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Frank Lampard à Chelsea, la mission hard
Sans possibilité de recrutement et avec certains joueurs aux critères particuliers choisis par Maurizio Sarri, Frank Lampard revient à Chelsea avec la casquette d'entraîneur pour succéder à l'Italien. Une bonne idée en apparence, mais qui pourrait se transformer en grosse galère pour l'Anglais.
Imaginez une vieille habitation à rebâtir, soutenue par quelques piliers, mais dont les fondations sont à revoir. Imaginez ensuite que pour cette mission, la clé et les responsabilités sont offertes par les propriétaires à un architecte aux idées détonnantes qui ont déjà enchanté certains habitants dans beaucoup d’autres villes d’Italie. Imaginez maintenant que ces mêmes propriétaires, conscients dès le départ du temps qu’il faudrait laisser à cet architecte têtu pour que le projet aboutisse – c’est-à-dire plusieurs années –, décident au bout d’un an seulement de changer de professionnel parce que les travaux sont trop lents à leurs yeux et pas assez esthétiques à leur goût. Cela donne une saison de perdue, et des plans déjà entamés imposés à un successeur bien moins expérimenté qui voyait peut-être la salle de bain située à la place du salon.
HE’S HOME! ? Frank Lampard is the new Chelsea head coach! #WelcomeHomeFrank
— Chelsea FC (@ChelseaFC) 4 juillet 2019
C’est un peu ce qu’il vient de se passer à Chelsea, ces derniers mois. Frank Lampard, qui a grandi et s’est épanoui dans la maison bleue quand il n’était encore qu’un jeune homme, est de retour et vient remplacer Maurizio Sarri. Dont la victoire en Ligue Europa, la troisième place en championnat, la finale de League Cup et les bases de « beau jeu » n’auront pas convaincu les dirigeants, qui l’ont laissé partir à la Juventus et dans un pays où ses manières de faire sont visiblement mieux comprises ou mieux tolérées. Une bonne idée ? Pas mauvaise, en apparence : l’ancien milieu de terrain a l’avantage de connaître parfaitement le club, et ses débuts avec le costume de coach à Derby County n’ont pas été ridicules (sixième de Championship, défaite en finale des playoffs à Wembley contre Aston Villa pour la montée en première division). Oui, sauf que…
Passer derrière Sarri, une tragédie ?
Sauf que mine de rien, Sarri – qui n’a ni les mêmes méthodes ni les mêmes principes que Lampard – laisse des outils parfois difficiles à manier à son successeur. Lequel va donc être obligé de faire avec. Car si la fumée de clopes du Napolitain n’a pas entièrement envahi l’enceinte ni endommagé les poumons des supporters qui y squattent, l’odeur installée ne peut pas s’envoler d’un simple claquement de porte. Ainsi, Super Frank s’apprête à travailler avec un effectif qui a essayé d’apprendre à conserver la balle coûte que coûte. Un football complètement contre-nature pour les Blues au passage, les Londoniens se reposant historiquement (lors des dernières saisons, en tout cas) sur le combat physique, aérien et direct. Mais même ça, les dirigeants de l’entité ont semblé l’avoir oublié quand ils ont fait signer l’homme aux cigarettes l’été dernier.
Retour au chantier du Lamp’s, qui retrouve des éléments choisis par son prédécesseur et plutôt complexes à utiliser comme Jorginho (où le faire jouer ailleurs qu’en pointe basse d’un triangle devant la défense ?) ou Mateo Kovačić. Ce dernier a d’ailleurs été conservé par le vainqueur de la Ligue Europa en échange de 45 millions d’euros un peu par la force des choses. Parce que Chelsea n’a pas le droit de recruter, il ne faudrait pas l’oublier, et s’en remet à ce genre de possibilités. Ce qui risque de poser un problème.
Hazard, les jeunes, les prêtés, Kanté… et Pulisic
Puisque Chelsea ne peut pas se renforcer, Lampard n’a aucune liste d’achat à rédiger et n’a d’autre choix que de faire avec les joueurs attirés et managés par un Sarri adepte du 4-3-3. Enfin, pas tout à fait. Celui qui a fait évoluer les Rams en 4-3-2-1 en 2018-2019 va en effet pouvoir compter sur de nombreux prêtés de retour au bercail et quelques indésirables de la saison dernière, en plus de Christian Pulisic acheté avant l’interdiction de recrutement. En vrac : Tiémoué Bakayoko, Kurt Zouma, Michy Batshuayi (qui sera visiblement en concurrence avec Olivier Giroud au poste d’avant-centre, ce qui paraît un poil faiblard pour une équipe ambitionnant des performances en Premier League et en Ligue des champions), Danny Drinkwater, Mason Mount, Tammy Abraham, Reece James… « Je serais idiot de venir ici avec des idées arrêtées, je veux tirer le meilleur de l’équipe, a d’ailleurs tenu à souligner le nouveau technicien en conférence de presse. Tout le monde a sa chance, je n’ai aucune idée préconçue à propos de qui que ce soit. J’ai une bonne connaissance de l’équipe, mais je dois voir les joueurs au cours du mois prochain. »
Reste un autre souci de taille, sans doute le plus compliqué : faire oublier Eden Hazard, qui a porté les Blues lors de la saison écoulée. Pour Francky, qui a répété sa volonté de puiser dans la formation, la solution pourrait passer par le collectif et les jeunes. Ruben Loftus-Cheek et Callum Hudson-Odoi, notamment, devraient prendre du galon pendant que N’Golo Kanté abandonnerait son rôle de relayeur pour retrouver sa splendeur de milieu défensif. Mais la légende du club ne se fait pas d’illusion : lui non plus n’aura que peu de temps pour faire rêver et avoir le droit de continuer à dessiner ses schémas. « Je ne suis pas naïf. Je sais que les supporters veulent qu’on ait des résultats, a-t-il indiqué. Je crois en moi. Je ne dirais pas que je suis inquiet, je suis réaliste et je vais essayer d’aider ce club. Je sens que je dois encore plus prouver. » Avec les crayons d’un autre, mais avec ses propres mains.
Par Florian Cadu