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Esteban Granero : « L’objectif est d’aider ceux qui affrontent le virus au plus près »

Propos recueillis par Antoine Donnarieix
Esteban Granero : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>L’objectif est d’aider ceux qui affrontent le virus au plus près<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

En parallèle de sa carrière de footballeur professionnel, Esteban Granero est également à 32 ans président-directeur général de la compagnie Olocip qui planche sur le développement de l’intelligence artificielle. Mieux encore : l’actuel milieu du FC Marbella (D3 espagnole) lutte contre le coronavirus avec à son entreprise. Entretien avec un capitaine entouré d’experts.

Esteban, peux-tu nous expliquer pourquoi tu as créé Olocip il y a cinq ans ? Cela a débuté il y a cinq ans, c’était ma propre initiative. En tant que footballeur professionnel, je voyais que les données envoyées par les fournisseurs aux clubs étaient basiques. Je me suis dit qu’il était possible de développer ces informations, dans le sens où l’analyse ne doit pas uniquement servir à ce qu’il s’est passé, mais surtout à ce qu’il va se passer. Avec la récupération de données, il était possible de procéder à différents calculs afin de faire fonctionner l’intelligence artificielle. J’ai commencé à faire mes recherches et je suis entré en contact avec deux professeurs de l’université polytechnique de Madrid : Pedro Larrañaga et Concha Bielza. Nous avons commencé à travailler sur ce projet ensemble, et au bout de deux ans, ils ont rejoint l’entreprise. Ensuite, ils se sont occupés du recrutement de docteurs et scientifiques pour créer des solutions afin de mieux aider les clubs à comprendre les données et réduire l’incertitude sur les prises de décision. Tout ce que nous avons réalisé jusqu’à présent provient d’idées vierges, c’est-à-dire que nous n’avons pas importé de modèle. C’est un concept issu de nos propres esprits. Ce que nous créons démarre de zéro. Cela possède un inconvénient, car il faut absolument tout réaliser, mais cela signifie aussi que s’il n’y a pas de précédent, nous sommes les seuls à réaliser ce type de service. Les États-Unis commençaient déjà à travailler sur ces aspects, mais en Europe, cela n’existait pas encore. C’est un plaisir d’être pionniers en la matière.

L’analyse ne doit pas uniquement servir à ce qu’il s’est passé, mais surtout à ce qu’il va se passer.

Concrètement, qu’est-ce que peut apporter l’intelligence artificielle dans le monde du football ? Nous offrons nos services aux différents clubs afin de les aider dans leurs décisions. Nous sommes un collectif expérimenté, connaisseur des différents systèmes d’intelligence artificielle en développement perpétuel. Pour un club, nous générons leur propre structure au fur et à mesure des années grâce à différents outils : la préparation des matchs, le recrutement, la prévention des blessures, le marketing, l’optimisation des actifs… Nos aptitudes sont diverses, et nous sommes capables de gérer différents domaines pour se projeter dans le futur. Par exemple, nous ne nous intéressons pas aux chiffres d’une équipe adverse par rapport aux rencontres précédentes, mais plutôt au comportement qu’elle va adopter lors de la rencontre à venir. Aussi, nous ne nous intéressons pas au rendement actuel d’un joueur, mais nous analysons sa capacité d’adaptation et de performance à un effectif déjà en place en cas de transfert et de nouvelles données à prendre en compte : le changement de championnat, de coéquipiers, d’entraîneur, de système tactique… Un autre exemple : lors de la détection d’une blessure, nos données permettent de définir le risque de blessure de chaque joueur à chaque type d’entraînement. De cette manière-là, il est possible soit d’anticiper la blessure pour que le risque soit amoindri, soit de diminuer le risque d’une rechute au cas où la blessure est effective. Toute cette contextualisation se crée à partir de l’intelligence artificielle.

Comment se passe une journée type de travail chez Olocip ? Nous somme une trentaine de salariés dont 90% vient du monde de la technologie. La majeure partie des employés sont des docteurs spécialisés dans l’intelligence artificielle. Nous avons un bureau à Madrid, mais depuis le coronavirus, tout le monde travaille depuis sa propre maison. Ajouté à cela, nous développons aussi une branche commerciale et un département de communication. En clair, nos efforts sont principalement axés sur le service au client et la recherche. Ce secteur est en constante évolution et nous devons avoir une capacité d’adaptation quasi immédiate. Plus le service est réactif, plus notre travail sera de meilleure qualité.

« Ceci est une revolución »

Nous ne nous prenons pas pour des héros. Les héros d’aujourd’hui sont dans les hôpitaux, directement en contact avec les malades du virus.

Depuis le début de la crise sanitaire, Olocip est également sollicité dans la lutte contre le Covid-19. De quelle manière, concrètement ? Quand nous avons compris que la gravité de la situation était d’une ampleur bien plus importante que celle imaginée, nous avons été contactés depuis la plateforme #StopCorona. C’est une initiative à but non lucratif, lancée par le fonds d’investissement Samaipata afin de réunir plusieurs entreprises. De notre côté, nous agissons en matière mathématique sur les modèles de prédiction du Covid. Ce n’est pas la solution au virus, mais ce sont des outils utiles afin de mieux assister les épidémiologistes. En cela, nous concentrons nos forces sur cet objectif pendant la crise sanitaire, avec l’unique souhait d’aider à combattre le virus. Nous travaillons pour savoir quel est le nombre exact de personnes contaminées. En Espagne, les contaminés sont comptabilisés en fonction des tests positifs, mais il est clair que ce nombre est inférieur comparé au chiffre réel. La prise de décision pourrait donc être beaucoup plus proportionnée avec des connaissances plus approfondies. Il est possible d’établir une prédiction de l’évolution du virus en fonction de différents paramètres comme, par exemple, le confinement. Aussi, il est possible de simuler différents scénarios possibles au contact du virus à l’échelle de la population. Dans cette période, nous nous tenons à la disposition de nos collaborateurs, qu’ils proviennent de notre pays comme de l’étranger. Nous considérons qu’il s’agit d’une situation exceptionnelle et chacun d’entre nous doit agir de manière individuelle pour le bien-être collectif. Mais nous ne nous prenons pas pour des héros. Les héros d’aujourd’hui sont dans les hôpitaux, directement en contact avec les malades du virus.
Vous travaillez donc en lien direct avec le gouvernement espagnol ? Nous devons garder cela confidentiel et les différents organismes pour lesquels nous travaillons doivent rester anonymes. Mais oui, nous avons eu des contacts à l’échelle nationale comme régionale. Du moment que cela peut être utile, nous sommes prêts à fournir nos services au-delà des frontières de l’Espagne si cela est nécessaire. Pour l’instant, l’Amérique du Sud nous sollicite, et nous cherchons à leur apporter les meilleures données possibles. Mais nous sommes également prêts à aider le Royaume-Uni ou la France. Avec Olocip, l’objectif est d’aider les plus vulnérables, les malades et ceux qui affrontent le virus au plus près.

Olocip a estimé le passage du pic de l’épidémie au 3 avril en Espagne. Êtes-vous également capables de nous informer sur l’avenir de ce déconfinement progressif que traverse le pays ?Pour estimer le pic de contagion, nous devions définir la courbe. Pour définir la courbe, nous devions estimer le nombre de contaminés potentiels. À travers un calcul mathématique, il était donc possible d’évaluer à combien était le nombre exact de malades tout en appliquant les mesures de prévention comme le confinement ou la distanciation sociale. À ce moment-là, nous identifions le pic de l’épidémie. C’est difficile d’affirmer l’exactitude de notre estimation a posteriori, car nous ne connaissons que les chiffres officiels sur les contaminés. En revanche, il est plus simple de faire un parallèle avec le nombre de décès lié au virus, mais ce pic de décès ne coïncide pas avec celui des contaminés car il y a toujours un décalage lié à la propagation du virus. En cela, nous effectuons une prédiction sur le nombre maximum de contaminés et nous lui attribuons une date, une autre sur le nombre de décès total permettant d’imaginer l’après-crise… Pour l’instant, les prédictions se sont avérées plutôt réalistes. J’espère que cela va se poursuivre.

Donner une date précise de retour des supporters dans les stades nécessite de se pencher en amont sur l’éradication du virus.

Ce week-end, l’Allemagne s’est remise à jouer au football, mais l’absence du public était un vrai crève-cœur. D’après ces estimations, Olocip peut-il prédire un retour prochain des supporters dans les stades de foot ? Là-dessus, nous pouvons rendre un rapport complet pour expliquer quelle sera l’évolution du processus de contamination, mais aussi effectuer une simulation de différentes stratégies de déconfinement pour analyser ses conséquences. Par exemple, quelles seraient les conséquences d’une ouverture directe des restaurants et centre commerciaux juste après une période de confinement ? Nous imaginons bien qu’il y aurait une forte reprise de l’épidémie, mais c’est une simulation essentielle afin de savoir si cela perturberait véritablement la sécurité de chacun. Si certains scénarios n’engendrent pas de hausse de l’épidémie durant la simulation, alors ils sont considérés sans risque. En cela, il est possible d’effectuer des calculs pour comprendre la vitesse de propagation du virus dans un stade. Donner une date précise de retour des supporters dans les stades nécessite de se pencher en amont sur l’éradication du virus.

Ce n’est pas commun de parler de mathématique et d’intelligence artificielle avec un footballeur professionnel… Comment est-ce que tu t’es intéressé à cela ?Grâce à ma curiosité et la pratique. Je n’avais pas du tout étudié les maths avant de devenir footballeur, mais mes deux associés sont vraiment calés dans le domaine, ce sont des pointures à l’échelle européenne. J’apprends beaucoup à leurs côtés, car ils possèdent des capacités intellectuelles largement au-dessus de la moyenne. Je peux expliquer notre méthode et nos valeurs, mais le travail de fond et l’aspect technique, ce sont eux qui le gèrent. À vrai dire, je suis surtout très heureux d’appartenir à cette entreprise qui met son talent au service du bien commun, même si ma vraie passion c’est le football.

D’ailleurs, ça ne te manque pas trop en ce moment ? Ah, ça fait bizarre, hein ! (Rires.) Même en été, je n’avais jamais passé autant de temps en dehors des terrains de foot. J’ai forcément très envie de rejouer, mais je n’oublie pas ma sécurité et celles des autres. Pour l’instant, il faut s’entraîner en solo depuis chez soi, car en troisième division, nous n’avons pas encore repris le chemin du centre d’entraînement comme l’ont déjà fait les clubs de Liga. Mais je profite de ma famille, c’est déjà un grand privilège.

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