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Fährmann, à Schalke jour suffit sa peine

Par Julien Duez
Fährmann, à Schalke jour suffit sa peine

Ce samedi contre Hambourg, Ralf Fährmann (29 ans) débutera entre les perches de Schalke 04 pour la 105e fois consécutive. Un record en Bundesliga, qui laisse dubitatif quant à son absence de convocation avec la Nationalmannschaft. Un tel taulier de l’élite allemande ne mérite pas cela.

Lorsque l’arbitre sifflera le coup d’envoi entre Hambourg et Schalke, cela fera 462 minutes que le gardien des Königsblauen n’a pas encaissé le moindre but. Un chiffre d’autant plus percutant qu’il inclut une victoire à l’extérieur contre Wolfsburg (0-1), au cours de laquelle Ralf Fährmann a stoppé le onzième penalty de sa carrière, intégrant dans la foulée le top 20 des gardiens les plus performants de l’histoire de la Bundesliga dans cet exercice. « Je marche sur les traces de Norbert Nigbur » , se réjouissait-il après la rencontre, en faisant référence au légendaire portier de Schalke 04 qui pointe à la troisième place du classement et compte six longueurs d’avance sur celui qui pourrait bien le rejoindre également dans le cœur des supporters. Si ce n’est déjà fait.

Un survêtement rapiécé par la grand-mère

En Allemagne, l’expression « typisch Schalke » désigne la quasi-impossibilité du club de Gelsenkirchen à concrétiser ses bonnes performances en fin de saison. Dans le cas de Ralf Fährmann, on la traduirait plutôt par « typiquement de Schalke » , tant le gamin de Chemnitz (que l’on appelait encore Karl-Marx-Stadt lors de sa naissance, un an avant la chute du mur de Berlin) fait partie des meubles. Issu d’un milieu modeste – un père maçon, une mère secrétaire qui fait des ménages pour arrondir les fins de mois –, le jeune Ralf attrape très vite le virus du foot grâce à son grand frère Falk, qui a lui-même joué gardien de but dans un club local. Ses premiers pas aux VfB Chemnitz impressionnent et lui valent de représenter la Saxe dans un tournoi interrégional, lors duquel il est repéré par les scouts de Schalke. Lorsqu’il a 14 ans, le téléphone sonne et c’est son frère qui lui annonce que les Königsblauen veulent le recruter dans leur internat.

Toute la famille se rend dans la Ruhr pour y négocier les termes du contrat. Sa mère n’a qu’une interrogation : le club fournit-il le matériel ou la famille doit-elle s’en occuper ? En effet, Ralf n’a qu’un pantalon de jogging, plusieurs fois rapiécé par sa grand-mère, faute de moyens suffisants. « Ne vous faites pas de soucis, Madame Fährmann !, répondent les responsables du centre en riant. Nous nous occuperons bien entendu de l’équipement de votre fils. » Ainsi commence l’aventure de Ralf Fährmann à Schalke 04, sa nouvelle maison. « Le premier baiser, la première sortie en boîte, la première bière avec les copains, tout ça je l’ai vécu ici » , se souvient-il. S’il s’autorise de temps à autre une Fünfzig-Cent-Party, ces soirées où les shots coûtent cinquante centimes, il n’en reste pas moins un bosseur acharné, sur les terrains comme à l’école. Ainsi, lorsqu’il se remet de sa première blessure – une déchirure au tendon –, il réclame qu’on lui apporte ses cours sur son lit d’hôpital.

« Fährmann est un pur représentant de l’école est-allemande, un enragé des entraînements » , résume son ancien entraîneur Oliver Reck. D’un tempérament solitaire, il économise sur son petit salaire d’interne pour s’acheter une carte de train et retourne à Chemnitz le week-end se ressourcer en famille. « Quand je suis avec ma grand-mère, je redeviens tout de suite saxon. On se parle en dialecte ! Et lorsque je suis à la maison, je dors encore dans ma chambre d’enfant. Rien n’a changé depuis dix ans, à part la taille de mon lit » , plaisante-t-il.

Le Revierderby comme baptême du feu

À l’internat, sa chambre donnait sur la Veltins-Arena. « Mon rêve, c’était de pouvoir y jouer juste un match » , évoque-t-il modestement. Contre Hambourg, il portera la tunique Königsblau pour la 203e fois, presque dix ans après sa grande première chez les pros, célébrée à l’occasion du match le plus chaud d’Allemagne : « Derby contre Dortmund. À l’extérieur. On mène 3-0 et on peut même en mettre un quatrième ou un cinquième. Et puis tout s’inverse. Deux expulsions. On encaisse un but sur hors-jeu, puis un penalty franchement discutable. Finalement, c’est 3-3. Dans cette rencontre, il y avait absolument tout » , raconte Fährmann, qui profitait ce jour-là de la blessure d’un certain Manuel Neuer, lequel revient après trois parties et fait rentrer le bleu dans le rang. S’ensuivent une première rupture des ligaments croisés, un transfert à contrecœur vers Francfort pour gagner du temps de jeu et une étiquette d’espoir déchu qui commence à lui coller à la peau. Quelques boulettes passées à la postérité se chargeront d’enfoncer le clou.

Lorsque l’Eintracht est relégué en D2, Schalke, qui cherche à remplacer Neuer parti au Bayern, active une clause libératoire dans le contrat de Fährmann, moins cher que les deux alternatives que sont Kevin Trapp et Ron-Robert Zieler. Mais la renaissance tourne court : juste après avoir remporté la Supercoupe d’Allemagne contre Dortmund, il se refait les croisés et c’est le vétéran Timo Hildebrand qui se charge d’essuyer les plâtres en son absence. On croit alors à une irrattrapable descente aux enfers, mais Fährmann s’accroche, en s’attachant notamment les services d’un coach mental qui l’aide à positiver. « Le subconscient ne connaît pas le mot « pas », analyse-t-il. Si l’on se dit « je ne dois pas encaisser », alors la peur d’encaisser surgit directement. Il vaut mieux reformuler ce genre d’expression en disant par exemple « je vais arrêter chaque ballon. » » Son mental d’acier devient sa meilleure arme. Depuis la 26e journée de la saison 2015-2016, il n’a plus manqué un seul match avec Schalke, dont il a récupéré le brassard de capitaine après le départ de Benedikt Höwedes. Une récompense méritée pour ce clubman moderne.

Injustement oublié ?

À 29 ans, le seul vrai point noir de la carrière de Ralf Fährmann concerne la Nationalmannschaft. Jamais appelé par Joachim Löw, son nom est devenu le synonyme d’un débat sans fin sur le choix du troisième gardien. Si la place de numéro un est indiscutablement réservée à Manuel Neuer depuis la Coupe du monde 2010, bien que Marc-André ter Stegen pourrait monter sur le trône en Russie, la concurrence fait rage pour le suppléer. À commencer par Bernd Leno et Kevin Trapp, entre lesquels le dernier ticket risque de se jouer. Et pourtant, au vu de sa régularité, sa présence ne serait pas complètement imméritée, ne serait-ce que pour transmettre son mental au reste de l’effectif. En attendant – pour citer un lieu commun –, l’intéressé prend les matchs un par un et savoure sa sérénité retrouvée : « Chaque match joué pour ce super club est comme un cadeau » , sourit-il, en avouant tout de même « ne pas perdre espoir » à l’approche d’une grosse échéance internationale. Mais sa non-convocation lors des amicaux face à l’Espagne et au Brésil laisse penser que Joachim Löw ne compte pas changer son fusil d’épaule vis-à-vis de ce taulier de la Bundesliga. Qu’importe, son histoire n’est pas terminée et elle est déjà belle.

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Par Julien Duez

Propos recueillis par Bundesliga.de, Focus, Goal, Schalke04.de, Spox et Stern.

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