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Faut-il arrêter de manger de la viande pour être meilleur sur le terrain ?

Par Florian Lefèvre
Faut-il arrêter de manger de la viande pour être meilleur sur le terrain ?

Faut-il arrêter de manger de la viande - et même bannir tous les produits d’origine animale - pour être meilleur sur le terrain ? Certains footballeurs remettent en question leur alimentation après avoir vu le documentaire The Game Changers sur Netflix. Et il paraît que les pâtes lentilles corail, « elles sont bonnes ».

Patrik Baboumian est une force de la nature. Il a déjà porté sur ses épaules un poids de 550 kg et l’a transporté sur dix mètres. Scott Jurek court dans les montagnes pendant des jours entiers. Il a parcouru le sentier des Appalaches du sud au nord en 46 jours, 8 heures et 7 minutes, soit le record du monde (avec assistance) pour cet ultra-marathon de 3 510 kilomètres aux États-Unis. Dotsie Bausch est la Jeannie Longo du cyclisme sur piste américain. Aux JO de Londres, elle a remporté, à 39 ans, une médaille d’argent lors de la poursuite par équipes féminine. Le point commun entre ces champions ? Ils ont adopté un régime végétalien (1) et ils racontent dans le documentaire The Game Changers comment ce régime alimentaire sans viande ni aucun produit d’origine animale a été un facteur déterminant qui leur a permis d’accomplir ces performances exceptionnelles.

The Game Changers est disponible sur Netflix depuis octobre dernier. Pour les sportifs et les sportives qui l’ont vu, le documentaire pose une question centrale : faut-il remettre en cause son alimentation pour améliorer ses performances ? Une question qui interroge forcément dans les vestiaires des clubs de football. Comme à Dunkerque, chez l’actuel leader du National. « On en a parlé avec les anciens, pose Dimitri Boudaud, qui vient de fêter ses 33 ans. Moi, à la base, je trouvais que je faisais très attention à ce que je mangeais, mais c’est vrai que ce reportage nous a bouleversés. »

« Le truc qui m’a choqué, ce sont les prises de sang » , continue le milieu de terrain du club nordiste, en référence à cette séquence où un médecin américain, le Dr Robert Vogel, examine l’impact produit par des plats différents (en l’occurrence des burritos au bœuf, au poulet ou aux haricots) sur les mêmes personnes (trois joueurs de foot US des Miami Dolphins). « Quand on passe le sang à la centrifugeuse, le sang des mecs qui mangent de la viande devient trouble alors que celui de ceux qui ne mangent que des plantes et des protéines végétales est translucide… » Boudaud évoque aussi cette séquence qui retrace le combat d’UFC entre Conor McGregor et Nate Diaz, en mars 2016. Le premier s’est préparé au combat en dévorant chaque jour deux énormes steaks de bœuf, le deuxième avait adopté un régime à base de plantes et c’est lui qui a remporté le combat par soumission. « Quand on voit Diaz prendre le micro à la fin du combat pour dire, plein d’insolence :« Ça vous étonne, bande de cons ! » (Rires.) On se dit que lui, il est sûr de sa force » , souligne Boudaud. D’ailleurs, même McGregor avoue dans le documentaire que « c’était une bataille d’énergie » et que son adversaire « en avait plus » que lui ce jour-là.

« Je me fais des purées de pois cassés maintenant »

Alors, après avoir vu ça, à Dunkerque, plusieurs joueurs ont décidé d’expérimenter les protéines végétales et de réduire considérablement leur consommation de viande. « Je me fais des purées de pois cassés maintenant. Avec, en entrée, des haricots rouges en vinaigrette, détaille le chef Boudaud. Et quand on lit la composition derrière, c’est vrai qu’il y a un fort apport en protéines et glucides. » Le Dunkerquois a aussi acheté des pâtes rouges de lentilles corail. « Elles sont bonnes, en plus ! » Avec ses coéquipiers, ils en rigolent en s’envoyant sur Snapchat des photos et vidéos de leur repas agrémentées d’un #NoMeat. « Cette petite crise, peut-être qu’elle me passera, convient l’ancien Sedanais. Mais je me dis que ça peut être une bonne chose pour ne pas se blesser et peut-être gagner encore un an ou deux sur le terrain… » Tout cela se base sur un seul documentaire. Le problème, c’est que The Game Changers vante les bienfaits du régime végétalien et blâme les méfaits pour la santé de la viande et des produits d’origine animale sans aucune voix contradictoire.

Reconnu comme un expert mondial en matière de nutrition dans le sport, professeur à l’université de Loughborough, près de Leicester, Asker Jeukendrup travaille notamment pour le PSV Eindhoven et le Red Bull Salzbourg. Il a disséqué les études montrées dans le documentaire en écrivant un long article de fact-checking sur son site mysportscience.com. Il rappelle que des résultats scientifiques doivent être discutés de manière critique, avec des arguments et des contre-arguments analysés.

Or, Jeukendrup pointe le fait que The Game Changers s’appuie souvent sur des études publiées dans des revues scientifique à faible renommée, alors que dans le même temps, des études réalisées à grande échelle ne sont pas mentionnées parce que les résultats ne correspondent pas aux messages que le documentaire voulait faire passer. Par exemple, après avoir remis la main sur l’étude du Dr Fabian Kanz qui a servi à démontrer dans le documentaire que les gladiateurs romains avaient des os solides grâce à leur régime végétarien, Jeukendrup note que les gladiateurs mangeaient beaucoup de légumes, mais qu’ils n’étaient pas végétariens pour autant. Surtout, Jeukendrup signale que le documentaire a tendance à montrer des graphiques qui paraissent incontestables, mais qui sont trompeurs. Bref, selon lui, The Game Changers chatouille le sensationnalisme.

« Pour un champion du monde végétalien, il y en a 99 qui mangent des poulets et des œufs »

Responsable médical à la FFF, le docteur Emmanuel Orhant prévient que la relation entre régime végétalien et performances sportives n’est pas établi formellement dans la littérature scientifique. « Toutes les boissons de récupération qui aident le sportif, ce sont des boissons à base de protéines animales » , indique le docteur Orhant, sceptique concernant la récupération physique à moyen ou long terme avec un régime restrictif. « Il manque énormément de choses dans l’alimentation végétalienne et je ne la conseille pas sur des sports traumatiques – avec énormément de micro-lésions musculaires – comme le football. »

« Pour un champion du monde végétalien, il y en a 99 qui mangent des poulets et des œufs » , ajoute le docteur Philippe Kuentz, médecin de l’AS Monaco de 2005 à 2019, un club français leader en matière d’importance accordée à la nutrition. « Est-ce qu’il faut absolument manger des protéines de viande pour réussir ? La réponse est non pour les quelques exemples cités dans le documentaire, concède le docteur Kuentz. De là à en faire une ligne de conduite maîtresse pour la diététique dans les prochaines années, je n’y crois pas. Par exemple, il y a trop d’avantages avec la caséine, la protéine que l’on retrouve dans le lait de vache. »

Co-auteur du livre Recettes pour champion, l’ancien médecin de l’ASM plaide pour une alimentation qui associe des protéines d’origine animale et végétale. À ce titre, il trouve que The Game Changers peut avoir un impact positif chez les footballeurs qui se contentent du combo pâtes-poulet et devraient diversifier leurs assiettes avec plus de légumes. Une purée de pois cassés, par exemple…

Bodybuilding, omelette et CR7

On touche là la séquence la plus intéressante de The Game Changers : comment, à la manière de l’industrie du tabac il y a encore quelques décennies, dans la culture populaire, l’industrie de la viande a rendu virils et forts ceux qui mangent des steaks – à contrario de la salade. Arnold Schwarzenegger est bien placé pour en parler, il était l’un des symboles de ces hommes forts qui se gavent de steaks : « Il faut comprendre que c’est du marketing. Ce n’est pas basé sur la réalité » , lâche l’ancien bodybuilder qui ne mange plus de viande depuis quelques années.

Coéquipier de Boudaud à Dunkerque, Axel Maraval a toujours eu l’habitude de manger de la viande à la table familiale. Aujourd’hui, le gardien de 26 ans continue d’en manger, mais dans des quantités plus réduites : « Avant, à tous les repas, il me fallait du poulet. Maintenant, je peux manger une omelette qui va remplacer de la viande. Autre chose qui va avoir un apport bénéfique et pas forcément de la viande tout le temps. »

Le portier formé à Monaco a appris, au fil de sa carrière, à privilégier les aliments qui lui apportent un apport énergique. « Un reportage qui est sorti, ça ne suffit pas à me faire changer du tout au tout. Récemment, j’ai appris que selon une étude, l’huile d’olive qui cuit, ça serait cancérigène. Moi, j’en mettais pour faire cuire mes haricots verts… Est-ce que c’est un phénomène de mode ? Est-ce que c’est la vérité ? Parfois, tu ne sais plus » , s’interroge Maraval. Il prend le cas des compléments alimentaires : « Plein de joueurs ont acheté des produits Herbalife parce que Cristiano Ronaldo en a fait la pub. Même moi, je les ai testés. Mais quand tu regardes ce qu’il y a à l’intérieur, bah ils sont plus mauvais que d’autres compléments alimentaires. Mais beaucoup achètent Herbalife parce qu’il y a Cristiano Ronaldo. »

Carottes ou bâton ?

En 2019, la BBC a diffusé Football Going Vegan. Un reportage mené par… Jermaine Jenas. L’ancien joueur de Tottenham a notamment discuté avec Chris Smalling, le joueur de la Roma qui a commencé à devenir végétalien en 2016. Lui a fait ce choix de vie parce qu’il est sensible au sort des animaux et non pour améliorer ses performances sur le terrain.

Vidéo

Jenas a aussi rencontré la nutritionniste Rhiannon Lambert qui fait un rappel utile : « On peut être un végétalien en très mauvaise santé autant qu’on peut être un végétalien en bonne santé. Tu peux manger des chips tous les jours. Ou tu peux sortir commander des pizzas végétaliennes et des frites… » Noir ou blanc, mangeur de plantes ou mangeur de viande… et si les choses n’étaient pas aussi binaires que voudraient le faire croire KFC et The Game Changers ?

Dans cet article :
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Par Florian Lefèvre

Propos recueillis par FL sauf mentions.

(1) Un point vocabulaire s’impose :

Suivre un régime « omnivore », c’est consommer des aliments d'origine animale ou végétale. Bref, tout ce qu’on trouve au supermarché.

Suivre un régime « végétarien », c’est ne pas consommer de chair animale (du poisson, de la viande), mais consommer des produits d'origine animale comme les produits laitiers et des œufs.

Suivre un régime « pesco-végétarien », c’est consommer tout (y compris du poisson, des produits laitiers, des œufs) sauf de la viande.

Suivre un régime « végétalien », c’est consommer seulement des aliments d’origine végétale, donc pas de viande, pas de poisson, pas de produits laitiers, pas d’œufs.

Quelle est la différence entre « être végétalien » et « être végan » ? Le « véganisme » n’est pas un régime alimentaire, c’est une conduite de vie, qui consiste à ne consommer aucun produit issu des animaux ou de leur exploitation. Donc, suivre un régime végétalien, mais aussi ne pas porter de fourrure, ne pas porter de bijou composé de plumes ou d’écailles, ne pas aller voir des lions au cirque, etc.

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