ces rares courageux, ou fous selon les points de vue, à avoir joué pour Boca Juniors et River Plate dans une même carrière. En équipe nationale, il empila aussi vingt sélections pour cinq buts dont un qui marque tout Argentin, contre le Brésil (1-0) à la Copa América 1983. Reste donc ensuite l’éternelle blessure de 1986 qu’il n’effacera probablement jamais. Mais ses plus grands succès, l’actuel sélectionneur du Pérou les a bien connus comme entraîneur. Lui qui a apporté trois championnats d’Argentine à son club de cœur Vélez Sársfield, dont un fameux en 2009, privant le Huracán de Javier Pastore du titre lors de l’ultime journée. Une demi-finale de Libertadores en 2011 venant s’ajouter à ce beau bilan. Pour nombre d’observateurs, ses équipes sont courageuses et pleine de caractère, à son image. Gareca, qui a également des faux airs de Menotti, et un surnom commun donc (El flaco), arrive à leur transmettre ainsi une énergie quasi mystique qu’il est difficile à saisir, expliquent même les plus croyants. L’Argentin, qui collectionne les anecdotes malheureuses en tant que joueur, comme cette montre en or offerte par Maradona et volée quelques jours plus tard par les hinchas d’Independiente, a embrassé une destinée bien plus dorée sous la guérite. Lui qui reconnaît préférer son surnom original d’El flaco avoue aussi qu’il aimerait bien grossir un peu, mais que « [s]on boulot [lui] tord trop l’estomac » . Nul doute qu’en matière de victoires en revanche, El flaco pourrait rapidement devenir El gordo (le gros).
Par Timothée Lemoine