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Eysseric, 10 de Nice
Revenu sur la pointe des pieds à Nice dans l'ombre des recrues phares, Valentin Eysseric s'est imposé comme un des hommes forts de la phase retour. Quatre ans après avoir fait entrevoir d'immenses promesses, le voilà enfin tel qu'on aurait toujours voulu le voir : brillant et investi.
Yannick Ferreira Carrasco, Layvin Kurzawa, Nampalys Mendy, Valentin Eysseric… Nous sommes en 2011 et les jeunes de l’AS Monaco viennent de remporter la Gambardella. Parmi tous ces joueurs aux noms qui deviendront plus ou moins ronflants, un monopolise alors l’attention. Aujourd’hui, il ne joue ni à Paris ni à Madrid, mais à une vingtaine de kilomètres seulement de la Principauté. Jérôme Phojo, actuel latéral droit des Herbiers en National, se souvient d’un coéquipier au talent différent : « Valentin était déjà promis à un grand avenir. Je ne sais pas s’il était considéré comme le plus prometteur du centre, mais j’ai tout de suite entendu parler de lui à mon arrivée au club. Tout le monde disait que si Makengo avait signé pro aussi tôt(Terence Makengo, avant-centre évoluant désormais en Pologne, au Zagłębie Sosnowiec, est le plus jeune joueur de l’histoire de l’ASM à avoir signé un contrat pro, ndlr), c’était en partie grâce à Valentin et ses passes. » Après quelques matchs prometteurs en Ligue 2 et un retour en CFA à la suite du rachat du club, Eysseric file à Nice à l’été 2012, créant l’incompréhension chez les supporters monégasques. François Ciccolini, son coach en U19, peine à contenir son verbe passionné dans L’Équipe au moment de commenter le départ de son ancien protégé chez le voisin azuréen : « C’est le joueur le plus talentueux de sa génération. Que Monaco l’ait laissé filer, c’est n’importe quoi. Il a tout. »
Régalade au Ray, cauchemar à Geoffroy-Guichard
Au vu de sa première saison sur la French Riviera, il est alors difficile de donner tort à l’entraîneur corse tant la pépite de la génération 92 éclabousse de sa classe les pelouses de Ligue 1. Des buts spectaculaires, une vision de jeu au-dessus de la moyenne et, surtout, une élégance balle au pied qui donne envie d’oser des comparaisons indécentes. Le gamin a vingt années au compteur et les dix prochaines semblent déjà lui appartenir. Point d’orgue de ses débuts au plus haut niveau : un certain Nice-PSG, déjà, le 1er décembre 2012. L’Aixois répond à l’égalisation d’Ibrahimović et offre une victoire de prestige à l’équipe de Claude Puel (2-1). Un destin semble se tracer à chacune de ses foulées, match après match. Les dirigeants niçois flairent l’affaire et lèvent sans attendre l’option d’achat. Mais, trois mois plus tard à Geoffroy-Guichard, l’esthète sort de son rôle et tacle sévèrement Jérémy Clément, victime d’une spectaculaire fracture du tibia-péroné. Des images qui tournent en boucle sur les écrans et dans sa tête. Suspendu onze matchs, il voit sa belle saison prendre brutalement fin.
Le dilettantisme du dix
Le meneur de jeu peine à se remettre de cet épisode et ne franchit pas le cap. Les relations avec Puel se distendent, le coach niçois allant même jusqu’à l’expédier en CFA. Le divorce est consommé. Après deux saisons ternes, Eysseric file en prêt à Saint-Étienne. Une expérience mitigée, tant le style de l’équipe de Galtier semble à l’opposé des caractéristiques du joueur : prêt à faire l’amour aux défenses adverses, moins à faire la guerre. Malgré tout, il distille avec parcimonie quelques passes dont il a le secret et enfile ses habituels buts à clics. « Techniquement, il a toujours été au-dessus, dans les prises de balle, l’utilisation des deux pieds… » , renchérit Jérôme Phojo. Mais, agacé par son manque d’investissement, le Forez ne tombe pas sous le charme et le renvoie sur la Côte d’Azur à l’intersaison. Problème : ses déclarations maladroites à l’égard du club un an plus tôt ont du mal à passer chez les supporters, qui ne voient plus en lui qu’un joueur nonchalant au mental fragile. Le tout à un an de la fin de son contrat, avec un certain Younès Belhanda dans les pattes. Une saison galère en perspective, donc.
Nouveau coach pour une nouvelle vie
Mais à toute rédemption son rédempteur : il s’appellera Lucien Favre. Le coach suisse n’a que faire des « on dit » et décide de conserver l’ancien Monégasque avec une idée en tête : lui transmettre le goût de l’effort. Pas évident à première vue, mais le joueur de vingt-cinq ans sait aussi donner quand il prend du plaisir. Le renouveau est enclenché et c’est maintenant dans la peau d’un vrai titulaire qu’Eysseric aborde la fin de saison niçoise (treize titularisations de suite en championnat, trois buts et six passes décisives sur ce laps de temps). « Aujourd’hui, Valentin est incontournable dans cette équipe. Il progresse, court plus, fait davantage d’effort. Il l’avoue lui-même. Favre semble être le coach parfait pour l’amener plus haut. Il le pousse parce qu’il a vu quelque chose en lui » , souligne Jérôme Phojo. Sa vista de meneur créatif retrouvée, il devient enfin ce qu’il aurait toujours dû être : un aimant à compliments. Et c’est désormais avec son destin qu’il a rendez-vous. La raisonnable ambition ? Prolonger l’état de grâce et dissocier, pour de bon, son nom de celui de Jérémy Clément dans les recherches YouTube.
Par Christophe Depincé