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Euro 92 : Le Danemark dit oui à l’Euro

Par Thomas Goubin
Euro 92 : Le Danemark dit oui à l’Euro

Avant la Grèce en 2004, il s'agissait du résultat le plus surprenant de l'histoire de la compétition : le Danemark, champion d'Europe. Le fruit de la négligence adverse, d'un certain talent nordique (B.Laudrup, Olsen, Schmeichel), et d'un contexte géopolitique agité.

L’Euro 92 a débuté le 9 novembre 1989. Le mur de Berlin fuit de toutes parts, et l’influence de l’évènement qui a rebattu les cartes de l’ordre mondial ne sera pas sans conséquence sur le tournoi sportif. Fille du desserrement de l’étau autoritariste, la poussée des nationalismes en Europe de l’Est va ainsi conduire à l’éclatement de la Yougoslavie, et à l’expulsion de sa sélection au profit du Danemark. L’histoire est connue, et pour Brian Laudrup & co, elle sera belle. Le bouleversement de la géographie européenne ne sera pas non plus sans conséquence sur le destin allemand, l’autre finaliste.

Quand le tirage au sort des éliminatoires de l’Euro est effectué, le processus de réunification n’est pas encore achevé, et des boules taquines placent la RDA et la RFA dans le même groupe. Séparés pendant un demi-siècle, Est et Ouest finissent par se réunir quelques semaines avant le coup d’envoi de la campagne européenne. L’Allemagne va progressivement intégrer les plus talentueux Ossies, dont Mathias Sammer, le futur Ballon d’Or 1996, qui disputera la finale de l’Euro en titulaire. Un autre invité a vu son identité évoluer dans les mois précédents la compétition : l’URSS, qualifiée comme telle, disputera le tournoi en représentant de la CEI. Les maillots CCCP sont rangés dans les placards de l’histoire.

Une France paralysée et le sosie de Kim Wilde

Avant d’être écartée du dernier Euro à se jouer à huit, la Yougoslavie pouvait être considérée comme la favorite du tournoi, tout du moins comme le plus beau des outsiders. L’ensemble balkanique réunissait, entre autres, les talents insolents de Robert Prosinečki, Dejan Savićević, Davor Šuker, Darko Pančev, et Siniša Mihajlović. L’éviction de la Yougoslavie va finalement placer la France seule face à l’Europe. Auteur d’un parcours parfait en éliminatoires (huit victoires en huit matches, dans un groupe où elle côtoyait l’Espagne et la Tchécoslovaquie), l’équipe guidée par Michel Platini va se pétrifier en Scandinavie, trop perméable à la pression.

En Suède, un vent de fraîcheur va souffler sur l’Euro. Repêché et pas franchement préparé, le Danemark s’immisce dans le dernier carré. Le pays hôte s’y glisse également pour la première fois de son histoire. Le 17 juin, date de l’ultime journée du groupe A, France et Angleterre maîtrisent pourtant encore leur destin, mais vont terminer la tête sous l’eau glacée de la mer du Nord. Les Bleus et les Three Lions s’inclinent sur le même score (2-1). Lors du dernier quart d’heure, un but du danois Lars Elstrup, joueur de l’OB Odense, met fin aux illusions de Papin, Cantona et Deschamps. Le bourreau des Anglais se nomme Tomas Brolin, le poupon suédois, pas loin d’être alors le sosie le plus convaincant de Kim Wilde.

Schmeichel > van Basten

Dans l’autre groupe, les Pays-Bas se font plaisir. Lors de l’ultime rencontre, ils marchent à nouveau sur l’Allemagne (3-1), après leur succès libérateur de 1988. La Mannschaft s’en remet finalement aux circonstances favorables pour passer. Car l’Écosse, séduisante mais déjà éliminée, ne va pas jouer les passives devant la CEI. À Norrköping, les McClair, McCall et McAllister s’amusent des Mikhailichenko, Aleinikov et toute la clique de l’ex-URSS (3-0). Après deux matches nuls encourageants face aux Pays-Bas et à l’Allemagne, la CEI sort par la petite porte.

Le bilan de la phase de poule conduit à tabler sur une finale Pays-Bas – Allemagne, pour définitivement régler les comptes de 1974. Qu’un nouveau conte d’Andersen soit écrit en 1992 ne traverse, alors, pas encore l’esprit de l’Europe. Il est même entendu que van Basten, Rijkaard et Gullit, désormais appuyés par le jeune Bergkamp, vont se charger de gentiment raccompagner les Danois vers leur drakkar. Privés de Michael Laudrup, en conflit avec le sélectionneur Richard Møller Nielsen, les rappelés de dernière minute ne sont clairement pas encore pris au sérieux, malgré leur place dans le dernier carré. Résultat : le Danemark dégomme les arrogants Oranje au terme d’une séance de tirs aux buts (2-2, 5-4 t.a.b). Un classique des grands tournois veut que le meilleur joueur d’une sélection provoque l’élimination des siens. C’est le cas de Marco van Basten, dont la frappe est repoussée par Peter Schmeichel, le meilleur gardien du tournoi.

Les Danois en tongs

Le Danemark est en finale, pendant que Serbes, Croates et Bosniaques continuent de s’entre-tuer. Brian Laudrup et consorts affronteront l’Allemagne. Privée de Matthaus et Voller, forfaits, mais menée par le nain Thomas Häßler, la Mannschaft signe son meilleur match de la compétition en demi-finales, pour éliminer la talentueuse génération suédoise (3-2). Celle des Brolin, Dahlin et Limpar, qui atteindra la demi-finale de la Coupe du Monde en 1994. C’est encore entendu, l’impitoyable Mannschaft va ramener ces insouciants danois à la réalité, et ajouter un nouveau trophée à son imposante vitrine. Depuis le dénouement de l’Euro 92, une image bucolique colle aux Danois. Celle de souriants Vikings, en tongs et bermudas, qui projetaient leurs vacances aux quatre coins du monde, avant de devoir renfiler shorts et chaussures à crampons.

Au vrai, la sélection nordique se trouvait rassemblée pour disputer un match amical face à la CEI au moment où la nouvelle de son repêchage lui est parvenue. Le relâchement danois était bien relatif. Le récit médiatique s’était toutefois emballé, et pendant l’Euro, le camp de base des Scandinaves n’était pas loin d’être décrit comme un club Med. En finale, les Allemands se figuraient-ils leurs adversaires en bermudas et en tongs ? Le sélectionneur Berti Vogts a confessé, après coup, que ses hommes, à son grand dépit, n’avaient pas abordé la finale le couteau entre les dents. Résultat : Jensen, Olsen et B. Laudrup vont encore bousculer l’ordre établi, et corriger proprement l’Allemagne (2-0). Le Danemark, qui venait de rejeter le traité de Maastricht, n’avait rien contre cet Euro-là.

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