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Euro 2016, la fin du football de possession ?

Tous propos recueillis par Nicolas Jucha
Euro 2016, la fin du football de possession ?

Espagne, Croatie, Belgique, Allemagne... Les équipes les plus techniques et ambitieuses dans le jeu ne sont pas arrivées au bout de l'Euro. Au contraire d'une France plus polyvalente et d'un Portugal au pragmatisme extrême. La fin d'une époque dominée par l'Espagne et l'Allemagne ou une simple parenthèse ?

En tombant contre la France, l’Allemagne a marqué la fin d’un dogme qui perdurait comme vérité absolue depuis 2008 : possession = victoire. Entre la grande Espagne d’Aragonés et Del Bosque, puis la Nationalmannschaft de Joachim Löw, le succès en grandes compétitions internationales devait passer par une maîtrise des débats et le pied fermement posé sur le ballon. L’Euro 2016, en positionnant la France et le Portugal pour se disputer la couronne continentale, a donc révélé qu’il était encore possible de gagner autrement, en laissant l’initiative du jeu à l’adversaire. Une vérité qui ne surprend pas plus que cela l’entraîneur du Stade rennais, Christian Gourcuff, car « avoir la possession, c’est important, c’est valorisant, mais si vous n’avez pas la percussion, les joueurs offensifs en mesure de profiter de cette possession, cela ne sert à rien. »

En clair, Allemands, Espagnols, mais aussi Belges ou Croates n’ont pas eu le facteur X dont profite la France avec Antoine Griezmann. « La Croatie a eu beaucoup d’occasions contre le Portugal, mais finalement ces derniers ont gagné en mettant au fond la seule qu’ils ont eue » , analyse le sélectionneur de la Bosnie-Herzégovine, Mécha Baždarević. Même constat à propos de l’Allemagne par Gourcuff : « Contre la France, l’Allemagne a fait une première période de très haut niveau, avec beaucoup de maîtrise, et la France a dû s’accrocher au résultat, s’en remettre aussi à son gardien. Mais avec un Müller à son meilleur niveau ou un Gómez sur le terrain, cela aurait peut-être été différent. » Seul contre-exemple, l’Espagne, qui disposait dans ses rangs d’un Álvaro Morata au talent rare. « C’est un attaquant merveilleux, avec un potentiel incroyable, mais contre l’Italie, le collectif derrière n’a pas su le mettre dans les meilleures dispositions, alors que dans un match plus facile contre la Turquie, il avait été impressionnant » , soutient Baždarević. Un exemple qui nous montre « que pour aller au bout d’un tournoi international, il faut beaucoup d’ingrédients » . Ce dont dispose la France.

Baždarević : « On va retrouver une grosse équipe d’Espagne, peut-être dès 2018 »

« L’équipe de France a Antoine Griezmann, qui peut faire la différence dans la zone de vérité, mais aussi d’autres joueurs qui permettent de jouer dans d’autres configurations, de parfois subir le jeu et faire le dos rond » , estime l’ancien entraîneur de Sochaux et Grenoble. Un gardien qui fait les bons arrêts, des milieux qui récupèrent, des défenseurs qui mettent le pied pour renvoyer les centres adverses… « Et aussi un peu de réussite, parce qu’il en faut aussi. » Face à la Croatie, le Portugal s’est frayé un chemin au mental, quand les Gallois ont bouté les Belges hors de l’Euro avec un esprit collectif plus fort. Gourcuff : « Il faut aussi de la solidarité pour gagner, et des convictions fortes pour porter un projet de jeu. Pour ces équipes, les raisons de l’élimination sont diverses, mais on peut penser qu’il y a une question de fin de cycle pour l’Espagne, voire l’Allemagne, et un manque de solidarité, d’esprit collectif pour d’autres équipes comme la Belgique. Regardez les sélections britanniques : à part l’Angleterre qui était dans un registre de possession, toutes ont dépassé les attentes en s’appuyant sur des vertus collectives. »

Si les équipes privilégiant la possession de balle ont souffert pendant la compétition, Christian Gourcuff comme Mécha Baždarević refusent d’y voir la fin d’une conception du football, bien au contraire. « Le football, c’est constitué de cycles qui se succèdent. On a eu le catenaccio, ensuite le grand Brésil… Les équipes avec un plan de jeu ambitieux reviendront en force et gagneront d’autres titres dans le futur, le tout est d’avoir une génération qui puisse porter ces idées » , annonce l’entraîneur breton. Quand le Bosnien voit même la Roja espagnole renaître de ses cendres très vite : « Dans peu de temps, peut-être même dès le Mondial 2018, on va retrouver une très grosse équipe d’Espagne, car il y a de très bons jeunes qui poussent. Morata aura deux ans de plus, et il ne sera pas seul. Pareil pour l’Allemagne, avec toujours ce style offensif, ils seront en mesure de gagner d’autres tournois. »

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