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Orne : District haute définition

Par Florian Travert

Dans l’Orne, en Normandie, le district a décidé de doter les douze clubs de D1 d’une caméra autonome pour diffuser leurs matchs en direct. Une première en France à ce niveau, qui fascine autant qu’elle questionne sa légitimité dans le football du dimanche.

Le FC Landais est en direct !
Le FC Landais est en direct !

Les ingrédients sont là. Un terrain légèrement bosselé, jonché de pissenlits et de pâquerettes, quelques tacles rugueux plus ou moins maîtrisés et un ciel visiblement allergique au bleu. Aucun doute, il s’agit bien d’une rencontre de Division 1 – 9e échelon français – dans le district de l’Orne, aux confins de la Normandie. Un seul élément dénote. Une caméra, nichée sur son mât de cinq mètres, surplombe le pré. Au FC Landais, comme pour les onze autres clubs de la poule, les matchs à domicile sont retransmis en direct sur Facebook depuis septembre dernier. « Une première en France, voire d’Europe à ce niveau », selon Frédéric Ortiz, le directeur du district de football de l’Orne.

Tribune Guy Roux et notification Facebook

Dimanche 7 avril 2024. À l’ordre du jour, une rencontre opposant le FC Landais, actuel 4e, et l’EP Rânes, pâle 9e et candidat à la descente en D2. « C’est notre bête noire », s’exclame la présidente du FC Landais, Sylvie Bazin, un club d’une centaine de licenciés fondé par son paternel « le 1er avril 1967 ». Une heure avant le coup d’envoi, l’installation du « machin » réclame un jeu d’équilibriste au pied de la tribune Guy Roux, inaugurée en 2014 par le mythique entraîneur en personne. « Il était dans le coin pour Citroën », se remémore la volubile Sylvie Bazin. Le mât de la caméra, sanglé de part et d’autre grâce à deux mousquetons, est placé minutieusement au milieu de terrain. «  La première fois, il a manqué de basculer avec le vent. Je l’ai rattrapé à bout de bras. » Son smartphone en main, Sylvie, supportrice invétérée de l’OM, peaufine les derniers réglages : « Je dois calibrer les quatre poteaux de corners sur l’application avant de valider. » La notification Facebook tombe, « le FC Landais est en direct ».

On ne voulait pas louper le tournant du numérique. La réforme des championnats et le passage de deux poules à une seule en D1 ont été le détonateur.

Frédéric Ortiz, directeur du district de l’Orne

Le dispositif nommé Pix4Team, mis au point par la société brestoise Move’N See, est totalement autonome. Grâce à l’intelligence artificielle et au petit socle sur lequel elle est placée, la caméra suit de gauche à droite du terrain le ballon en jeu. L’investissement se chiffre à hauteur de 50 000 euros pour les douze kits. « On ne voulait pas louper le tournant du numérique. La réforme des championnats et le passage de deux poules à une seule en D1 ont été le détonateur, précise Frédéric Ortiz visiblement satisfait des résultats. Des clubs ont réussi à s’approprier l’outil. »

Espérons que la caméra est mieux calibrée que la ligne de touche…
Espérons que la caméra est mieux calibrée que la ligne de touche…

Peaufiner les causeries, analyser les adversaires

Dans sa zone technique, Ludovic Poisson trépigne. Tenue de survêtement ajustée au millimètre près, cheveux poivre et sel, l’entraîneur du FC Landais harangue ses hommes. L’ancien joueur, rompu à la CFA 2 avec le FC Flers, le grand club local, s’appuie sur la vidéo pour préparer ses causeries. «  L’outil vidéo me permet d’en savoir plus sur nos adversaires. J’isole quelques séquences que j’envoie aux joueurs par message. Je fais des analyses simples, mais le moindre détail peut faire la différence », glisse-t-il avec un léger sourire. L’initiative peut aussi venir des joueurs. Benoît, défenseur central de l’EP Rânes, visionne systématiquement ses adversaires en amont du match. Une façon d’endiguer l’hémorragie. L’équipe a encaissé 43 buts en 16 matchs : « Je savais que le 9 décrochait beaucoup. »

L’outil vidéo me permet d’en savoir plus sur nos adversaires. J’isole quelques séquences que j’envoie aux joueurs par message.

Ludovic Poisson, le coach du FC Landais

Insuffisant. Le 9 en question, Vincent Bazin, le fils de la présidente, diminué par une douleur au genou récalcitrante, s’est joué de deux défenseurs à la 60e minute pour ajuster le gardien d’un plat du pied dans le petit filet droit. Les réactions fourmillent sur la diffusion en direct. Au cumul, une centaine de personnes ont assisté par écran interposé à la victoire du FC Landais. «  C’est pratique pour ceux qui n’ont pas pu se déplacer, se réjouit Sylvie. Chaque week-end, on nous demande si on va diffuser le match. En octobre avec mon mari (ils se sont rencontrés au club), on était en voyage à La Réunion. On a pu regarder le match. » Depuis septembre et la mise en place des caméras, « 70% des rencontres ont été diffusées. L’objectif est de monter à 85% à court terme », annonce Frédéric Ortiz. Un gap qui s’explique par des problèmes de connexion et un manque de bénévoles.

Un match non enregistré ? 500 euros !

Avec deux rencontres diffusées seulement, l’Avenir de Messei fait figure de mauvais élève. Pierre Toutain, le président du club, pointe un dispositif «  qui n’est pas adapté à notre niveau. Le district ne comprend pas que nos bénévoles ne sont pas forcément toujours là. On nous avait dit que c’était installé en cinq minutes, finalement ça en prend facilement 30. C’est trop de contraintes. »

Le district ne comprend pas que nos bénévoles ne sont pas forcément toujours là.

Pierre Toutain, président de l’Avenir de Messei

L’aspect humain n’est pas le seul facteur qui handicape la diffusion des matchs. Le département de l’Orne, très rural, coincé entre la Manche et le Calvados, présente de nombreuses zones grises. Avertis en juin 2023 de l’arrivée des caméras en D1, plusieurs clubs regrettent que le district n’ait pas mené de tests de connexion en amont de la saison. Réponse laconique de Frédéric Ortiz : « On a distribué des routeurs pour y remédier. » La grogne ne s’arrête pas là.

La caméra, fixée sur son moteur à 5 mètres, suit de gauche à droite le ballon.
La caméra, fixée sur son moteur à 5 mètres, suit de gauche à droite le ballon.

Deux jours avant la réunion de rentrée fixée début septembre à Alençon, les douze pensionnaires de D1 reçoivent dans leur boîte mail un cahier des charges de 27 pages (consulté par So Foot). C’est la douche froide. Entre les instructions techniques, on retrouve des amendes. Par exemple, le non-envoi de la vidéo dans un délai de 48 heures est sanctionné de 100 euros ; le non-enregistrement d’un match coûte 500 euros par rencontre. « Ce sont des sommes colossales pour nous. La plupart des clubs ont décidé de ne pas signer le cahier des charges. Il a finalement été gelé pour la saison », déclare Guillaume Forget, référent caméra pour le CO Céaucé. Frédéric Ortiz s’explique : « On a voulu les inciter à jouer le jeu par le biais de sanctions. Ce n’était pas la bonne approche. »

Pour l’année prochaine, la négociation des droits TV devrait être moins âpre qu’en Ligue 1. « On va continuer, assure-t-il. D’autres districts m’ont contacté pour en savoir plus. L’objectif à long terme, c’est d’avoir une plateforme qui diffuse les six matchs en simultanés. Créer une sorte de multiplex. » Avis aux diffuseurs.

Dans cet article :
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Par Florian Travert

Tous propos recueillis par FT
Photos de FT pour So Foot

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