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Cristiano Ronaldo, légende clivante
Avant d’aborder sa première rencontre de l’Euro face à la Tchéquie, la sélection portugaise dispose de certitudes à presque tous les postes. Presque, car Cristiano Ronaldo lui-même n’est pas sûr d’être un titulaire indiscutable de ce onze. Malgré le niveau qu’il affiche encore, son statut reste remis en cause par de nombreux spécialistes et supporters.
Un peu avant 19 heures, le 6 décembre 2022, une bombe est larguée sur le football portugais : pour le huitième de finale de la Coupe du monde face à la Suisse, Cristiano Ronaldo commence la rencontre sur le banc. Le sélectionneur, Fernando Santos, lui préfère Gonçalo Ramos. Et les évènements lui donnent raison. Une victoire 6-1 et un triplé de son poulain plus tard, la Seleção est qualifiée pour le tour suivant, et une nouvelle fois, Ronaldo n’est que remplaçant. Mais le pari de Fernando Santos ne paie pas deux fois de suite, et le Portugal quitte le Qatar la tête basse. Pour Nuno Matos, voix mythique du football portugais sur la chaîne publique RTP1, la mise en retrait de Ronaldo à cette échéance est en cause. « Cette décision de le mettre sur le banc a créé un véritable malaise dans le groupe. À partir de ce moment, rien n’était comme avant. C’était une terrible erreur », explique-t-il. Depuis, le Portugal a changé de sélectionneur en engageant Roberto Martínez, qui a démontré sa confiance en CR7. La décision du 6 décembre 2022 n’en reste pas moins dans toutes les têtes et tout le monde s’interroge sur la capacité de Ronaldo à être indéboulonnable dans une sélection aussi compétitive, à 39 ans.
39 ans et toutes ses jambes ?
En posant ses valises en Allemagne, Cristiano Ronaldo participera au sixième Euro de sa carrière. Un record, dans une compétition où le Portugais est déjà le meilleur buteur avec un total de 14 réalisations. Avec cet historique et le reste d’un palmarès qu’on ne présente plus, le quintuple Ballon d’or démarrera vraisemblablement l’Euro en tant que capitaine d’une sélection dont il se veut le mentor. « Avoir un joueur comme Ronaldo dans son groupe pendant une telle compétition, c’est essentiel, explique Hélio Sousa, qui a passé près de dix ans à entraîner les sélections jeunes du Portugal. Il aide l’équipe à maintenir son cap, surtout pendant les jours de préparation entre les matchs. » Cette expérience devrait s’avérer d’autant plus déterminante que beaucoup de ses coéquipiers participeront à leur premier Euro, à l’instar de Vitinha, Rafael Leão ou Pedro Neto. Pour Nuno Matos, l’expérience et le niveau de Ronaldo continuent d’en faire un joueur intouchable de la sélection. Et ce, peu importe son âge et le championnat dans lequel il joue désormais. « Malgré son âge, il continue de battre des records et se montre en très grande forme. Tout cela s’ajoute au poids qu’il peut avoir aussi bien sur les adversaires que sur les arbitres », argumente le journaliste.
Même s’il approche des 40 ans, Cristiano Ronaldo n’a jamais paru en aussi bonne forme. Cette saison avec Al-Nassr, le Portugais a joué plus de 5000 minutes, soit plus que lors de n’importe quelle saison depuis 2016. La faible intensité du championnat saoudien nuance néanmoins cette prouesse, et beaucoup jugent que Ronaldo n’aura pas les jambes pour enchaîner au très haut niveau à un rythme effréné pendant un mois entier. C’est le cas de Paul Merson, un ancien international anglais. Dans un entretien accordé au média Sportskeeda, celui qui est désormais commentateur pour Sky Sports explique qu’il « laisserai[t] Ronaldo sur le banc au début de l’Euro ». Nuno Matos fait lui aussi part de ses doutes quant aux capacités physiques de CR7. « Je ne sais pas s’il sera capable d’enchaîner en tant que titulaire tous les quatre jours », hésite-t-il. Au-delà de l’âge du capitaine portugais, Nuno Matos ajoute un autre élément qui pourrait peser contre une titularisation de Ronaldo. « Quand il est sur le terrain, le reste de l’équipe peut ressentir plus de pression, sentir le besoin de jouer avec lui. Sans lui, le collectif s’illustre mieux. »
Jota et Ramos, un duo en embuscade dans l’esprit de Martinez
Par son statut et son talent, Ronaldo monopolise l’attention des supporters à chaque match de la Seleção. Il monopolise aussi celle de ses coéquipiers, qui s’effacent parfois à son profit. Un phénomène que l’on observe bien moins lorsque Diogo Jota ou Gonçalo Ramos, ses deux concurrents au poste, sont sur le terrain. Fernando Santos comme Roberto Martínez ont parfois préféré l’un de ces deux-là à Ronaldo pour des qualités précises. Tandis que l’avant-centre de Liverpool est apprécié pour son jeu dans les petits espaces, le jeune attaquant du PSG représente le meilleur élément pour mettre en place un pressing haut. « En plus de l’intensité qu’il met dans son jeu, Gonçalo Ramos a d’énormes qualités, précise Nuno Matos. Il a tout pour être titulaire, mais il a encore beaucoup de travail », tempère-t-il. Avec une petite dizaine de capes en sélection, le joueur parisien a aussi du mal à s’imposer en club. « Ronaldo joue peut-être dans un championnat bien moins compétitif, mais Gonçalo Ramos a longtemps été remplaçant au PSG, tandis que Diogo Jota revient d’une blessure de plusieurs mois, compare Hélio Sousa. Ça équilibre les choses. » Le match reste donc ouvert entre les trois protagonistes.
Sur le banc, il en est un qui aura forcément le sourire pour avoir de telles options à ce poste. Arrivé il y a un peu plus d’un an à la tête de la Seleção, Roberto Martínez a testé différents systèmes tactiques au fil des semaines, apparaissant plus pragmatique que dogmatique. « Avoir un tel choix à faire, c’est rendre son équipe imprévisible, explique Nuno Matos. Quand Ronaldo est titulaire, il conditionne l’adversaire. Quand il ne l’est pas, l’entraîneur adverse doit donc revoir tous ses plans », complète le commentateur sportif. Au sélectionneur espagnol désormais de faire ses choix, qu’ils paient ou qu’ils déçoivent. Mais pour la première rencontre de la compétition, contre la Tchéquie ce mardi, Hélio Sousa ne s’attend pas à une quelconque surprise. « Ronaldo commencera le premier match. C’est une échéance essentielle pour bien commencer sa compétition, et si ça ne marche pas comme ça, le sélectionneur pourra très vite revoir ses plans », indique l’ancien entraîneur des U19 portugais. Pour le reste de la compétition, chacun se veut plus mesuré, doutant de la capacité de Ronaldo à se maintenir à un très haut niveau d’intensité avec près de deux matchs par semaine.
Par Amaury Gonçalves
Tous propos recueillis par AG, sauf mentions.