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François Mitterrand : Le football de Tonton

Par Alexandre Doskov
François Mitterrand : Le football de Tonton

Né le 26 octobre 1916, François Mitterrand aurait eu cent ans aujourd'hui. Un président que l'on imagine peu fréquenter les vestiaires et les stades, mais qui a pourtant flirté avec le monde du football à de nombreuses reprises.

Cette fois, Éric Cantona a vraiment déconné. Pour un « enculé de bâtard de Français » crié un peu trop fort par un fan de Crystal Palace qui n’aimait pas les cuisses de grenouille, le King s’est emporté et est allé laver son honneur et celui de toute la nation. Un coup de pied sauté dans le torse et un aller-simple pour la légende plus tard, le voilà poursuivi par la justice anglaise, traîné devant les tribunaux comme un condamné que l’on aurait sorti de sa geôle de la Tour de Londres pour le juger sur la place publique. Le 23 mars 1995, la sentence tombe, aussi violemment que la semelle de Cantona sur le sternum du supporter aux mots doux : deux semaines de prison ferme pour le joueur. Un coup de tonnerre. En France, maman Cantona est affolée, et sait qu’elle n’a plus qu’une seule solution pour empêcher son fils de croupir au fond d’une cellule pendant deux interminables semaines. Ni une ni deux, elle file au centre d’entraînement d’Auxerre alerter son unique espoir : Guy Roux. Le héros des pubs Cristaline est l’une des figures principales du roman Cantona, lui qui l’a lancé dans le grand bain au début des années 80 avec l’AJA. Mais il possède surtout un carnet d’adresses impressionnant. Comprenant l’urgence de la situation, Guy Roux ôte son bonnet et se précipite sur son téléphone pour secouer Béatrice Marre, sous-préfète de l’Yonne, et ancienne chef de cabinet de François Mitterrand à l’Élysée. « Prévenez le président, il faut envoyer un câble à la reine pour lui dire que si elle met Cantona en prison, elle perturbera les relations entre les jeunesses françaises et anglaises. »

La Coupe du monde de Mitterrand

Guy Roux ne pèse pas vraiment ses mots, mais peu importe. Le procès en appel est repoussé, Cantona est autorisé à rentrer chez lui en attendant la nouvelle audience, et sera finalement condamné à des heures de TIG. Pour Guy Roux, impossible d’expliquer ce qu’il s’est tramé au plus haut niveau de l’État : « Ils ont fait quelque chose. Je ne sais pas bien quoi. » Mais il en est persuadé, Canto’ doit sa réduction de peine à une intervention de la diplomatie française, téléguidée par François Mitterrand en personne. À cette époque, le président est un vieil homme fatigué, qui termine à bout de souffle son deuxième mandat. À soixante-dix-huit ans et après quatorze années de vie à l’Élysée, il n’a plus qu’un mois à tenir avant de passer le relais à celui qui lui succédera dans le fauteuil du salon doré, le bureau du chef de l’État. Est-il réellement intervenu pour tirer une épine du pied de Cantona le caractériel ? Personne ne l’a jamais confirmé, mais François Mitterrand avait déjà mis son nez dans certains sujets relatifs au ballon rond. Il s’était plusieurs fois affiché aux côtés de Guy Roux en tant que maire de Château-Chinon, ville de 2500 habitants à une centaine de kilomètres d’Auxerre, fonction que Mitterrand a occupée pendant plus de vingt ans. Et au-delà de l’AJA et des affaires locales, une fois arrivé à la tête de l’État, François Mitterrand a dû gérer des dossiers tels que la mise en place du comité d’organisation du Mondial 98. C’est lui qui a approuvé en 1992 la doublette Fernand Sastre-Michel Platini à la tête de la structure, et il passait une tête de temps à autre pour voir comment l’affaire avançait, demandant un jour à Sastre lors d’un déjeuner : « Comment se passe votre entente avec Platini ? Vous allez faire une sacrée équipe tous les deux. »

Un Euro pendant la crise

Une décennie plus tôt, lors des premières années de son premier mandat, Mitterrand avait dû gérer coup sur coup le plus grand traumatisme, puis la plus grande joie de l’histoire du football français de l’époque. La défaite face à l’Allemagne à Séville en 82, pour démarrer, qui a assommé le pays avant de faire renaître en lui des sentiments anti-allemands aussi puissants qu’en temps de guerre. Après avoir reçu une lettre de soutien du chancelier allemand Helmut Schmidt, Mitterrand et ce dernier avaient publié un communiqué commun pour demander au peuple de calmer ses ardeurs. Deux ans plus tard, Mitterrand est toujours président quand les Bleus remportent leur premier titre international, l’Euro 84. Mais avec beaucoup moins d’investissement de sa part, puisqu’il n’assiste même pas au match d’ouverture, se contentant de sous-entendre vaguement qu’il serait là pour la finale si la France y participait. Car le pays est bloqué, le tournant de la rigueur du gouvernement Mauroy ne passe pas, et les européennes qui se sont tenues pendant l’Euro se sont soldées par une débâcle socialiste, avec près de 45% d’abstention. Pierre Mauroy sautera de Matignon un mois plus tard, et contrairement aux hommes politiques d’aujourd’hui, François Mitterrand n’a jamais semblé miser sur le football pour redonner le sourire à ses troupes. Se montrer au stade pendant une épopée des Bleus pour récupérer quelques points ? Pas dans ses habitudes, comme le confirmait Platini il y a quelques années, en revenant sur le rapport de Mitterrand au football : « C’est un homme politique qui aimait le sport, mais il en a très peu parlé dans ses discours officiels. » Et Mitterrand lisait lui-même L’Équipe tous les matins, sans jamais en parler.

Le missile Tapie

Le 27 juin, soir de la finale, François Mitterrand est tout de même au Parc des Princes pour applaudir la victoire de la France face à l’Espagne. Dans la foulée, il s’envole pour Madrid. Pour refaire le match ? Non, pour discuter de l’entrée espagnole dans le marché commun. Au début de son deuxième mandat, en 1988, Mitterrand s’entiche d’un homme sulfureux, ancien animateur télé, chanteur, homme d’affaires, et président de l’OM depuis 1986 : Bernard Tapie. Contre l’avis de la majorité du PS, il accepte de le lancer et l’observe se faire élire député dans une circonscription marseillaise réputée imprenable. Mitterrand apprécie tellement « Nanard » qu’il le fait ministre de la Ville en avril 1992, puis le réintègre au gouvernement en décembre après une démission due à un procès. Une hérésie pour la galaxie socialiste. « La première fois, c’était une erreur. La deuxième, c’est une faute » , commente à l’époque le jeune François Hollande. Résigné à accepter la présence de Tapie, Pierre Mauroy s’amuse à commenter les résultats de Marseille : « Tout ce qui est bon pour l’OM est bon pour le PS. » Mais son Tapie, Mitterrand l’utilisera surtout pour démolir son rival de toujours, Michel Rocard. En 94, le président n’a plus grand-chose d’autre à faire que d’attendre la fin de son règne, et refuse d’imaginer une seule seconde Rocard lui succéder à l’Élysée. Pour torpiller sa candidature aux européennes, il convainc Tapie de se présenter. Avec son bagou, le boss de l’OM va chiper 12% des voix, privant le PS de Rocard de l’emporter, et empêchant ce dernier de prétendre à la présidentielle de l’année suivante. Rocard parlera d’ « un missile nommé Tapie tiré depuis l’Élysée » . Presque un coup de pied en pleine poire pour Rocard, et sans avoir Guy Roux sous la main pour lui sauver la mise.

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