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Et si Arsenal était en train de renaître ?
Quatrièmes de Premier League après neuf journées, les Londoniens surfent actuellement sur une vague de confiance totale enclenchée par Unai Emery. Il n'en fallait pas plus pour faire naître l'idée d'un retour aux affaires sérieuses des Gunners. Et si c'était vrai ?
Alors, comment c’était ? « Sexy » , tranche Mesut Özil entre 124 caractères glissés dans le bec de l’oiseau bleu à la suite d’un lundi soir qui aura vu Arsenal enchaîner, face au Leicester de Claude Puel (3-1), une dixième victoire consécutive toutes compétitions confondues pour la première fois depuis 2007. Voilà pour la forme. Le fond, maintenant : après neuf journées de Premier League, les Gunners pointent à la quatrième place de Premier League, n’ont plus perdu depuis un mois d’août au milieu duquel ils avaient démarré la saison par deux défaites de rang (Manchester City, Chelsea) et il n’en fallait pas plus pour siffler le retour à la surface de l’ADN injecté à Londres, il y a plusieurs années, par Arsène Wenger. Celui de sa première décennie à Londres (1996-2006), celui de la période Bergkamp, on s’entend. Un but, inscrit à vingt-quatre minutes du terme, pour résumer le constat : Leno pour Holding, Holding pour Xhaka, Xhaka pour Torreira, Torreira pour Özil, Özil pour Guendouzi, Guendouzi pour Bellerín, Bellerín pour Lacazette, Lacazette pour Özil, Özil pour Aubameyang. Neuf passes, neuf hommes dans le vent, un but, une ode au football vivant, du pur bonheur et la confirmation qu’un socle a bien été posé par Unai Emery afin que Mesut Özil, capitaine pour la première fois de sa vie en Premier League, réalise ses tours et pour que la paire Aubameyang-Lacazette fasse apparaître les lapins. Là est le premier tour de force du technicien basque en Angleterre, qui aura une nouvelle fois terminé la soirée avec un cri dans les oreilles : « We’ve got our Arsenal back. » Vraiment ?
Incorporer et sécuriser
Il faut d’abord comprendre le soulagement des supporters d’un club où la soul était devenue un mirage. Lors des dernières saisons, Arsenal était prévisible, Arsène Wenger patinait dans l’approche : une histoire de la lassitude. Ce que les joueurs eux-mêmes n’ont pas caché, Héctor Bellerín n’hésitant pas à tourner complètement la page de l’ère Wenger : « C’est comme si on venait tous de signer dans un nouveau club. » Brutal, mais révélateur d’une machine qu’il fallait retaper, ce à quoi Emery s’est attelé dès son arrivée en remettant tous les compteurs à zéro, et ce, à tous les niveaux. Une chose n’a pas changé : le système, un 4-2-3-1, qui comme tous les systèmes à ses qualités et ses défauts, mais qui lui permet d’incorporer au mieux ses préceptes dans la tête de ses hommes. Des hommes qui sont d’ailleurs plus ou moins les mêmes que la saison dernière, à l’exception de Bernd Leno, dont le profil correspond davantage à l’exigence de relance au sol de l’entraîneur basque, de Lucas Torreira, débarqué cet été pour faire franchir un cap tactique aux Gunners, ou de Mattéo Guendouzi, lui aussi arrivé durant le mercato estival et rapidement devenu un homme de rotation essentiel aux yeux de l’ancien coach du PSG.
Alors, qu’est-ce qui a changé ? Premièrement, Unai Emery a réussi à (ré)activer deux curseurs essentiels à la réussite d’un groupe professionnel : la confiance et le plaisir. Comme l’a rappelé Thierry Henry lors de son premier jour à l’AS Monaco, la confiance d’un joueur tient en premier lieu à sa sécurité et « sécuriser un joueur, c’est déjà arriver à lui faire comprendre, lorsqu’il entre sur le terrain, ce que tu veux lui faire faire » . À Arsenal comme à Paris ou à Séville, entre autres, Emery a commencé ce travail en multipliant les séances vidéo et en y ajoutant des marques de soutien permanentes, notamment auprès d’Iwobi et Lacazette, souvent excellent depuis le début de saison. Tout le monde sait ce qu’aurait provoqué, à même époque la saison dernière, deux défaites lors des deux premières journées de championnat : cette fois, personne n’a paniqué, et chaque joueur a accepté de suivre Unai Emery dans son processus.
Emery, roi des changements
Un processus qui fonctionne d’abord car le Basque donne le sentiment de maîtriser le déroulé d’une rencontre, d’être en capacité de prendre le dessus sur les évènements : cette saison, Arsenal a concédé à quatre reprises l’ouverture du score (contre Manchester City, Chelsea, West Ham et Leicester) et est rentré à huit reprises aux vestiaires avec un nul au tableau d’affichage (sur neuf journées). Là aussi, pas de panique, car Emery possède un plan B, là où Wenger se contentait le plus souvent, lors des dernières saisons, d’effectuer des changements poste pour poste. Aujourd’hui, l’Emirates a vu débarquer un entraîneur proactif dans son management et qui a déjà fait basculer au moins trois rencontres grâce à des modifications tactiques, notamment à Fulham (1-5) où, après avoir été bousculés pendant toute une mi-temps, les Gunners ont dansé sur Craven Cottage. Lundi, ce jeu de pions aura été encore plus bluffant : accroché à la pause 1-1, Emery a décidé à quarante minutes de la fin de faire entrer Aubameyang à la place de Lichtsteiner, aux fraises, et Guendouzi à la place de Mkhitaryan. Là, on a vu Granit Xhaka glisser en position de latéral gauche, Aubameyang s’installer devant lui, et tout a repris forme, Lucas Torreira livrant au passage une nouvelle copie monstrueuse au milieu. Reste qu’Emery l’affirme : le plus dur est à venir, Arsenal « devant maintenir l’exigence à des standards très élevés » sans se précipiter.
Ne pas se précipiter est une évidence, car Arsenal possède encore des failles : une défense encore loin d’être totalement rassurante, ce sur quoi Leicester s’est appuyé pendant une grosse demi-heure lundi soir avant de craquer ; une incapacité à imposer le rythme dès le début de la rencontre ; et une micro-dépendance (qui est aussi la force des Gunners) aux remplaçants pour faire la différence, Arsenal étant pour le moment l’équipe dont les entrants ont le plus pesé statistiquement en Premier League (ils sont impliqués dans 9 buts sur les 22 inscrits au total par les hommes d’Emery depuis la première journée). Le calendrier a également été jusqu’ici un atout, et Arsenal sera surtout attendu le 3 novembre prochain, date du passage de Liverpool par l’Emirates. Unai Emery ne s’en cache pas et refuse de griller les feux : le sexy est de retour à Arsenal, reste désormais à le transformer prochainement face aux gros (une petite victoire seulement lors des douze dernières confrontations face aux membres du big 6). Histoire de tourner le sexy en coup de foudre.
Par Maxime Brigand