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Le Graët, la retraite après l’heure

Par Adrien Hémard-Dohain
Le Graët, la retraite après l’heure

Noël Le Graët n'est plus le président de la FFF après avoir remis sa démission, ce mardi matin, devant le comex. La fin d'un trop long règne.

Noël Le Graët n’est plus le grand patron du football français. La nouvelle était dans l’air ces derniers jours, elle est tombée ce mardi matin au cours d’un comex lors duquel le dirigeant, mis en retrait depuis le 11 janvier, a présenté sa démission à ceux qui l’ont longtemps soutenu, et aux autres. Il aura passé 12 ans au pouvoir. Douze années à œuvrer pour la FFF, en public comme en coulisses, et à se retrouver au cœur de polémiques après des sorties médiatiques trop souvent lunaires. C’est une fin de règne qui était attendue par beaucoup, des plus hautes sphères de l’État aux simples fans de foot, lassés et excédés par l’indécence de NLG, qui a tiré sa révérence (enfin, on l’imagine) dans le chaos le plus total.

Le père Noël n’était pas qu’une ordure

Après s’être fracassé sur les falaises de l’évolution de la société, le rafiot Le Graët a fini par couler, après avoir eu l’audace de torpiller Zinédine Zidane. Un coup d’épée dans l’eau qui s’est retourné contre lui, en réveillant les flots de scandales causés par le fondateur du groupe Le Graët, spécialisé… dans la pêche, évidemment. Car avant d’être le président archaïque et problématique de la principale Fédération sportive de France, le père Noël était un chef d’entreprise des Côtes-d’Armor, qui avait lancé sa boîte après quelques années de fonctionnaire, puis de VRP. Un personnage que l’on imagine jusque-là joué par Bacri, même si l’ex-agent de Didier Hazanavicius n’aurait sans doute pas signé en voyant la fin du scénario. Un business qui a ouvert les portes de l’En Avant Guingamp au père Le Graët, club qu’il a présidé 28 ans (de 1972 à 1991, puis de 2002 à 2011), avec les deux victoires en Coupe de France (2009, 2014) en point d’orgue.

Entre-temps, Noël Le Graët s’était taillé un costume de patron du football français en dirigeant la LFP de 1991 à 2000, le temps de se cogner Bernard Tapie lors de VA-OM, et de nettoyer les finances des clubs en enfantant la DNCG. De quoi, logiquement, donner de l’ambition au Breton plus vraiment paysan, mais vice-président de la FFF de 2005 à 2011. C’est alors, que comme tout disciple, il tue le père et déloge Fernand Duchaussoy de la présidence en 2011, dans le champ de ruines post-Knysna. Et si on l’a oublié, il s’agit alors d’une bonne nouvelle pour le football français. Sous Le Graët, la FFF se refait une santé financière, développe le football féminin et voit le nombre de licenciés augmenter. La route jusqu’à la deuxième étoile de 2018 est presque sans embûches. Mais les années passent, et les rides qui apparaissent font tomber le masque du Breton. Atteint de leucémie en 2018, l’ancien animal politique range peu à peu les griffes, se transformant en dirigeant archaïque, anachronique, et en boulet pour le foot français.

Derrière les succès de la bande à Dédé, et l’enrichissement de la trois F, l’ambiance au sein de la fédé était beaucoup moins clinquante, comme le montre notre enquête parue dans SO FOOT en septembre dernier, sans parler d’un football amateur totalement délaissé, pour ne pas écrire abandonné pendant la crise du Covid. Mais la maladie n’est pas la seule à avoir affaibli un président vite rattrapé par ses errances. Dès 2016, NLG se signale en soutenant Gianni Infantino dans la course à la FIFA, plutôt que le Français Jérôme Champagne. En parlant de champagne, d’ailleurs, la Cour des comptes dézingue le train de vie dispendieux de la 3F deux ans plus tard. Les premières vagues du tsunami Le Graët qui, dès lors, va déferler régulièrement sur les digues fragiles du football français.

Du coup de peinture au coup de balai

En pleine polémique sur l’homophobie dans le foot tricolore, le Breton dérive en septembre 2019, sur France Info : « L’arrêt des matchs ne m’intéresse pas. C’est une erreur. J’arrêterais un match pour des cris racistes, j’arrêterais un match pour une bagarre, des incidents s’il y a un danger dans les tribunes. » Avant de remettre une couche dans les colonnes du Parisien : «  Je suis navré de choquer les beaux esprits, mais des banderoles comme LFP, enc… ne sont pas homophobes. La vraie homophobie n’est pas là. Il faut être sérieux. » Un an plus tard, il minimise cette fois le racisme, avec un théorème douteux : « Quand un black marque un but, tout le stade est debout. Le phénomène raciste dans le football n’existe pas, ou peu. » Sujet sur lequel il remettra une couche à l’été 2021, façon Nadine Morano et son amie noire, dans un entretien accordé à So Foot : « Attends, moi je suis chef d’entreprise, j’ai des salariés, jamais… Même ici, ma secrétaire, allez voir sa couleur de peau. Et le directeur que je viens d’embaucher, un Diallo. » Et la roue de la bêtise continue de tourner. En juin 2022, il explique ainsi que Kylian Mbappé a mal vécu son penalty manqué à l’Euro, avant de se faire reprendre volée par la star française sur les réseaux sociaux.

En septembre dernier, l’enquête publiée dans So Foot ouvre la boîte de Pandore sur les accusations de harcèlement sexuel envers NLG, et le climat délétère qui règne boulevard de Grenelle. Le ministère des Sports lance alors un audit, alors que les témoignages se succèdent. On n’oublie pas non plus son « coup de peinture » pour améliorer les conditions de vie des travailleurs qataris de l’hôtel des Bleus, lors du Mondial. En dépit de cette vague de dérapages tous condamnables, c’est toutefois la moins grave de ses sorties, sur le dieu vivant Zidane, qui va précipiter sa chute tant attendue. Le 8 janvier 2023, sur RMC, Le Graët vient défendre sa décision unilatérale de prolonger Didier Deschamps jusqu’en 2026.

Comme il l’avait déjà fait pour Corinne Diacre, malgré le manque de résultats de la sélectionneuse, et les tensions entre elle et ses cadres : « Qu’elles se tirent les cheveux, ça m’est égal. » En dix minutes sur les ondes, Noël Le Graët creuse sa tombe en s’en prenant à la légende Zizou : « Il fait ce qu’il veut, cela ne me regarde pas. Je ne l’ai jamais rencontré et on n’a jamais envisagé de se séparer de Didier Deschamps. J’en ai rien à secouer. (…) Je ne l’aurais même pas pris au téléphone. » Les réseaux sociaux s’emballent, et Kylian Mbappé se désolidarise, envoyant le Breton au pilori via un simple tweet : « Zidane c’est la France, on manque pas de respect à la légende comme ça… »

Une nouvelle pièce dans le jukebox qui a le mérite de remettre le sujet des accusations de harcèlement sexuel sur le devant de la scène. Car à quelques semaines de la publication de l’audit commandé par le ministère, le « Zizougate » donne le courage à l’une de ses victimes, Sonia Souid, de parler à visage découvert. Le 17 janvier 2023, le parquet de Paris ouvre une enquête. Un mois plus tard, les conclusions de l’audit sont sans équivoque. L’engrenage s’accélère jusqu’au départ, inévitable, de Noël Le Graët, annoncé ce mardi 28 février devant le comex de la 3F. Une retraite tardive, qui suscitait encore plus de colère que celle à 64 ans, et contre laquelle personne ne viendra manifester. Pour la première fois, Noël s’en va, et c’est un cadeau pour tout le monde.

Le Graët et la FFF : la fin justifie les copains

Par Adrien Hémard-Dohain

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