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Face à l’Angleterre, les Bleus viennent mesurer leurs limites
Alors que les Bleus se relaient pour tenir le cordon de la sérénité depuis la victoire face à la Pologne, ce quart de finale de Coupe du monde contre l'Angleterre, aussi incertain qu'intriguant, devrait permettre d'établir la hauteur du plafond de cette équipe de France.
Puisqu’ils ne cessent de le répéter à qui veut l’entendre, pourquoi ne pas les croire ? Pourquoi ne pas accorder le moindre crédit à ces gaillards qui affirment depuis qu’ils ont réussi à faire plier la Pologne (3-1) dimanche dernier que tout va bien ? Ils ont beau avoir dû faire le dos rond pendant une grosse vingtaine de minutes, ils hurlent qu’il n’existe aucune raison d’avoir la trouille. Adrien Rabiot, solaire depuis le début de cette Coupe du monde, est même venu le faire très vite après le succès face aux Polonais : « Une première période quelconque ? Je ne l’ai pas ressenti comme ça. On a vu qu’en accélérant, on pouvait les mettre en difficulté, même si on a concédé quelques occasions. Sur l’ensemble du match, je trouve qu’on a plutôt maîtrisé notre sujet, notamment en seconde période. On n’a pas douté et on a été assez sereins. » D’ailleurs, tous ceux qui ont été envoyés occuper le terrain médiatique depuis la qualification des Bleus pour ce qui va être, samedi soir, leur troisième quart de finale de Mondial consécutif, sont venus remettre un coup de marteau sur le clou planté par le joueur de la Juventus : ce groupe dort sur ses deux oreilles, contrôle ce qu’il se raconte sur sa pomme à l’extérieur et aurait même, selon les différents témoins entendus, au-dessus de lui un Didier Deschamps dans la forme de sa vie.
Vraiment ? « Il a très bien préparé cette compétition, est venu appuyer sans surprise son épaule, Guy Stéphan, mardi. Quelques fois, cela a moins bien fonctionné, mais il savait exactement ce qu’il voulait faire. » Olivier Giroud, qui se balade depuis quelques jours avec un pin’s de « meilleur buteur de l’histoire du pays » accroché sur le veston, va aussi dans ce sens : « Il nous parle beaucoup, tous les jours, et encore plus quand on se rapproche du match. C’était peut-être un peu moins le cas, notamment avec moi, à l’Euro. » Un sélectionneur en maîtrise, des joueurs qui ne se dispersent pas, un mix des générations réussi – « Les cadres nous libèrent. Ils nous laissent une liberté d’expression et d’échec. Au moment du match, on se met en retrait, car c’est leur boulot, le moment où ils orientent toute l’équipe, mais en dehors, ils ne sont pas sur notre dos 24h/24, tout le monde peut rigoler. Du coup, quand ils nous disent A, tout le monde fait A, et si un jeune fait B, ils lui disent que ce n’est pas grave, qu’il fera A la fois d’après » (Youssouf Fofana) -, un Mbappé dorloté par le projet de jeu et par ses coéquipiers, aucun nuage dans le ciel : alors, quoi ? Bonne question.
Des Bleus imparfaits, mais voraces
Quatre ans après voir vu les Bleus de 2018 s’approcher de l’Uruguay après être monté dans les tours face à l’Argentine, ceux de 2022 s’avancent vers l’Angleterre avec une autre allure, une autre histoire, d’autres ressorts, et semblent n’être seulement qu’au début de leur histoire commune à l’heure où cette aventure qatarie pourrait brutalement s’arrêter. Depuis quelques jours, chacun cherche alors à se rassurer, et le moindre point d’interrogation est secoué dans tous les sens. Il a ainsi été question jusqu’à l’indigestion du duel à venir entre Kylian Mbappé et un Kyle Walker qui, lorsqu’il est à 100% de ses capacités physiques, peut être le meilleur lasso du monde pour ligoter l’attaquant français. Il y a aussi eu beaucoup de débats sur une spécialité anglaise – les coups de pied arrêtés – qui a évidemment occupé les jours et les nuits du staff tricolore cette semaine. Le cas d’un autre génie, Jude Bellingham, a également été évoqué, mais à force de discuter petits détails et gros réglages, on en aurait presque fini par oublier l’essentiel.
Si l’on souhaite se pencher sur ce quart de finale, c’est avant tout pour ce que l’on ne sait pas : verra-t-on l’Angleterre, qui pourrait changer de système, déployer sa possession défensive et imposer son rythme à une équipe de France qui ne demande rien d’autre que des grands espaces à attaquer ou assistera-t-on, au contraire, à un match de ping-pong, sans grand contrôle, où chaque camp s’échangera de grandes beignes en transition ? Ces Three Lions ont tout pour appuyer dans les plaies bleues, et les hommes de Deschamps, qui retrouve un autre pragmatique avec Southgate, possèdent tout le talent pour les vampiriser, c’est le charme principal de ce quart qui pourrait avant toute chose être une guerre d’usure. Cette équipe de France, aussi imparfaite que vorace, qui ne s’est jamais retrouvée, ce qui est sa force comme sa faiblesse, dans la situation qui aiderait chacun à dessiner ses frontières – la voir se débrouiller avec un Mbappé menotté – a en tout cas une grande arche devant elle au moment de trinquer avec un voisin qu’elle n’a jamais battu en Coupe du monde. Un quart de finale de Coupe du monde est un bon moment pour se découvrir un peu plus encore. Alors, quoi ?
Par Maxime Brigand, à Doha