S’abonner au mag
  • États-Unis
  • Mort de George Floyd

Florian Valot : « Je me sens coupable d’avoir fermé les yeux sur la réalité »

Propos recueillis par Ken Fernandez
Florian Valot : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Je me sens coupable d&rsquo;avoir fermé les yeux sur la réalité<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Après deux mois de confinement, le milieu de terrain des New York Red Bulls a repris les entraînements individualisés depuis une semaine. En attendant un retour probable de la MLS, l'ancien joueur de Monaco et du PSG porte un regard ému et enragé sur les discriminations raciales qui hantent le pays qui l'a adopté depuis six ans.

Comment est la situation en ce moment à Newark (New Jersey) où tu habites ?Je vis dans le quartier des Portugais et des Brésiliens, donc c’est très calme malgré la mise en place d’un couvre-feu à 20 heures. Même si Newark a été une place forte de la lutte des Noirs américains, en étant le théâtre des émeutes de 1967*, les gens vont plutôt à New York pour participer aux rassemblements. Je lisais que des manifestations avaient lieu dans les 50 États américains, j’espère que cela va continuer.

Manhattan est passé en quelques jours des rues désertes aux pillages. L’ambiance doit être assez irréelle à New York en ce moment…Les images sont très fortes. La situation est vraiment spéciale, car l’épidémie de Covid-19 a été extrêmement grave avec plus de 24 000 décès rien que dans l’État de New York. Et le virus circule encore, donc les manifestants savent qu’ils prennent un risque sanitaire important, en plus de s’exposer aux représailles de la police. De nombreuses vidéos témoignent de dérapages…

C’est impossible pour moi de concevoir ce que les personnes de couleur endurent… Mais ici, le poids de l’histoire de l’esclavagisme et de la ségrégation est encore très présent.

À ton arrivée, en 2014, as-tu ressenti les tensions raciales qui existent aux États-Unis ? J’ai grandi en ayant des amis de toutes les origines, sans sentir de différence, donc je n’ai jamais fait vraiment attention. C’est très dur de s’exprimer sur ces questions, car je suis blanc, donc privilégié. C’est impossible pour moi de concevoir ce que les personnes de couleur endurent… Mais ici, le poids de l’histoire de l’esclavagisme et de la ségrégation est encore très présent. Les États-Unis ont beau se revendiquer « The land of the free », y être noir, c’est très dur, et les discriminations sont nombreuses. En tant que blanc par exemple, si j’allais manifester, je ne me sentirais pas en insécurité, alors qu’un Afro-Américain peut se sentir en danger dès qu’il sort dans la rue tranquillement.

As-tu senti une colère monter ces derniers mois ?On ressent énormément de frustration de la part de la communauté afro-américaine. En plus d’être discriminée, elle a l’impression de ne pas pouvoir le dénoncer pacifiquement sans être critiquée, comme ce fut le cas lors du geste de Colin Kaepernick en 2016. C’est cette colère qui fait que le mouvement a pris très vite beaucoup d’ampleur à la suite de la vidéo du meurtre de George Floyd.

Justement, comment as-tu vécu cette vidéo ? Je n’ai pas pu la regarder jusqu’à la fin. Ce n’est pas supportable. Ces images m’attristent et m’énervent et c’est pour cela que j’ai coupé Twitter et Instagram ces derniers jours. J’ai besoin de prendre du recul pour me poser les bonnes questions.

En avez-vous parlé avec tes partenaires ?On en a discuté un peu. Des anciens coéquipiers comme Derrick Étienne Jr ont même témoigné de contrôles policiers récurrents et des stéréotypes liés à leur couleur de peau ces derniers jours. Je trouve ça incroyable au XXIe siècle.

Je pense que tant qu’on n’a pas été victime de discrimination, on est ignorant. C’est pour cela que je ne me sens pas le mieux placé pour parler.

Tu as toi-même déjà été témoin ou vécu des actes de racisme ?Même en étant blanc, j’éprouve une crainte que je n’ai jamais connu en France envers la police américaine. Pourtant, en voiture, les personnes que tu vois se faire contrôler sont presque toujours des latinos ou des noirs… Je me sens coupable d’avoir fermé les yeux sur ce qui se passait vraiment. En ce moment, je suis partagé en permanence entre la tristesse et la culpabilité. Je pense que tant qu’on n’a pas été victime de discrimination, on est ignorant. C’est pour cela que je ne me sens pas le mieux placé pour parler. Il faut surtout s’asseoir et écouter les témoignages de ceux qui la vivent depuis des générations, car c’est leur parole qui va nous éduquer.

L’éducation doit déconstruire des années de stéréotypes pour changer les mentalités. Et en tant que sportif, notre rôle est de nous exprimer.

LeBron James et Michael Jordan notamment ont exprimé leur colère. Quelle est la position des footballeurs ?Chacun y va de son message sur les réseaux sociaux et des mouvements commencent à se former. J’ai notamment rejoint @voycenow, créé par Zack Steffen, le gardien de Team USA et de Düsseldorf, sur les réseaux sociaux. Du côté de la MLS, le syndicat des joueurs a ouvert des discussions pour faire quelque chose lors de la reprise, à l’image de ce qu’avaient pu faire les joueurs de NBA en 2014 à la suite du meurtre d’Eric Garner, en portant un tee-shirt « I can’t breathe » . Même si c’est triste d’avoir attendu cette vidéo pour en arriver là, le mouvement touche tout le monde et se propage. Il faut aller plus loin, car la problématique du racisme est mondiale. L’éducation doit déconstruire des années de stéréotypes pour changer les mentalités. Et en tant que sportif, notre rôle est de nous exprimer.

Après la crise sanitaire et économique, désormais la crise sociale. Avec l’élection présidentielle américaine le 3 novembre, les prochains mois s’annoncent très chauds… On peut dire que c’est une année de merde. Mais, même si les États-Unis sont l’épicentre de toutes ces crises, je reste positif, car je pense que le meilleur est devant nous, ce mouvement le prouve. Les gens commencent à s’exprimer pour faire changer les choses, j’espère que cela se poursuivra jusqu’à l’élection.

Propos recueillis par Ken Fernandez

* Une altercation entre deux policiers et un chauffeur de taxi noir déclenche des émeutes qui firent 26 morts et plus de 1000 blessés dans la ville la plus peuplée du New Jersey entre le 12 et le 17 juillet 1967.

Articles en tendances

Votre avis sur cet article

Les avis de nos lecteurs:

Dernières actus

20
Revivez France-Belgique (2-0)
Revivez France-Belgique (2-0)

Revivez France-Belgique (2-0)

Revivez France-Belgique (2-0)

Nos partenaires

  • Vietnam: le label d'H-BURNS, Phararon de Winter, 51 Black Super, Kakkmaddafakka...
  • #Trashtalk: les vrais coulisses de la NBA.
  • Maillots, équipement, lifestyle - Degaine.
  • Magazine trimestriel de Mode, Culture et Société pour les vrais parents sur les vrais enfants.
  • Pronostic Foot 100% Gratuits ! + de 100 Matchs analysés / semaine