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Et à la fin, c’est la France qui gagne

Par Mathieu Rollinger, au Stade de France
Et à la fin, c’est la France qui gagne

L'Allemagne est tombée ce mardi au Stade de France sur une équipe qui aurait pu être son reflet d'il y a encore quelques années. À savoir une machine capable de renverser les situations avec une efficacité clinique, même les soirs où l'inspiration peut manquer. Car même si tout n'est pas parfait, les Bleus n'ont toujours pas bradé leur titre de champions du monde.

La sémantique n’est pas figée. Cela tombe bien, les règles du football international non plus. Il y a 28 ans, au soir d’un troisième sacre mondial de la Nationalmannschaft, l’Anglais Gary Lineker énonçait que « le football est un jeu où 22 types courent après un ballon, et à la fin c’est l’Allemagne qui gagne » . Une définition que beaucoup pensaient immuable, telle une vérité générale, au temps où le onze germanique avait rarement l’occasion de se ramasser. Pourtant, l’ancien avant-centre anglais a pris la peine de revenir sur son jugement, quelques minutes après la victoire des Français en Ligue des nations(2-1), dans un match où le « froid réalisme allemand » est apparu comme un concept éculé, à l’inverse d’une nouvelle tendance qui verrait les Bleus comme l’incarnation de cette sérénité au moment d’aller chercher ses trois points. Au point de réviser son jugement : « France is the new Germany » , a-t-il écrit sur Twitter. Oui, la France a désormais un style – très deschampesque dans les termes – et « gagner à la française » est désormais une marque déposée.

Le Poupou des temps modernes est allemand

Faut-il encore savoir de quoi on parle. Si le principe d’une Allemagne triomphante quels que soient le contexte et les évènements a fait son temps, c’est aussi parce que le principal concerné a quelque peu bafouillé son football ces derniers mois. Une perte d’identité qui prend la forme d’une inefficacité chronique devant les cages, ce qui a si longtemps fait la force du Elf allemand à travers les âges. Joachim Löw, plus que jamais sur la sellette après avoir concédé une quatrième défaite en une année, a justement pointé du doigt ce mal qui parasite son équipe, malgré un fonds de jeu pas essentiellement répugnant. « On n’a pas été assez décisif face au but. On a eu des occasions et on méritait de gagner, car on était la meilleure équipe sur le terrain, regrettait le sélectionneur en conférence de presse. On a manqué d’intelligence et de sang-froid. Si on avait marqué le 2-0, on aurait joué de manière plus calme et sans doute remporté cette rencontre. » Le genre d’analyses qu’avaient plutôt coutume de servir les Français en sortant des confrontations face à leurs voisins d’outre-Rhin, à l’époque.

Aujourd’hui, même si beaucoup se plaisent à tout ramener à l’infaillible « chatte à Dédé » , ce sont justement les Français qui peuvent se targuer de mener leurs matchs « à l’allemande » . Oui, les Bleus n’ont quasiment pas vu le jour en première mi-temps, certes la faute amenant le penalty de la victoire est contestable et contestée. Mais ce n’est pas ceux qui ont si longtemps été catalogués comme des beautiful losers qui s’en offusqueront. Ce succès à domicile est aussi le résultat d’une mécanique bien huilée par un savant mélange de pragmatisme et de gestion des temps forts. Preuve en est cette « réaction collective dans la difficulté » , comme le faisait remarquer Antoine Griezmann dans les coursives du Stade de France. Didier Deschamps en est d’ailleurs pleinement conscient. « La force est là, glissait le jeune quinqua. C’est la différence entre la France, en pleine confiance et en réussite, et l’Allemagne qui a moins d’efficacité. Il n’y a rien de mieux. La meilleure vitamine pour les joueurs, ce sont les victoires. Quand on arrive à gagner un match dans la difficulté, ça donne encore plus de force, même si ce groupe en a déjà beaucoup. » Ou comment la maxime de Lineker est résumée candidement par une logique qui voudrait que la victoire entraîne la victoire.

Französische Qualität

Dans le fond, ce qui peut être perçu comme un alignement des planètes, cette capacité à sortir grandi de matchs où on a été secoué, raconte surtout que le cycle français n’est pas arrivé à son terme. Être champion du monde ne serait en rien une finalité. Et le comportement de morfal d’un Lucas Hernandez ce mardi en est la parfaite illustration. Reste tout de même à ne pas camper sur ses acquis, jouer avec le feu ou se croire intouchable. Appelez-ça comme vous voulez, mais prendre les choses à la légère pourrait faire poindre de futures déconvenues. Les joueurs tricolores sont au moins avertis de ce danger. « Il ne faut pas prendre cette mauvaise habitude d’être mené au score, reconnaissait Hugo Lloris. On sait qu’il faut rentrer dans ces matchs avec de l’intensité et de l’agressivité. Mais on a su rester solides pour préserver cet écart de 1-0 jusqu’à la mi-temps et aller chercher ce résultat avec beaucoup de caractère, de personnalité et de mental. »

Cela implique aussi de considérer chaque sortie comme importante, quel que soit le contexte, même si c’est un amical disputé dans un stade champêtre comme celui de Guingamp. « Peut-être qu’inconsciemment contre l’Islande(match nul, 2-2, N.D.L.R.), on a pu se relâcher, récapitulait Benjamin Pavard. Contre l’Allemagne, on était dans l’obligation de gagner ce match pour essayer de se qualifier. On voulait montrer qu’on est une très grande équipe et qu’on est toujours là après notre victoire à la Coupe du monde. » Et c’est certainement par cette obsession que la France pourra s’éviter un destin allemand et figurer sur la même page que l’entrée « football » dans l’édition 2019 du Petit Larousse.

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Par Mathieu Rollinger, au Stade de France

Propos recueillis par MR et Théo Denmat.

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