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François Hollande : une balle dans le cœur ?

Par Nicolas Kssis-Martov
François Hollande : une balle dans le cœur ?

François Hollande a été (on peut désormais l'écrire au passé) un président qui a plus été marqué par le foot qu'il ne l'a marqué. Pourtant, de manière insidieuse, son œuvre présidentielle a bouleversé en profondeur les conditions d'existence de ce sport. Ce quinquennat qui s'achève en jetant le gant restera donc unique dans les annales de la Ve République.

Premier paradoxe : François Hollande est souvent regardé comme un velléitaire, changeant d’avis au fil des mouvements d’humeur de l’opinion ou de sa majorité. Or de fait, sous sa présidence, l’exécutif a pondu en rafale des propositions de loi pour un pouvoir législatif en sur-régime, avec un recours au 49-3 digne de la goal-line technology. Ainsi, alors que notre président normal tire sa révérence à la façon d’un Bielsa, des lois font en ce moment la navette entre l’Assemblée nationale et le Sénat, et risquent de chambouler grandement la façon dont les collectivités pourront financer – ou non – le sport professionnel. Voila le drame : le boulot technique effectué, qu’on en partage ou pas les finalités, ne pèsera pas lourd quand le peuple gravera le pitch de ces cinq années de notre histoire nationale. Bref, la mémoire collective n’est pas grande lectrice du Journal officiel.

Les sans-dents du ballon rond

C’est dommage, car de fait, les points forts du bilan, dont François Hollande avait rappelé l’importance à ses yeux lors de son allocution télévisuelle – comme la réforme territoriale –, vont fortement remodeler le foot français avec des effets pervers fort peu sympathiques pour les « sans-dents » du football. Les FC et AS qui se retrouvent à devoir désormais parcourir les 400km des nouvelles régions pour un match de DH en savent quelque chose. Et que dire du souci légitime de sécurité et de précaution après les attentats qui ensanglantèrent notre pays (et qui commencèrent au Stade de France, en sa présence figée), qui conduisit par ricochet à légitimer un tour de vis supplémentaire envers les supporters, principalement concernant les déplacements à l’extérieur, malgré, il faut bien le reconnaître, les bonnes intentions de son dernier ministre des Sports Thierry Braillard. Toutefois, le foot lui rendit parfois service. Involontairement, certes. Les fameux « 75% » qui passaient si mal – y compris à gauche, où les frondeurs goûtaient peu ce gadget illusoire – gagna en « vérité socialiste » avec la menace fantôme de grève brandie par des clubs pros, dignement représentés par Thiriez annonçant sans rire la mort de notre L1. Les riches ne sont jamais sympathiques quand ils oublient qu’ils ne sont pas pauvres. Avec le mariage pour tous, ce fut peut-être la seule victoire sur la droite.

La technique, pas la tactique…

François Hollande avait pressenti le piège. Il savait qu’au-delà de cette gestion technique (voilà les quatorze volumes du pacte de responsabilité), entre CNDS et éthique sportive, il y avait une bataille symbolique, une story telling à projeter à la face de la nation et des chaînes de télé. Il commença d’abord par évoluer en contre. Il passait après Nicolas Sarkozy, grand amoureux du ballon rond et du PSG, son Fouquet’s taille XL. Le nouveau pensionnaire de l’Élysée avait choisi de son coté de jouer sur un tout autre registre, loin du bling-bling du club parisien. Il caressa devant la presse ses souvenirs de jeunesse dans la province normande de son FC Rouen, petite madeleine de Proust d’un foot d’autrefois. Il chanta en tribune son amour pour le Red Star, équipe trop parfaite pour un président de gauche en quête d’onction prolétaire, emblématique des derniers feux de la banlieue rouge, vitrine de la diversité, de l’humilité de la L2, et musée vivant de notre foot national. L’opération ne marcha pas. On peut aller voir le peuple et finir la soirée en dîner de cons.

Il suffira d’un livre et les révélations de ses propos « café du commerce » – « Ils sont passés de gosses mal éduqués à vedettes richissimes, sans préparation. Ils ne sont pas préparés psychologiquement à savoir ce qu’est le bien, le mal.  » – pour que le décorum s’effondre d’un coup. Laissant poindre un mépris à l’emporte-pièce pour les footballeurs pros, ces pauvres devenus riches mais sans pouvoir (il avait semble-t-il oublié de lire Marx). Il ne faisait pas pire que les autres, c’était bien là le problème. Il n’avait pas su non plus auparavant tirer la gauche vers le haut face aux diverses polémiques qui déchirèrent notre foot tricolore, comme par exemple l’affaire Benzema, pour proposer un autre discours politique sur le sujet. Il fut même sabordé à ce propos par son Premier ministre Manuel Valls, très bas du front dès qu’il fut question de voler vers Berlin voir son Barça remporter une Ligue des champions ou crucifier l’avant-centre du Real. François aimait le foot, il ne comprit pas ce qu’était le foot populaire.

Et l’Euro ne le sauva pas…

Cependant, il se présenta une chance, une opportunité unique. Voire un espoir. Peu de présidents connaissent la joie de jouer à domicile, en puissance régalienne, un grand événement sportif, qui plus est un Euro. L’exercice aurait pu se révéler catastrophique, entre le péril sécuritaire et l’incertitude sportive des Bleus en pleine reconstruction. Tout se passa bien, hormis la faillite de la gestion des hooligans. Avec même le plaisir d’observer des villes tenues par l’opposition (Alain Juppé en tête) se mettre au service de l’intérêt supérieur de l’État, c’est-à-dire de son chef. Il survint surtout un miracle, béni par Dimitri Payet et Antoine Griezmann : l’EDF gagnait, exaltait la foule, drapait de bleu-blanc-rouge un été inattendu. Le président se montra prudent, trop peut-être, tout en croyant discerner dans la joie et l’enthousiasme des fan zones une vague plébéienne qui accompagnerait l’inversion de la courbe du chômage. Le Portugal, peu reconnaissant de ses efforts en sa faveur durant les négociations européennes, le ramena sur terre. Pire que tout, l’addition finale risque d’être dure à avaler, avec notamment des stades qui, de Marseille à Lens, délivrent de lourds secrets comptables, difficiles à justifier économiquement, sans oublier, de Nice à Lille, une justice qui met son nez dans les sombres affaires dissimulées dans le béton. Voilà bien le quinquennat résumé. Cela a failli passer, mais les chiffres sont têtus…

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